Parce que je crois que la responsabilité, c'est aussi pour les bloggers, je souhaite répondre présente à l'invitation de MDP de défendre ENSEMBLE la liberté d'informer et le droit de savoir.
En guise d'illustration de l'article d'Edwy Plenel « Défendre l'exigence d'information contre le règne de l'opinion », j'ai essayé pour ce billet de séparer l'opinion et l'information, deux phases émulsionnées dans les billets précédents sur le Monde selon Davos. Pas si facile.
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L'opinion

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Courant juin, au hasard des ondes, entendre Bruno Le Maire s'auto-féliciter des négociations menées auprès de l'industrie agro-alimentaire pour baisser les prix de 1 000 produits parmi lesquels la Heineken et la vache qui rit m'avait fait marmotter dans l'habitacle de ma voiture : « …sont fous, …et dire que Marie-Antoinette a perdu la tête pour une brioche… ».
Mais depuis que je peux saupoudrer d'algues mes salades, j'estime être passée dans la catégorie des bobos et je ne me sentais pas la légitimité d'évoquer le fléau de l'inflation, contrairement aux auteurs de billets à la Une du 6 septembre.
Sauf que dans la tour infernale qu'est la société mondiale, l'ascenseur social s'arrête à mi-étage. Il y a des réflexes qu'on n'abandonne pas, comme celui de faire sa liste de course. Or, sur le site du gouvernement, de cette liste prête à l'emploi pour faire ses courses à moindre coût : aucune. Plutôt une liste à la Boris Vian établie en piochant de-ci, de-là les produits mentionnés par les médias :
une Heineken, une vache qui rit, du coca-cola, un poulet de batterie, des Barilla et un salon de jardin
Ensuite, la calculatrice mentale s'enclenche automatiquement : Un kilo de Barilla à environ 2,50 € étant environ 70 % plus cher que le PPPG, le plus petit prix de la gamme, les Barilla, même à prix négocié, sont un bien inaccessible. La balance bénéfices/efforts des actions du ministre est donc nulle et par conséquent, le coût salarial de Nono exorbitant (je me permets cette familiarité depuis que j'ai reçu Jojo pour appellation générique sur les fonds baptismaux « macroniques »).
une Heineken, une vache qui rit, du coca-cola, un poulet de batterie, des Barilla et un salon de jardin
C'est une idée qui n'effleure pas Nono et Manu mais Jojo a pour principe d'opter pour la nutrition plutôt que pour le plaisir ou la marque : une orange plutôt que du coca, un yaourt plutôt que de la pâte fromagère fondue. Quand le corps est le seul capital, il vaut mieux ne pas dépenser dans les actifs toxiques.
une Heineken, une vache qui rit, du coca-cola, un poulet de batterie, des Barilla et un salon de jardin
N'en déplaise à Gab, bien qu'inspirée par la complainte du Progrès, ce n'est pas la ritournelle d'une société geignarde et victimaire. Aussi inconcevable cela puisse être pour Gab, Jojo est ambitieux : il se moque comme d'une guigne de la Heineken, Jojo défend l'accès à de l'eau de bonne qualité, non polluée, à un prix équitable et sans impact sur la pérennité des ressources.
une Heineken, une vache qui rit, du coca-cola, un poulet de batterie, des Barilla et un salon de jardin
Avant, pour séduire le citoyen, on construisait une vision à 50 ans. Maintenant la communication a remplacé la construction. Jojo aspire à un projet politique à forte valeur-ajoutée nutritive et sociale, tenant compte des contraintes de l'environnement, des consommateurs, de l'agriculture. Il déchante : Nono s'auto-congratule du blocage des prix pour 5 000 produits alors que, les prix des matières premières baissant, les prix devraient aussi baisser pour :
la Heineken, la vache qui rit, le coca-cola, le poulet de batterie, les Barilla et le salon de jardin
Pas étonnant que Jojo se méfie des pratiques de dame patronnesse de la République qui distribue ses chèques comme s'ils étaient conditionnés à son impassibilité face au chantage que même le Maigrat de Zola n'aurait pas osé : Jojo reste calme, si tu plantes ton salon de jardin sur un rond-point, je reprendrai :
ton pack de Heineken, la vache qui rit, le coca-cola, les Barilla et ton salon de jardin
Et s'il venait à l'idée de Jojo de demander du rab au ministre qui joue les hommes-sandwich pour l'industrie agro-alimentaire, Gégé le p'tit râblé lui enverrait une batterie de poulets, qui déballeraient la marchandise :
les matraques, les grenades de désencerclement, les lacrymogènes, les bean bags (catégorie arme et non salon de jardin) et les lbd
Faut croire que pour Zabou, y'a pas d'tabous, l'inflation de la violence est incontrôlée même au prix d'la vie de Jojo.
Oh, la vache !
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L'information
Contrairement à son homologue algérien qui a fixé les prix pour une liste de denrées subventionnées tenant sur une page, notre ministre doit négocier avec 70 groupes de l'industrie agro-alimentaire. D'un côté de la Méditerranée : des produits, de l'autre côté : des marques. On peut s'interroger sur cette différence de stratégie pour lutter contre l'inflation.

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Les données d'origine à partir desquelles a été écrit le billet se trouvent via ce lien et plus précisément aux pages 10, 11, 12 du Global Risks report 2023. Pour des conclusions plus robustes, un entretien avec Saadia Zahidi, qui en a dirigé la rédaction, aurait été opportun.
On observe que la gouvernance n'est plus appréhendée comme une pyramide à l'échelle nationale mais comme une structure satellitaire composée de « stakeholders » (1), chacun exerçant une force sur les autres. Ainsi, le Forum de Davos, élevé depuis 2015 au statut d'institution internationale, exerce une pression sur l'état, renommée « gouvernance nationale ».
Concernant le coût de la vie, le Forum estime que le risque sociétal relatif au coût de la vie a émergé pour 50% à cause d'une inefficacité des mécanismes en place pour le prévenir (2) et qu'il revient aux autorités locales et nationales à raison de 50% de résoudre la problématique (3).

Agrandissement : Illustration 3

Donc le diagnostic est sévère et la pression est forte pour le gouvernement qui doit s'attacher à résoudre non seulement la problématique du coût de la vie, mais aussi les risques qui lui sont associés comme la crise de l'énergie, l'inflation et l'approvisionnement en nourriture, soit 4 des 5 risques les plus critiques pour la société en 2023.

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Dans sa vision à 10 ans, la gouvernance mondiale a maintenu l'influence du risque associé au coût de la vie (4) à un niveau très élevé et curieusement même plus élevé que les risques écologiques (5), contrairement à la cotation que j'avais faite personnellement via mon powerBI. On observe aussi que les liens grisés entre le coût de la vie (4) et la santé (6) ou la cohésion sociale sont très tenus, des impacts qui semblent sous-estimés.

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Cela met en évidence que la cause racine de l'inflation est le système sous-tendu par la doctrine néolibérale aveuglée par ses dogmes : le Progrès au service de la croissance économique et la fusion Public-Privé.
En effet, dans un système où le public aurait assuré son autonomie vis-à-vis du privé, un ministre de l'économie serait moins impliqué à négocier les marges de l'agro-alimentaire; Il construirait avec le reste du gouvernement une société soucieuse d'un équilibre entre l'environnement, l'agriculture et la consommation.
Faut-il en conclure qu'il est urgent de changer la structure de la gouvernance mondiale ?