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Billet de blog 2 novembre 2016

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Le bât blessé (titre pris d’une tribune de l’Huma de Magyd Cherfi )

Il faut entendre le cri de détresse qu’il lance dans un entretien paru dans l’Huma du 31 octobre. « Moi, dit-il, il y a belle lurette que je ne sais plus qui je suis, mais je me soigne en allant tous les matins chercher ma France avec les ongles »

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Le bât blessé (titre de Magyd Cherfi d’une tribune de l’Huma)

Aujourd’hui, il n’est pas une réunion de famille ou un repas entre copains où l’un des invités ne vous sorte le couplet sur les « arabes » avec souvent l’approbation ou le silence des autres. Si vous avez  la mauvaise idée d’apporter la contradiction ça tourne généralement à l’affrontement et l’ambiance tourne au vinaigre.

Mais qu’en est-il de « l’autre côté » celui des « arabes » ? Il faut lire le livre de Magyd Cherfi « ma part de Gaulois » pour prendre conscience du fossé qui s’est creusé au fil des générations entre eux et « nous les Français. »

Il faut entendre le cri de détresse qu’il lance dans un entretien paru dans l’Huma du 31 octobre. « Moi, dit-il, il y a belle lurette que je ne sais plus qui je suis, mais je me soigne en allant tous les matins chercher ma France avec les ongles »

Comment se soignent  tous les autres qui eux n’ont pas les mots pour exprimer cette souffrance  liée à l’impossibilité d’une identification ? La violence, l’extrémisme religieux, le rejet de ce qui les rejette, la déchéance, trop rarement par la reconnaissance de leur talent.

Ils ne sont rien, n’existent nulle part, sinon comme problème, un poids dont il faudrait alléger le fardeau, catalogués musulmans dès la maternelle dans les statistiques de M. Ménard, Arabes ad vitam aeternam.

Cette impossibilité à s’identifier ne vient-elle que des autres ? Certes en devenant Français ces jeunes endossent l’habit du bourreau de leurs parents. Mais cet habit là n’a pas été imposé. Ce sont leurs parents qui ont choisi d’en faire des Français. Ce choix là les délivre de se poser en victime. Ils ne sont plus des enfants de colonisés. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Mali, le Sénégal sont devenus des pays indépendants. Ils sont des enfants de parents étrangers comme le sont les fils d’Espagnols ou de Portugais. L’histoire de leurs parents ce n’est pas dans les livres d’histoire de France qu’ils doivent la chercher mais dans ceux de leur pays d’origine.  La colonisation appartient aussi  à leur histoire. La France n’a à les reconnaître ni comme arabe ni comme musulman. Ils n’ont rien d’autre à exiger d’elle que de les traiter comme les autres Français.

Ils sont victimes du racisme, oui, comme l’ont été les fils d’Espagnols, d’Italiens…avant eux. S’ils sont discriminés c’est avant tout parce qu’ils sont pauvres. Les riches arabes eux n’ont aucun problème d’intégration. Leur haine ce n’est pas contre « les Français » qu’ils doivent la tourner mais contre un système et un patronat qui après avoir colonisé le pays de leurs parents, utilisé leurs pères comme main d’œuvre au rabais, les laisse aujourd’hui croupir dans la misère, en instrumentalisant leur colère.

C’est en faisant ce chemin qu’ils trouveront l’apaisement  et leur place dans la société française au côté de tous ceux qui subissent les affres du système capitaliste et luttent pour une autre société.

Quant à nos compagnons de tablée, ils devront s’en convaincre : ces « arabes » et ces « noirs » ne repartiront pas. Ils sont  aussi la France d’aujourd’hui. Le récit d’une France gauloise, blanche, catholique n’existe plus que dans les délires identitaires de la droite et de son extrême. La France est colorée ? Acceptons-le comme une richesse.

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