Législatives : Macron entre espoir d’abstention et crainte des barrages

Le plan se déroulait sans accrocs, Le Pen avait fait son travail de repoussoir, la Gauche avait (encore) fait barrage… mais voilà que cette dernière refuse d’abdiquer et au contraire décide (enfin) de s’allier pour peser et ambitionne même de gagner.

Mais est-ce seulement possible ?

Rappels et projections : du 1^er tour des présidentielles et 2022[1] aux législatives

Dans tous les calculs qui suivront, nous admettrons que la Gauche (jusqu’au PS) s’allie sous l’acronyme NUPES, de même pour LREM et LR (puisque leurs projets n’en sont qu’un) et qu’enfin l’extrême droite (RN, Zemmour, Dupont-Aignan) dépasserait ses querelles internes. Ceci admis, nous essayerons d’extrapoler les résultats des législatives en partant de ceux des présidentielles.

• Les gagnées d’avance

En première approximation, nous voyons que dans 61 circonscriptions, un des 3 blocs ainsi formé atteint les 50% des suffrages exprimés :

• Les très probables

Ajoutons les circonscriptions gagnables, comprendre celles où un bloc dépasse les 45% :

Ce qui semble attribuer automatiquement 152 des 577 circonscriptions, soit 26%.

• Les avances confortables

Sur les 425 scrutins restants, dans 56 cas un des blocs distance largement les 2 autres (comprendre, un bloc dépasse les 40% quand aucun des 2 autres n’atteint les 30%). Nous obtenons :

Pour un total de 208 députés (36% de l’Assemblée), laissant donc 369 postes à distribuer.

• Les triangulaires

Dans 31 à 131 circonscriptions, une triangulaire est envisageable. Pour atteindre ces valeurs, nous avons posé que chacun des 3 blocs a atteint 30% (31 triangulaires) ou 28% (131 triangulaires). Coupons la poire en 2 (seuil à 29%), nous obtenons 81 triangulaires. Ce nombre est à nuancer fortement puisqu’une seule triangulaire a eu lieu en 2017. Néanmoins, la logique en blocs rend l’idée de triangulaire beaucoup plus crédible.

Nous venons d’estimer les résultats potentiels de 289 circonscriptions, soit 50% +1 siège de l’Assemblée. Dans cette première moitié nous pourrions retrouver :

• NUPES : 68
• LREM : 44
• RN : 88
• Triangulaire : 81

• Les duels

Quant à la 2^nde moitié, elle se déciderait dans des duels que nous classerons en 3 catégories. Dans la première, un parti dépasse son concurrent de 0 à 5% ; dans la deuxième l’écart est de 5,1% à 10% et dans la troisième l’écart est de 10,1% à 15%.

Ainsi, les duels les plus fréquents (129) opposeront LREM +LR à l’extrême droite :

Dans 84 des 129 duels opposant l’extrême droite à LREM+LR, ces derniers seraient devancés au 1^er tour et devraient dans tous les cas (encore) compter sur un report des voix de Gauche.

Dans les 101 duels LREM+LR contre la NUPES, la droite a un léger avantage (54 situations de favori contre 47), mais le rejet de LREM par les électeurs du RN pourrait faire pencher la balance.

Enfin, dans les 58 duels entre l’extrême droite et la Gauche, cette dernière est massivement devancée (17 contre 41 positions favorables) et il faudrait alors compter sur un sursaut républicain de la part d’électeurs qui devront choisir entre leur porte feuille et leur antiracisme…

Les instituts de sondages misent sur l’abstention… Macron, aussi 

Pendant que les Gauches travaillent à se réunir, Harris Interactive publie ses première projections[2] :

Des projections qui partent des mêmes hypothèses que les nôtres (alliance des 3 blocs) et donnent une majorité absolue au groupe LREM+LR.

En repartant de nos calculs précédents et en se concentrant sur la 2^nde moitié de l’Assemblée (celle que nous estimions en ballotage), il faudrait pour atteindre les résultats proposés par Harris Interactive :

Que la NUPE

• Gagne ses duels face au RN
• Mais perde TOUS ceux face au groupe LREM +LR
• Perde TOUTES les triangulaires
• Et ne surperforme nulle part

Que LREM + LR

• S’allient pour ne JAMAIS risquer de ne pas être au 2^nd tour
• Gagnent TOUS les duels qui les opposent à la NUPES et deux duels sur trois face au bloc d’extrême droite
• Gagnent la quasi-totalité des triangulaires

Que le bloc d’extrême droite

• S’allie également ce qui est loin d’être acquis
• Gagne un tiers des duels face à LREM + LR
• Perde TOUS les autres scrutins en ballotage (face à la NUPES, en triangulaire…)

Toutes ces conditions semblent peu crédibles mises bout à bout, pourtant il est très probable qu’Harris Interactive en soit passé par là pour arriver à ce total. De là à parler de prophétie auto-réalisatrice…

Notons que l’institut lui-même tempère ses résultats : On le sait, Les Républicains ont été on ne peut plus clairs: ils n'envisagent absolument aucune alliance avec la majorité présidentielle. L'objectif de cette hypothèse théorique était le suivant: observer les zones de dynamique ou de fléchissement dans le cadre de cette configuration. […]

De plus, toujours selon Harris Interactive (en la personne de de Jean-Daniel Lévy, directeur général délégué) : Au second tour, les candidats macronistes bénéficient de leur positionnement politique plus centriste et fédèrent les électeurs qui ne veulent pas d’un député mélenchoniste ou lepéniste. Ce faisant, le sondeur écarte l’idée même d’un vote anti-macron, alors même que ses collègues[3] estiment que 56% des français souhaitent une cohabitation.

Mais il existe un argument de poids qui rendrait ce résultat possible : une très forte abstention des électeurs de la NUPES et de l’extrême Droite. Une abstention qui est à craindre, suite à l’expérience de 2017. Une abstention qui ne permit pas à la LFI (17 sièges) ni au RN (8 sièges) de capitaliser sur leurs scores aux élections présidentielles de 2017 pourtant conséquents.

Une abstention qui arrangerait tant E. Macron que ni lui ni son gouvernement n’appellent à voter, à s’inscrire (les non/mal inscrits sont peu enclins à voter pour LREM+LR). Dans un calcul cynique, pour gagner un scrutin démocratique un parti souhaite qu’il y ait moins de votants.

Enfin, et c’est sans doute la plus grande raison d’espoir, bien que non-quantifiable, les réactions de tous les adversaires à la NUPES (de l’extrême droite au vieux PS, Le Pen, Bardella, Pelletier, Jacob, Lemaire, Bayrou, Hollande, Le Foll et tant d’autres… sans même par des éditorialistes !) sont un flot continu d’une telle violence qu’il trahit nécessairement une crainte… justifiée ? Espérons-le.

[1] https://public.opendatasoft.com/explore/dataset/elections-france-presidentielles-2022-1er-tour-par-bureau-de-vote/table/

[2] https://www.challenges.fr/politique/sondage-exclusif-legislatives-succes-timide-pour-l-union-de-la-gauche_811736

[3] Ipsos