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Billet de blog 25 novembre 2023

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Il n’est pas interdit de s'interdire

Le portrait wildien d'une société à l'image des turpitudes de ses dirigeants. Pas d'insolence dans la paraphrase du slogan de 68 mais un élément de nouveauté apporté par la génération X pour répondre aux défis auxquels la société est confrontée et en premier lieu, comment répondre à un capitalisme qui snobe l’éthique ?

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Illustration 1

La société est le portrait dans lequel tout dirigeant peut contempler son âme. Un portrait qui s'altère à chaque péché auquel il accède :

droguer une collègue, détourner le fonds Marianne ou le livret A en faveur du militarisme, surdimensionner la répression contre les écologistes, accuser à tout-va les opposants de terrorisme ou de racisme, réduire la distance de tir LBD, s'indigner avec partialité, bref insulter l'intelligence citoyenne.

La société vibre à l'unisson des humeurs et des passions de ses dirigeants,...

...leur compromission corrompt l'esprit des individus les plus fragiles, incapables de gérer leurs émotions primaires : quand l'hôpital harcèle ses médecins ou une rectrice menace d'attaquer les parents d'un enfant harcelé, un jeune musulman tue un professeur, un vieux bonhomme attaque un ouvrier musulman, l'extrême-droite profane des tombes juives, on trouve sur tiktok des informations pour compléter le tableau mais ne pouvant certifier l'information, je m'interdis de l'inclure...

A croire que pour eux, la modération est une chose fatale

  • Tout ce non-sens généralisé affole mon thalamus, coordinateur de l'information et de la douleur.
  • Mon cervelet, siège de la mémoire procédurale et des réponses conditionnées, est tout déboussolé de voir autant d'articles de lois bafoués.
  • Toutes les accusations à tort et à travers, jusqu'à mon inconscience, font hurler les sirènes de mon amygdale et je comprends que cette zone primaire, gérante de la peur et de l'agression, induise chez certains des réactions extrêmes.
  • J'arrive à envoyer les informations vers le lobe frontal, centre de la planification et de la sensation de récompense, qui me susurre que pour échapper à la douloureuse actualité, je pourrais me conformer aux nouvelles règles : en tant que descendante du grand druide Fintan, compagnon de Noé, je pourrais user des jurisprudences médiatisées pour chasser les propriétaires de logements Airbnb, qui ont envahi la Bretagne où Saint Maël a débarqué sur son auge de pierre au Moyen Âge.
  • Heureusement, mon lobe temporal ou je ne sais quelle autre partie de ma tête m'indiquent que ce ne sont pas là des conseils très avisés. 

A force d'user de la terreur comme base de la morale, la société, miroir magique de nos dirigeants, devient un monstrueux et dégoûtant objet à cacher dans quelque chambre cadenassée,... 

...alors interviennent les grands promoteurs de l'Autorité, le ministre de l'Intérieur de loin le plus prolixe d'entre eux, prolifiques en interdictions de tout genre : interdit de manifester, interdit de sortir après le couvre-feu, interdit d'exprimer ses idées, interdit de casseroles, interdit de réseaux, interdit d'allocations, interdit d'eau, interdire de prononcer certains mots-vérités...

Dans le monde commun des faits, les méchants ne sont pas punis, ni les bons récompensés; le succès est donné aux forts, et l'insuccès aux faibles; c'est tout...

L'ensauvagement de la société, évoqué par Gérard Darmanin, c'est justement de ne croire qu'en la toute-puissance de l'autorité pour assurer la cohésion sociale.

Un jour, la race des dirigeants comprendra que son extraordinaire talent de communiquant n'est qu'un masque,...

dont la société n'est pas dupe. Ainsi, le journal So Foot révèle la clairvoyance de l’association nationale des supporters quant à cette supercherie : « Le garde des Sceaux qui, pour faire le beau en audition parlementaire, évoque des interdictions de stade à vie alors que c’est contraire à la Constitution, en invoquant l’Angleterre où ça n’existe pas » et conclut « intraitable mais pas exemplaire ».

Pour l'instant, les dirigeants sont dans le déni alors que ce besoin d'autorité est une conséquence de leur hubris et le symptôme de l'échec cuisant de l'idéologie néolibérale. 

La société est la Conscience de son dirigeant et...

aujourd'hui, elle est avilie comme le portrait de Dorian Gray porte les affres de toutes ses cruautés.

Peut-être, un jour, prendront-ils en aversion leur talent de young leader, encensé par Klaus Schwab.

Peut-être, un jour, diront-ils, comme le personnage d'Oscar Wilde : « nous avons cru que les courbes de nos lèvres écriraient l'histoire.»

De leur point de vue, le plus haut de tous les devoirs est le devoir que l'on doit à soi-même

Le monde global écrit son roman global qui est une nouvelle version de l'histoire d'Attila dans lequel on les voit construire un monde sans frontières mais rejeter à la mer les réfugiés, saccager les terres par la continuation du glyphosate tout en reconnaissant l'écocide, justifier une guerre avec une petite fiole vide d'anthrax, penser que la Russie ne va pas se sentir agresser si l'OTAN avance jusqu'à ses portes, s'offusquer à peine de la violation du droit à s'exprimer quand l'agence de presse française est bombardée, ignorer les oliviers brûlés par les colons israéliens en Cisjordanie, l'olivier...l'arbre biblique par excellence, symbole dans l'Ancien Testament de paix, réconciliation et bienveillance.

Un jour, le dirigeant est prêt à tuer ce monstrueux portrait pour recouvrir la paix.

Les dirigeants de cette société ont établi un monde à leur image, un monde sans frontières car ils ne conçoivent pas la notion même de frontière. Ils ont une logique binaire, 1 / 100% allié, 0 / 100% ennemi. Et c'est sans doute même pourquoi ils fusionnent Public et Privé ou qu'il y a eu tant de violence étatique contre les gilets jaunes.

Ils ne conçoivent plus l'altérité. Ces millions de cube de béton concassé par les armées actives reflètent cette incapacité à concevoir une itz, une zone de transition interfaciale, c'est-à-dire que même le ciment est plus malléable que nos dirigeants à s'accommoder des particules étrangères (sans parler de la catastrophe écologique, avec la génération inutile de 1000 kg de CO2 / tonne de ciment fabriquée).

Même la contradiction, qui introduit l'existence d'une frontière entre deux avis à prendre en compte dans un processus de construction intellectuel, semble devenue un concept obsolète, pour eux qui se voient si beaux dans les médias.

La vie actuelle est un chaos. C'est l'imagination qui fait que le crime emporte avec lui d'obscures punitions.

Dans la Bible du Management, où l'on trouve la métaphore de John Kotter « Alerte sur la banquise, changer dans n'importe quelle condition », il y a délégitimation et de l'adversaire et du questionnement sur les responsabilités dans l'apparition d'un évènement. Les dirigeants n'ont pas peur d'être punis pour les crimes qu'ils commettent.

Comme le jeu mélodramatique de la jeune Sibyl Vane dépouille Dorian Gray de toutes ses illusions, le directeur du Forum de Davos ne pouvait pas imaginer un spectacle plus affligeant que le monde en cette année 2023.

Je vous avais informés cet été que le thème choisi pour le Forum prévu du 15 au 19 janvier 2024 serait passionnant : « C'est pourquoi l'état de polycrise est un moyen utile de regarder le monde en ce moment ».

J'avais étudié consciencieusement les trois articles de Romaric Godin sur le thème de la polycrise :

Les dirigeants donnent leur âme pour ne pas regarder leur société se flétrir au nom de l'éternité de leur idéologie

Il n'est plus question de regarder le monde au travers de la polycrise. L'agenda a été modifié. Klaus Schwab, le directeur de Davos, a dû tressaillir devant la cruauté prégnante de notre société en 2023. Lui qui poursuit, depuis 50 ans, le rêve d'une société au service d'un Progrès infini, cette société se découvre indigne de toute une vie mise au service du Progrès. Le thème a été supprimé pour un sujet plus consensuel : les nouvelles technologies.

Illustration 2

Le dédain de la gouvernance mondiale pour le réalisme est tout pareil à la rage de Caliban apercevant sa face dans le miroir.

Dans le rapport annuel sur les technologies émergentes, on trouve les 10 technologies qui vont bouleverser nos vies dans les prochaines années :

  1. Batteries flexibles
  2. Intelligence artificielle générative
  3. Carburant d’aviation durable
  4. Phages de conception
  5. Métaverse pour la santé mentale
  6. Capteurs végétaux portables
  7. Omique spatial
  8. Électronique neuronale flexible
  9. Informatique durable
  10. Soins de santé facilités par l’IA

Rien concernant la crise de l'énergie pour laquelle un moteur quantique serait une réponse, la dépollution ou la préservation de l'eau, rien contre les méga-feux, rien sur l'agriculture écologique...Ils me proposent de soigner mon éco-anxiété avec de très belles images New Future alors que je ne veux pas calmer ce signal d'alerte qui est le meilleur gage d'actions et donc de préservation. 

Illustration 3

Pareillement ici, la frontière Réalité / Virtualité est effacée. Cette liste révèle le paradoxe de l'idéologie progressiste en place : la réalité lui paraît tellement vulgaire et indigne que ses innovations sont hors-sol, déconnectées de la réalité mais avec l'ambition, par contre, d'en faire notre réalité.

Au nom de la Liberté, il est interdit d'interdire mais au nom de l'Humanité, il n'est pas interdit de s'interdire.

C'était justement l'objet d'un article publié par WEF en 2014 qui citait Adam Smith :« Un business ne peut pas prospérer sans une forte culture morale sous-jacente, animée par l'empathie et la sympathie, de notre capacité à comprendre notre lien commun en tant qu'êtres humains et de reconnaître les besoins des autres. »

Illustration 4

Billet inspiré par :

Le portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde

La crise de la culture, Hannah Arendt

L'île des pingouins, Anatole France

Alerte sur la banquise, changer dans n'importe quelle condition, John Kotter

Je n'ai plus peur et La Vie vivante, Jean-Claude Guillebaud

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