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Mammouthe à poil laineux utopiste

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Billet de blog 30 décembre 2024

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Fin de règne

Depuis six mois, Emmanuel Macron s'entête à ignorer le désaveu électoral dont il a été l'objet. Ce refus de reconnaître les messages des urnes, exprimés lors des élections européennes et législatives, plonge la France dans une impasse politique et une instabilité gouvernementale.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour conserver le pouvoir, Macron tente de bâtir une coalition de « troisième force » réunissant des acteurs allant de la droite au centre gauche. La nomination récente de François Bayrou, un allié de longue date, au poste de Premier ministre, illustre cette stratégie. Bayrou, rallié à Macron dès 2017, a soutenu toutes ses réformes, même celles les plus impopulaires comme le relèvement de l’âge de la retraite.

Une présidence qui s'accroche malgré tout

Les institutions de la Ve République offrent au président des leviers puissants, même lorsqu’il est impopulaire : il choisit le Premier ministre, peut dissoudre l’Assemblée nationale et fixe la date de son départ. Macron exploite pleinement ces outils pour protéger deux aspects majeurs de son bilan : une politique économique axée sur la baisse des impôts, profitant principalement à une clientèle aisée et âgée, et une stratégie européenne visant à militariser davantage l’Union. Toutefois, la composition actuelle de l'Assemblée nationale, où ses soutiens ne forment qu'une minorité, le contraint à chercher des alliances précaires.

Dans cette configuration, Macron jongle entre deux tactiques : amadouer l’extrême droite avec des lois sécuritaires ou anti-immigration, et séduire le centre gauche en promettant des réformes institutionnelles (comme le scrutin proportionnel ou l’abandon de l’article 49.3, utilisé pour faire passer la réforme des retraites sans vote des députés). Ces manœuvres maintiennent en vie le « bloc central », composé des soutiens macronistes et de la droite (Les Républicains), deux forces pourtant sanctionnées lors des élections. Les macronistes sont passés de 22,42 % des voix aux européennes à 14,6 %, et de 246 à 168 députés aux législatives. De leur côté, Les Républicains ont chuté de 8,48 % à 7,25 % et de 60 à 46 députés.

Les limites de la stratégie Macron

Face à ces reculs, Macron a d’abord nommé Michel Barnier (LR) comme Premier ministre, avant de se rabattre sur Bayrou, président du MoDem. Ce parti, dont les 36 députés appartiennent à la coalition présidentielle, partage avec d'autres formations (notamment socialistes) une habitude de contourner le verdict populaire : en 2008, ces partis avaient fait adopter par voie parlementaire un traité européen rejeté par référendum en 2005.

En choisissant Bayrou, centriste et fervent européen, Macron cherche à ressusciter une coalition bourgeoise, âgée, et éduquée, bien vue des médias opposés au « populisme ». Alain Juppé, ancien Premier ministre, en avait esquissé les contours dès 2015 en proposant que « les gens raisonnables gouvernent ensemble, laissant de côté les extrêmes de droite et de gauche ». Cependant, le « centre » politique s’est érodé avec le temps, rendant difficile la formation d’une majorité stable.

Cette fragilité s’est illustrée avec le renversement du gouvernement Barnier, conséquence d’un vote de censure le 3 décembre. Bien que cette démarche soit pleinement démocratique, Macron a dénoncé un « front antirépublicain ». Excluant le RN et LFI, il a réuni les autres partis pour affirmer un consensus contre le Rassemblement National. Pourtant, quelques mois plus tôt, son gouvernement avait adopté une loi anti-immigration grâce aux voix du RN. Ce double discours souligne les maladresses de Macron, qui ajuste constamment sa stratégie en réponse à ses échecs.

Une alliance des contraires et ses conséquences

Le RN, souvent stigmatisé par le « bloc bourgeois », a surpris en soutenant la motion de censure portée par la gauche et les écologistes du Nouveau Front populaire (NFP). Ce geste a renversé le gouvernement Barnier, exposant les incohérences du « bloc central » et de ses alliés médiatiques. Ces derniers ont réagi avec indignation, dénonçant une alliance entre « extrêmes » qui, selon eux, menaçait la stabilité politique et économique.

Les médias, de France Inter à CNews, ont alimenté la peur du chaos. Un documentaire de BFM TV a dramatisé la présence de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale lors du vote, comparant son attitude à celle de Néron contemplant Rome en flammes. Les figures politiques et éditorialistes ont également intensifié les critiques. À gauche, les socialistes ont été sermonnés pour leur alliance avec LFI. À droite, le RN a été accusé de « politique du pire ».

De manière alarmiste, Élisabeth Borne avait affirmé qu’un rejet du budget de la Sécurité sociale entraînerait l’arrêt des paiements des retraites et des prestations sociales dès janvier. Ces prédictions, qualifiées de désinformation, ont été démenties : les cartes Vitale fonctionnent toujours, et les retraites continuent d’être versées. Parallèlement, certains médias ont agité la menace d’une crise financière, interprétant une légère hausse des taux d’intérêt comme une conséquence directe du vote de censure, bien que d’autres facteurs, comme les annonces protectionnistes de Donald Trump, aient davantage pesé.

Des divisions profondes et des perspectives incertaines

Pour Macron, l’enjeu est de diviser l’opposition pour mieux régner. Il espère pousser les socialistes et écologistes à rompre avec LFI pour se rapprocher du centre. Un tel éclatement du NFP affaiblirait la gauche, tout en redessinant les rapports de force au Parlement. Cependant, cette stratégie se heurte à des résistances internes. À droite, le RN et Les Républicains tentent de profiter de l'affaiblissement du « bloc central » pour renforcer leur influence.

Enfin, la perspective de l’élection présidentielle accentue les tensions. Les différents partis, y compris ceux du NFP, élaborent des stratégies individuelles, compromettant l’unité nécessaire pour présenter une alternative crédible à Macron. Cette dispersion pourrait favoriser un nouveau duel entre Macron et le RN, renforçant la polarisation déjà marquée du paysage politique français.

Conclusion

Emmanuel Macron, en refusant de s’adapter aux résultats électoraux, exacerbe les tensions et contribue à l’instabilité politique. Ses manœuvres opportunistes et ses alliances fluctuantes divisent davantage le paysage politique, tout en fragilisant ses propres soutiens. Cette situation met en lumière les limites d’un système institutionnel centré sur le président, où l’entêtement d’un chef d’État peut engendrer un blocage durable. La France, confrontée à cette impasse, peine à trouver une voie pour sortir de cette crise.

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