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Billet de blog 29 septembre 2025

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La bonne gauche et la mauvaise gauche

Ami lecteur, asseyez-vous, servez-vous un thé bio (commerce équitable, évidemment), et laissons de côté un instant les médias trop faciles à caricaturer.

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Pas de BFMTV ni de CNEWS ni de Praud ou de bollosphère en transe, ces gardiens du temple pour qui le simple fait d’aimer le quinoa fait de vous un crypto-stalinien cannibale. Non, parlons des « gentils ». Soit : l’audiovisuel public pour la radio et la télé, et pour la presse disons Le Nouvel Obs, Libé ou Le Monde.: le trio gagnant de la bourgeoisie progressiste qui se brosse les dents trois fois par jour et dit « les personnes racisées » de la voix du curé de Bétharram.

La bonne gauche et la mauvaise gauche

Ces médias de premier plan qui distillent au quotidien une idéologie raisonnablement sociale-démocrate (voire sociale-libérale) (voire libérale-libérale) n’ont jamais autant agité leur label « de gauche » qu’en ce moment. De la remise en cause du macronisme ultradroitier à la promotion quotidienne de la taxe Zucman, un vent de socialisme semble souffler sur l’expression éditoriale de la bourgeoisie éclairée qui pense comme il faut. Petit tour d’horizon.

Quand je parle d’un vent de socialisme, on ne va pas non plus s’emballer tout de même !

Dans le monde éditorial dont nous parlons, le mot socialisme est trompeur. Car la gauche est multiple et non pas d’un seul bloc, c’est vieux comme un congrès de Tours. À l’instar du cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise gauche.

Pour faire court, disons que la bonne est responsable et ouverte au dialogue. Raisonnable, elle évite les manifestations où ça sent la poudre et le débordement. Elle préfère négocier des compromis – retenez ce mot – dans des bureaux feutrés où on parle à mi-voix et où on reste poli. Elle fait des conclaves, parle avec tout le monde. Elle a le verbe courtois et les ongles propres. Elle aime l’ordre et c’est pourquoi on dit « Que c’est une gauche de gouvernement ». Bien. Et puis il y a l’autre gauche, la mauvaise, dont Patrick Cohen nous rappelait le 15 septembre dernier qu’elle « ne veut que la crise ».

Ainsi donc la reconnaît-on la mauvaise gauche : elle aime le chaos, le désordre et le tohu-bohu. Inapte au dialogue et rétive à la raison, elle ne discute avec personne, préférant bloquer l’économie et vandaliser des abribus. En outre elle est antisémite, mal rasée et elle dit des gros mots. À l’approche de l’automne, elle va se goinfrer de merguez à la Fête de L’Huma avec plein de petits bouts de frites mayo qui lui tombent dans le keffieh, beurk. On l’aura compris, quand le média dominant dont nous parlons ici s’entiche de la gauche, c’est avec bon goût et discernement qu’il saura choisir laquelle.

On va passer rapidement sur le cas de ce bon Thomas Legrand. Le voici en comité privé avec quelques amis cadres de la gauche – la bonne, celle qui est bien coiffée et sait se tenir à table. Assurant ses pairs encartés de la capacité de France Inter à militer pour le PS auprès de ses auditeurs CSP+ (qu’il désigne comme le « marais centre-droit centre-gauche »), il n’a au fond pas appris grand-chose à personne. Seul fait notable de l’affaire : notre brillant et raisonnable éditorialiste CSP+ centre-droit centre-gauche a trouvé le moyen de se faire gauler, ce qui dénote quand même un certain manque de professionnalisme. Mais passons. Après tout, nos éditorialistes en question sont de fidèles spécimens de la petite bourgeoisie confortable et diplômée, et on connaît depuis longtemps la passion humaniste de cette classe sociale pour la gauche – je veux dire la gauche convenable, celle qui sait manger un velouté de saison sans faire d’abominables bruits de succion avec la bouche.

Jusqu’ici rien de neuf donc, la bourgeoisie sociale-démocrate a ses usages, ses députés, ses éditorialistes et le monde est décidément bien fait. On n’a toujours pas appris grand-chose. La surprenante inclinaison quasi-marxiste du moment médiatique est ailleurs.

La taxe Zucman fait- elle le moine ?

En parlant de taxer les riches, on touche ici au point d’orgue de la bolchévisation accélérée de ce petit monde médiatique. Cette question qui était autrefois la marotte, que dis-je l’obsession de l’extrême gauche en slip kangourou avec un rouston qui dépasse, beurk, et qu’on renvoyait dans ses cordes avec un toujours bien senti « vous voulez encore augmenter les impôts ? » est devenue LE sujet de prédilection. Autrefois peu vendeuse, la vaste idée de partage des richesses est enfin concentrée dans un produit marketing identifiable et bien emballé, qui porte à lui tout seul la promesse des lendemains qui chantent. Et voici que matinales, éditos, débats et infos ne laissent pas passer un jour sans parler haut et fort de la taxe Zucman en bombant le torse, on pourrait dire que la bourgeoisie éditoriale fréquentable et modérée a trouvé ici son doudou. Elle l’emmène partout avec elle et l’agite fièrement à la face du monde, grisée de s’attaquer si hardiment au grand capital. On jubile, on trépigne. Ça y est, on est de gauche. On va même pouvoir en remontrer à ces inconséquents zadistes de l’autre gauche, celle qui pue des pieds.

C’est ainsi que Pierre Lescure, journaliste et homme d’affaires, c’est vous dire si sur la gauche on ne la lui fait pas, se permettait le 24 septembre sur France 5 une charge remarquable d’insolente hardiesse à l’endroit de Manuel Bompard. Représentant de la mauvaise gauche, extrême gauchiste assoiffé de sang et fort mal rasé. Reprenant l’antenne après le bref extrait d’un discours où le patron du MEDEF s’alarmait que cette taxe Zucman allait faire effondrer l’économie, le journaliste et homme d’affaires, pétri de l’impertinence de celui qui va vous en envoyer une bien bonne dont vous ne vous relèverez pas, fixe droit dans les yeux la bête fauve invitée sur le plateau et envoie son skud : « vous serez d’accord que les propositions du Parti socialiste ne sont pas prises à la légère par le patronat ?  ». Et bim. L’impertinence, c’est tout un art. Prends ça dans la poire, maoïste dégénéré qui braille des slogans puérils entre Bastille et Nation pendant que les gens sérieux font vaciller le capitalisme mondialisé. À quoi l’égorgeur de vieilles dames à mobilité réduite a répondu que la taxe Zucman fut en premier lieu proposée par La France insoumise (projet de loi voté par l’assemblée le 20 février puis rejeté par le sénat le 12 juin), en affichant un large rictus qui semblait réfréner un fou rire – ce qui prouve bien sa complicité avec les attentats du 7 octobre.

Lutte sociale mortifère versus compromis bienfaisant

C’est bien ici que se trouve la ligne de fracture irréconciliable : tandis que la gauche philanthrope qui aime son prochain et qui a marché sur les eaux, respecte la démocratie en maniant ingénieusement l’art politique du compromis, du conclave et de l’accord de non-censure, la funeste gauche stalino-djihadiste mue par les forces du mal et qui a encore un peu de mayonnaise sur le menton, c’est dégoûtant, ne rêve que d’aller dans la rue pour tabasser d’inoffensifs cordons de CRS. Les mouvements sociaux de septembre et particulièrement celui du 10, « bloquons tout », ont révélé à merveille cette dichotomie sobrement manichéenne. Je conseille à ce sujet le très documenté article de Pauline Perrenot et Jérémie Younès sur le site d’Acrimed, « "Bloquons tout" : haro sur les "ingénieurs du chaos" ».

Découvrir un génocide au bout de deux ans de génocide

On notera tout de même dans les propos des journalistes mainstream de gauche – une légère inflexion dans le reproche fait aux défenseurs du peuple gazaoui. Cette position, qui vous valait il y a encore quelques semaines une condamnation au bûcher pour antisémitisme, a vu les charges retenues contre elle lourdement tomber d’un étage. Désormais, c’est donc par paresse intellectuelle ou par manque d’imagination que la gauche radicale, l’infâme, celle qui trempe son sandwich au pâté dans le kalimotxo, s’engage pour la cause palestinienne. C’est un progrès notable : l’accusation a baissé d’un cran, plus question de brûler des sorcières. « Génocide » n’est plus un blasphème. Le drapeau palestinien n’est plus un logo terroriste. On ose le mot, parfois du bout des lèvres mais on ose. On affiche le drapeau sur certaines mairies, pas trop longtemps mais on l’affiche. Bref, le vent tourne. Sur les plateaux, dans les journaux, les mairies, les cercles mondains, les instances et même quelques-unes haut placées, on s’y met. On condamne. On prend l’air grave. Il faut dare-dare se ranger du bon côté de l’histoire avant que ce massacre n’y laisse une tache définitivement indélébile. Alors bien sûr le jugement médiatique a changé de ton. Ce n’est plus passible d’être brûlé en place publique. Et ma foi, heureusement, ça ne serait pas très raisonnable au niveau du bilan carbone.

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