Ne pas se tromper de combat
Le RIC (référendum d’initiative citoyenne) semble devenir la revendication prioritaire des gilets jaunes. Ils pensent ainsi reprendre la main sur des institutions qui font des classes populaires les exclues de la République.
Le constat est juste : les classes populaires ne comptent pour rien dans cette république. La démocratie représentative en vigueur les exclut des lieux de pouvoir.
Aucun ouvrier ne siège à l’assemblée nationale ni au Sénat. Il ne s’agit pas là d’une anomalie de nos institutions qu’il conviendrait de corriger mais de l’expression d’une volonté politique, celle d’écarter les couches populaires pour préserver les intérêts de la classe dominante.
La caricature de cette « démocratie » est donnée par L’UE(union européenne) où tout est verrouillé pour ne pas troubler l’ordre capitaliste des choses. Les peuples n’ont plus leur mot à dire. Les Français et les Grecs en savent quelque chose.
Les institutions sont au service d’un système. Vouloir agir sur elles sans prendre en compte le système qu’elles servent c’est se condamner à tourner en rond. L’image vaut pour les gilets jaunes.
Si les classes populaires sont exclues de cette république c’est qu’elle est la République des riches. Ils sont « des gens de rien » parce que, pour le pouvoir, ils ne comptent pour rien dans les rapports de production. Ils ne sont comme travailleurs qu’une simple variable d’ajustement dans le système capitaliste. C’est le système qui les exclut.
C’est en prenant conscience de leur place déterminante dans le processus de production des richesses, de la spoliation dont ils sont l’objet, du rôle politique essentiel de la classe ouvrière dans le changement de société que les travailleurs retrouveront leur juste place.
Retrouver la dignité c’est d’abord retrouver sa dignité au travail. Les luttes pour l’augmentation des salaires et des pensions, pour les conditions de travail et d’emploi, pour la maitrise des richesses produites et du travail qui les crée feront bien plus pour la reconnaissance de leur dignité que n’importe quel RIC.
Notons au passage que cette proposition ne semble pas trop effrayer le gouvernement qui ne s’est pas fait prier pour saisir la perche qui lui était tendue.
D’autre part le RIC ne nourrit pas son homme. Les gilets jaunes seraient bien imprudents d’abaisser la garde sur les questions de pouvoir d’achat sauf à considérer que les piètres concessions gouvernementales font solde de tout compte, ce qui ne me semble pas être le cas.
En délaissant le combat pour le pouvoir d’achat pour une hypothétique place dans les institutions, les gilets jaunes se couperaient du monde du travail. Sans soutien, ils subiront les foudres de la police et ils ne pourront plus occuper les ronds points. Dès que leur capacité d’entrave à la circulation (du capital) sera altérée, c’en sera fini des gilets jaunes, à la façon des ouvriers qui abandonnent l’occupation de leur entreprise.
Quoiqu’il en soit le combat des gilets jaunes aura été fécond. Ils ont montré la voie.
Les «gens de rien » sont sortis de leur trou et le pouvoir a vacillé. Peut-être leur manque-t-il un peu de temps pour prendre conscience, au-delà de leurs divergences politiques, que ce qui les unit c’est leurs intérêts de classe et pour s’ouvrir ainsi à la convergence de l’ensemble du salariat.
Rien n’est réglé. Mais notre peuple a repris confiance en lui-même. Il sait d’où tirer les forces aptes à faire reculer ce pouvoir jusqu’à le renverser. Il sait ce qui les unit. On le croyait assujettis, sa culture populaire révolutionnaire a ressurgi. Il ne manque plus que le projet politique. Il y a du travail pour les organisations de classe.
Tout cela le pouvoir le sait aussi. Il a tremblé. Il n’en est que plus dangereux.