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Billet de blog 18 septembre 2024

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Le Nouveau Front populaire contre le fascisme lent

REPUBLICATION – Le 09/06 lors des élections européennes, l'extrême droite a obtenu 40%. Dans la foulée, le président dissolvait l’Assemblée. Des élections anticipées auront lieu les 30/06 et 07/07. Dans un pays fracturé. Dans cet édito, nous essayerons d’analyser la séquence politique que l’on traverse et les perspectives qui s’offrent à nous, car rien n’est encore gagné, ni pour nous ni pour eux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Publié à l'origine sur Unité Lycéenne, le journal de l'Union syndicale lycéenne, le 15 juin 2024.


En juillet 1932, le Parti national socialiste emmené par Goebbels obtenait une majorité relative au Bundestag, le Parlement allemand. Face à l’impossibilité de gouverner, Hindenburg nommait Adolf Hitler chancelier d’Allemagne. Nous savons pertinemment ce qu’il s’est produit par la suite : petit-à-petit, l’Allemagne déviait vers ce qu’il s’est produit de pire dans l’Histoire de l’humanité. Cette mouvance qui conduit les Nations vers le chaos est le fascisme, une mouvance politique incompatible avec toutes les valeurs démocratiques et républicaines que l’on peut avoir. Le fascisme naît sous Mussolini et se traduit par la mise en place d’un système politique animé par la censure et l’autoritarisme. Dans ce modèle de société, les voix qui diffèrent de celles du pouvoir sont réduites au silence, comme ce qui fût le cas pour au moins 3,3 millions de prisonniers de guerre soviétiques qui combattaient le nazisme.

Cet exemple n’est pas isolé puisque partout où l’extrême droite prend le pouvoir elle ne le rend pas. Rappelons-nous des images glaçantes des partisans de Donald Trump qui envahissaient le Capitole, ou encore les soutiens de Jair Bolsonaro qui pénétraient dans les institutions démocratiques brésiliennes. C’est l’essence même du nouveau fascisme aujourd’hui : prendre le pouvoir par les urnes et le maintenir par la force. Il se différencie forcément du fascisme d’hier, qui prenait le pouvoir par la force comme Franco en Espagne, Salazar au Portugal ou encore Pinochet au Chili. C’est donc important pour notre camp politique de bien définir ce qu’est l’extrême droite, elle n’est plus le fascisme d’hier, elle est aujourd’hui le néofascisme. Un genre nouveau, accommodé aux démocraties occidentales, mais surtout elle sert toujours les intérêts de la bourgeoisie. Les programmes économiques de l’extrême droite sont ceux des capitalistes. Ils ne cherchent qu’à appauvrir les plus pauvres et embourgeoiser les détenteurs du capital et en définitive, les détenteurs des réseaux collectifs. En France, le parti présidentiel appelait à faire barrage contre la soit-disant extrême gauche qui serait représentée par la France insoumise lors des élections législatives de 2022. Dès que les intérêts des riches ne sont pas menacés, ils appellent à faire le “barrage républicain”, celui mis en place par Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle de 2002 contre Jean-Marie Le Pen. Mais dès que ses intérêts sont menacés par la gauche, alors le “barrage républicain” prend une autre tournure. Il se positionne contre ceux qui défendent le peuple.

Emmanuel Macron : un fascisme lent

Bien qu’il serait faux de dire qu’Emmanuel Macron est un fasciste, il est intéressant de se pencher sur les nombreuses politiques qu’il a pu mener depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Car celui qui arrivait à la tête de la Nation et qui se donnait pour objectif de faire disparaître le Rassemblement national n’a été qu’un marche-pied pour celle-ci, aujourd’hui aux portes du pouvoir. Mais il n’a pas seulement été le personnage qui fit progresser les forces néofascistes. Il a aussi été le président le plus autoritaire que la Cinquième République n’ait connu. Ce n’est pas moi qui le dit, mais bien des organismes réputés. Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU épinglait la France en 2023 pour sa gestion des nombreux cas de violences policières, Amnesty International et la Ligue des droits de l’Homme s’inquiètent du droit à manifester en France. Sur le plan législatif aussi il y a danger. De nombreuses lois ont été votées (rare sous la Macronie qui préfère légiférer en 49.3 plutôt que par le vote) et représentent un risque grave de violation des libertés individuelles. Que ce soit le projet de sécurité globale, la loi de programmation du ministère de l’Intérieur, les lois de surveillance des Jeux olympiques, tout se résume par cette volonté acharnée d’Emmanuel Macron de mieux surveiller pour mieux mater ceux qui s’opposeraient à lui.

Dans le même temps, il surfe sur les vagues du populisme bourgeois. Mercredi 12 juin, il tenait une conférence de presse pour donner son plan jusqu’aux élections législatives anticipées. Tout le long, il met le doigt sur le chaos des “deux extrêmes” en s’incarnant comme celui qui peut résoudre cette situation. Le président de la République tente depuis sept ans d’effacer le traditionnel clivage gauche-droite au profit d’un clivage “modéré-extrêmes”, en mettant toutes les formation politiques et syndicales qui ne soutiennent pas son action politique hors du “champ républicain”. Tous ces éléments ont un sens qu’il faut analyser. Il cherche à répandre la peur, au même titre que le fascisme, pour maintenir au pouvoir les intérêts du grand capital. Le tout avec une complicité médiatique déplorable. 90% des chaînes télévisées, radios et journaux appartiennent à neuf personnes. Le point commun entre ces neufs actionnaires ? Ils sont tous milliardaires et sont les amis d’Emmanuel Macron ! Rappelons que l’activité financière de ces grands groupes (CMA-CGM, Bolloré, Bouygues, etc) dépend en partie de la commande publique, celle qui vient de l’État. Leurs intérêts sont communs et gouvernent main dans la main. Voilà pourquoi les médias français tapent autant sur la gauche et pas sur l’extrême droite. Une peut renverser ce système destructeur, l’autre n’est que le produit de ce système.

Marine Le Pen et Jordan Bardella : le fascisme visible

Nous avons donc un dirigeant d’une république bananière qui faut mumuse avec l’extrême droite. Mais avec le néofascisme on ne rigole pas. On le combat jour et nuit. Cette mouvance politique est aujourd’hui grandement représentée par le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella, bien que nous pouvons aussi parler du parti d’Éric Zemmour et des groupuscules violents qui prolifèrent partout en France. Si l’on peut se permettre de qualifier le Rassemblement national de formation politique d’idéologie néofasciste, c’est parce que celle-ci a une histoire. Sa création remonte au 13 novembre 1972 à Paris, lorsque cinq hommes signent les statuts du Front national. Parmi eux, le trésorier Pierre Bousquet qui était auparavant dans la division Charlemagne des Waffen-SS, la branche politique la plus violente de l’armée nazie. L’exemple de Pierre Bousquet est souvent repris par notre camp politique, mais il ne faut oublier que ce sont les cinq fondateurs qui étaient des figures de la violence et du nazisme, comme par exemple le vice-président François Brigneau, ancien milicien sous le régime de Vichy. Encore maintenant, les liens entre le parti et les groupuscules violents continuent d’exister. Il suffit de lire les déclarations et agissements des élus du Rassemblement national pour s’en rendre compte. Ce sont mêmes trois affaires de liens avec le terrorisme dont fait l’objet le RN !

Le nouveau projet de l’extrême droite au niveau mondial est de s’accaparer progressivement le pouvoir en se “dé-fascisant”. Plus aucune formation politique ne dit explicitement qu’il faudrait déporter Musulmans, Juifs, Arabes et Noirs. Pourtant, la volonté est toujours la même, comme ce que révélait il y a quelques mois le média d’investigation Correctiv au sujet de l’AfD (équivalent du Rassemblement national en Allemagne). L’extrême droite a un programme secret de “remigration” (donc une déportation massive) qu’ils déploieraient à leur arrivée au pouvoir.

L'espoir du Nouveau Front populaire

Revenons à juin 2024. L’extrême droite obtient donc près de 40% des suffrages lors de l’élection des députés au Parlement européen, bien que ce chiffre soient à prendre avec des pincettes puisque la moitié des Français ne sont pas allés aux urnes. Juste après les résultats, le président de la République convoquait l’article 12 de la Constitution visant à dissoudre l’Assemblée nationale. La stratégie d’Emmanuel Macron n’est pas encore tout-à-fait explicite. Mais il ne fait nul doute que ce dernier pensait à un duel entre lui et le Rassemblement national, sans la gauche qu’il pensait partir divisée. Et bien il se trompait. En vingt quatre heures, un engagement était pris par les principales formations politiques progressistes, celui de l’union. Le lendemain, le premier syndicat en France, la Confédération générale des travailleurs (CGT) appelait à la formation d’un front populaire. En quatre jours, les chefs de la France insoumise, du Parti socialiste, des Écologistes et du Parti communiste se mettent d’accord sur un programme commun.

Donc, ce que le chef de l’État oubliait, c’est que lorsque l’extrême droite est aux portes du pouvoir, le bloc antifasciste sait répondre présent. Après la tentative de coup d’État des forces fascistes le 6 février 1934, la gauche était rassemblée et battait le pavé dès le 10 février 1934 à Paris. Ce fut d’ailleurs cet événement qui a permis aux cortèges de la CGT et de la CGT-U de faire banderole commune et de s’unir. Cette convocation de l’Histoire est importante car c’est la seule fois où le monde syndical est allé au-delà de son champ de compétences pour prendre position dans une campagne électorale. En 2024 comme en 1934 le risque de voir le fascisme à la tête du pays est majeur. Chacun prend ses responsabilités. Et les organisations qui ne prennent pas leurs responsabilités en n’appelant pas à un soutien sans ambiguïté au Nouveau Front populaire seront directement classées dans une catégorie qui remonte aux heures les sombres de notre Histoire, celle des complices du néofascisme.

Le programme partagé du Nouveau Front populaire n’incarne pas seulement la possibilité de faire barrage à l’extrême droite, il incarne l’espoir d’arriver au pouvoir. L’espoir d’abroger la retraite à 64 ans, de bloquer les prix de l’énergie et des produits de première nécessité, de reconnaître l’État de Palestine, de détruire le tri social à l’école. En bref, l’espoir de tout changer. Car oui, si le programme n’était pas radical et qu’il ne remettait pas en cause le projet de casse sociale d’Emmanuel Macron et de racisme de Jordan Bardella, alors cela marquera sûrement la fin de la gauche. Au profit d’un dualisme à l’américaine opposant les libéraux aux populistes d’extrême droite. On ne fait pas avec le système. Non, il faut tout changer. De la cave au grenier.

Cette radicalité affirmée du Nouveau Front populaire porte un horizon nouveau pour la France, qui, je le crois, saura convaincre le peuple. Car si l’abstention est aussi forte, c’est parce que le peuple qui a donné sa voix pour la gauche s’est fait trahir, comme en 2012 avec François Hollande. “Mon ennemi c’est la finance” qu’il disait. Sans rire. Maintenant, nous devons justement transformer cette abstention en une participation électorale massive. Il faut commencer par la banlieue, qui doit être au cœur de cette campagne puisque c’est grâce à elle que Jordan Bardella n’a fait “que” 31% selon le Bondy Blog. Nous devons convaincre, et ça ne passera que par cette radicalité nécessaire qui prouvera qu’il n’est plus question de la trahison. Cette radicalité doit s’incarner sur tous les niveaux : le programme, les députés et surtout le candidat à Matignon. C’est la seule ligne cohérente qui nous permettra de l’emporter, sans quoi la bataille est déjà perdue. Aussi, et ça semble évident, il nous faudra multiplier les actions partout en France. Finissons-en avec les campagnes sectaires de certains qui ne s’adressaient qu’aux militants aguerris. Toquons aux portes de toutes les barres d’immeubles et de tous les villages. Organisons des meetings chez le peuple, dans les cités et dans les petits centres-villes. Pas seulement dans les grandes villes où l’on sait que ceux pour qui nous nous battons en sont socialement et géographiquement exclus.

Une fois cette stratégie étayée, se pose la question de l’unité. À l’Union syndicale lycéenne, dès le dimanche soir après l’annonce du président, nous avions appelé à la formation d’un large bloc sur la base d’un programme de rupture. Les composantes de la gauche politique ont suivi le pas. Maintenant, c’est au tour de la société civile d’entrer dans la campagne. L’appel aux syndicats et associations a été lancé : ils doivent y répondre, et au plus vite. Le Front populaire de Léon Blum s’était formé avec la CGT, la Ligue des droits de l’Homme. Recommençons.

Durant la campagne, nous prendrons des coups de la part de classe médiatique qui cherchera à nous discréditer. On salira notre image en nous insultant d’antisémites ou que sais-je. Ne perdons pas le large. Nous savons pour quoi et contre quoi nous nous battons. Nous sommes des humanistes convaincus qui luttons pour le peuple. Nous sommes le bouclier du venin antisémite, islamophobe et raciste que diffuse l’extrême droite. On nous expliquera aussi que nous sommes hors du champ républicain. Cette notion qui n’a ni fond juridique ni fond politique est celle du chaos dont on parlait. Et ça a déjà commencé : Éric Ciotti (président ou ex président des Républicains, on attend la décision de justice) a annoncé une alliance avec le parti de Jordan Bardella. Son bureau politique l’a exclu sous prétexte qu’il ne faut pas faire de pacte avec l’extrême droite. Sont-ils sérieux dans leurs propos ? Certainement pas ! Le lendemain de l’annonce, le vice-président du parti François-Xavier Bellamy annonçait qu’en cas de second tour opposant un candidat du Nouveau Front populaire et un candidat du Rassemblement national, alors la consigne sera de voter pour le second. Le parti censé être l’héritier du général De Gaulle se retrouve à être les malheureux héritiers d’Hindenburg qui promettait de ne jamais confier le pouvoir à Adolf Hitler !

Et après ?

Maintenant va se jouer le combat d’un peuple contre le fascisme. Nul ne pourrait refuser de s’y joindre car tout le monde sera durement impacté si Jordan Bardella arrive à Matignon. S’il y parvient, nos organisations vivront sous une menace permanente de dissolution, de coupes budgétaires et de surveillance. Il faudra apprendre à passer par des réseaux souterrains, de sorte à continuer à exercer une activité militante. Si la pression est trop forte, alors il faudra s’inspirer de ce qu’ont fait nos camarades de l’Affiche rouge en France contre le nazisme, du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria) au Chili contre Pinochet ou encore de la FAI, de la CNT et du POUM en Espagne contre le général Franco. Dans cette bataille, “nul ne peut échouer, car celui qui mourra aura agi pour l’éternité” (William Morris).

Pour l’heure, le fascisme n’est pas au pouvoir. C’est la raison pour laquelle la mobilisation devra être gigantesque partout en France. À l’USL, nous saurons prendre nos responsabilités en appelant les lycéens à s’investir massivement dans la campagne. À présent, c’est au tour des autres organisations de prendre leurs responsabilités. Nous pouvons prendre le pouvoir dans trois semaines et appliquer un programme de rupture pour le peuple. Ne ratons pas cette occasion et concrétisons la dès aujourd’hui car ce sera le fascisme ou nous.

En avant camarades !

Gwenn Thomas-Alves
Co-fondateur et premier Président de l'Union syndicale lycéenne – Étudiant en science politique

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