Crise oblige, c'est un cadeau utile qui a été déposé au pied du sapin : un mode opératoire pour construire le futur.
Qu'il ait la passion de l'argent sans en connaître les affres, ne disqualifie pas Peter Thiel. Selon le fondateur de Paypal, pour réaliser cette ambition, mieux vaut créer du neuf que répéter ce qui a déjà été fait; Innover, c'est passer de 0 à 1; Copier-Coller avec un petit +, c'est glisser de la version 1 à la version n.
Le christianisme est la parfaite illustration du passage de Zéro à Un. L'église a touché le jackpot grâce à cette idée forte, originale et contre-intuitive qu'est « l'Amour de l'Autre ». La start-up de Jésus est devenue une puissante multinationale, dont le siège installé à Rome est le paradis fiscalement terrestre de quelques élus.
Et la magie de Noël ? C'est vrai qu'entre l'Amour et le Christianisme, c'est du sérieux. Paul1 aspirait déjà à voir le monde dépasser ces diables d'atomes crochus, la bouffe entre copains du genre « Viens là, mon couillon, que je t'éreinte à force de t'embrasser !»2 n'empêchant pas l'agapè entre étrangers.
Ainsi, pour séduire les civilisations celtes, romaines ou nordiques, le christianisme a su à ses débuts aller au-delà de l'amical entre-soi pour « faire l’expérience du monde à partir de la différence et non à partir de l’identité »3, bel éloge laïque d'Alain Badiou à l'amour. Gager sur la continuité a réussi au christianisme : la date de la Nativité a été fixée 4 petits jours plus tard que la fête du solstice d'hiver, au risque (mesuré) de faire passer Noël comme une version n.0 des festivités païennes qu'elles soient en l'honneur de Saturne, de Yule, de Mithra...Et cela fait plus de 1500 ans que ça dure.
Par tradition, Noël était donc la nuit où l'on déposait les armes. Il faut se rendre à l'évidence : le christianisme n'est plus ce qu'il était. Noël 2022 a rompu avec la tradition pacifique : au-delà du cas individuel de l'attaque contre le centre kurde, l'église orthodoxe ukrainienne a fait de la Nativité une anti-trêve contre la Russie en décidant de fêter Noël le 25 décembre et non à l'Epiphanie, ce qui signe le passage de l'Ukraine à l'ouest de façon encore plus évidente et offensante que l'adoubement de Zelensky par Biden.
La Nature ayant horreur du vide, à quelle culture le christianisme passe-t-il la main pour prendre en charge les fêtes de la Nativité ? Cycle annuel oblige, ce blog terminera l'année 2022 comme il l'a commencée avec la Nativité selon Davos. Après un an d'exploration, on peut tenter une réponse à cette question : Davos est-il un Mythe ou une Réalité ?
A l'instar du christianisme il y a 2 000 ans, Davos est une culture fondée sur un mythe au service d'une réalité en pleine exsurgence. La cohérence du christianisme se fragmente, le ciment du monde « davosien » est en train de prendre. Pour reprendre une contribution du billettiste de ce Club, nous sommes « between yesterday and tomorrow ».
Contrairement aux jours qui les composent, les cultures se succèdent et se ressemblent. Davos suit la même trajectoire que le christianisme tout en rompant avec le socle de ses valeurs. Pour passer de Zéro à Un, la Nativité dans le monde « davosien », ce n'est plus la naissance du fils de Dieu mais, depuis 1972, la Naissance de l'Idée : « Le Progrès rend le monde meilleur ». L'Idée est diffusée par des apôtres appelés Young Leaders au travers d'une hiérarchie supranationale pour discipliner les ouailles. L'Idée est génératrice de gains pharamineux : le concept de payer pour son salut éternel a été remplacé par un concept tout aussi foutraque qui est de rendre technologique et payant tout ce qui est un don de la nature, y compris l'amour. Jusqu'au-boutiste de la discontinuité et de l'imprévisibilité, il bouleverse le calendrier et fête la Naissance de l'Idée près de 4 semaines plus tard. Et cela fait déjà 50 ans que ça dure.
Entre Noël et le Forum, nous allons donc plonger dans cette faille entre la Nativité chrétienne et la Nativité « davosienne » comme on pourrait le faire entre deux plaques tectoniques dans les eaux limpides des océans.
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Nous nous trouvons sur la zone de subduction entre le mythe chrétien et le mythe « davosien », un affrontement titanesque s'y joue en silence. Dans ce qu'elle a de plus subjuguant et de plus terrifiant, c'est une époque passionnante pour les « mythologues » qui l'observent, poussés par leur croyance, comme seuls les scientifiques peuvent en avoir, qu'ils doivent connaître les rouages du système pour en maîtriser le mécanisme. Ce travail improbable mérite bien une petite prière laïque pour tracer, au hasard des rencontres, un chemin dans ce monde chaotique et pour y trouver une place face à ceux qui nous en excluent :
« Quand il est une expérimentation du monde à deux, l’amour est une construction de la vérité. »3
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1Lettre aux Corinthiens 2Rabelais Gargentua 3Alain Badiou Eloge de l'amour