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Billet de blog 9 août 2022

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Lorsque l’Académie des Sciences vénère le dieu Newton

La pomme tombe de l’arbre en ligne droite vers le centre de la Terre à cause de l’attraction de Newton. Chacun l’a appris à l’école. Cependant la première loi de Kepler s’y oppose. Elle stipule en effet que tout corps en mouvement dans un champ de gravitation, tel que la pomme, doit suivre une courbe, jamais une droite. Newton et Kepler ne sont donc pas d’accord. Lequel des deux a raison ?

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La pomme tombe de l’arbre en ligne droite vers le centre de la Terre à cause de l’attraction de Newton. Chacun l’a appris à l’école. Cependant la première loi de Kepler s’y oppose. Elle stipule en effet que tout corps en mouvement dans un champ de gravitation, tel que la pomme, doit suivre une courbe, jamais une droite. Newton et Kepler ne sont donc pas d’accord. Lequel des deux a raison ?

Une piste de réponse nous est donnée par les méthodes scientifiques de ces deux grands savants. Kepler se fonde uniquement sur des résultats expérimentaux, en l’occurrence les mesures astronomiques de Tycho Brahe. Il prouve l’existence de ses trois lois par la géométrie. En revanche Newton émet un postulat, celui de l’attraction universelle. Un postulat est une hypothèse humaine indémontrable. Newton ne peut pas prouver que la pomme attire la Terre, et vice versa, mais il nous demande de l’admettre, pour constater que son hypothèse fonctionne bien mathématiquement.

Deux méthodes très différentes donc. Celle de Kepler qui est strictement scientifique, car se basant uniquement sur la mesure objective et les lois de la géométrie, et celle de Newton qui n’est pas strictement scientifique car basée sur un postulat.

En effet la science est l’interprétation du monde sans postulat humain. Elle est uniquement basée sur la mesure et la démonstration mathématique objective. C’est cela qui distingue la science des autres activités humaines telles que la politique, l’économie, la religion, l’art, etc. qui sont quant à elles toutes basées sur des postulats indémontrables (votez pour moi et il n’y aura plus de chômage, la main invisible du marché, Dieu existe, etc.).

On peut donc suspecter que l’hypothèse de Newton n’est pas correcte, et qu’il vaut mieux croire Kepler.

Pourtant on envoie des humains sur la Lune avec la théorie gravitationnelle de Newton, et lorsqu’on fait cela, on respecte les lois de Kepler. Le problème semble donc se poser uniquement pour la chute des corps, la pomme tombant de l’arbre, car pour le reste Newton est bien en accord avec Kepler. Le problème à résoudre n’est donc pas de statuer si Newton a tort ou raison, de façon manichéenne, mais plutôt d’envisager que sa théorie pourrait être améliorée si on la rendait compatible avec les lois de Kepler en ce qui concerne la chute des corps.

Comment réaliser cela ?

Il se trouve que de nombreux auteurs ont signalé dans la littérature scientifique que la vitesse de tout mouvement keplerien, c’est à dire le mouvement de tous les astres de l’univers, et de la pomme, est d’une simplicité déconcertante : c’est la simple addition d’une vitesse de rotation constante et d’une vitesse de translation (en ligne droite) elle aussi constante. Les auteurs ont décrit cela, mais sans aller plus loin. Or c’est ici la clé pour réconcilier Kepler et Newton.

En effet, si nous connaissons la forme mathématique d’une vitesse, nous savons calculer l’accélération correspondante. D’une part on sait que l’accélération d’une vitesse de translation (en ligne droite) constante est nulle, et d’autre part que l’accélération d’une vitesse de rotation constante est une accélération centripète (dirigée vers le centre du cercle parcouru). Il s’en suit qu’il est aisé de calculer l’accélération correspondant à la vitesse keplerienne décrite dans la littérature : c’est une accélération purement centripète (provoquant la rotation) mais pas attractive (c’est à dire en ligne droite).

En partant de la vitesse keplerienne de la littérature on démontre aussi aisément que la forme mathématique de l’accélération de Newton est bien correcte, c’est à dire compatible avec l’accélération keplerienne, mais en revanche son interprétation est fausse. Il s’agit d’une accélération centripète et pas attractive.

Pourquoi Newton s’est-il trompé ? Et bien sa formule mathématique de la force gravitationnelle est de sens opposé au « rayon vecteur ». Pour la Terre par exemple ce rayon est une flèche qui part du soleil et aboutit à la position de la Terre. La force subie par la planète en revanche est une flèche qui va de la Terre vers le soleil. La direction de la force est donc opposée à celle du rayon vecteur. Dans cette situation deux sortes de forces peuvent alors être envisagées, toutes deux de directions opposées au rayon vecteur : une force attractive (comme celle d’une dépanneuse tractant un véhicule) ou une force centripète (caractéristique d’un mouvement de rotation). Or Newton était surtout sensible au mouvement de la pomme qui semble tomber de l’arbre en ligne droite vers le centre de la Terre. Pour lui la gravitation dans son aspect le plus élémentaire est la pomme qui tombe. Il en déduit donc que la force est attractive.

Dans un second temps il tente d’appliquer sa force attractive au mouvement des planètes, et il dit donc que la Lune est comme la pomme, elle tombe sur la Terre. Mais comme chacun le voit bien, la Lune ne tombe pas sur la Terre. Alors pour s’en sortir il prétend par postulat que la Lune rate perpétuellement la Terre, décrivant une courbe plutôt qu’une droite comme dans le cas de la pomme. Et là ... c’est le drame, pour de nombreuses générations d’étudiants qui resteront consternés par cette étrange propriété de la gravitation newtonienne qui attire les corps en ligne droite, violant ainsi les lois de Kepler ... mais provoque un mouvement de rotation, compatible quant à lui avec les lois de Kepler. Paradoxe, quand tu nous tiens ...

Il en découle une légende urbaine fausse mais qui a la vie dure : on considère souvent que la force attractive de Newton est compensée par la force centrifuge du mouvement de rotation. Ainsi la Lune serait comme le passager d’un tourniquet ou d’un manège, pour qui la force centripète s’équilibre avec la force centrifuge, permettant au passager de rester en mouvement circulaire stable.

Si cela était vrai, l’équilibre entre forces centripète et centrifuge serait des plus précaires. Un simple flux de particules émis par une éruption solaire, par exemple, suffirait à déstabiliser cet équilibre instable, et la Lune partirait en vrille dans l’espace, voire heurterait la Terre de plein fouet. En outre Thomas Pesquet serait collé aux parois de la station spatiale dans laquelle l’état d’apesanteur n’existerait pas. Il serait comme dans une centrifugeuse. Cela n’est pas concevable car l’expérience a montré que Thomas est bien en totale apesanteur à l’intérieur de la station spatiale. Le postulat de Newton est donc faux, il ne respecte pas les lois de Kepler. En réalité la gravitation est bien plus complexe, comme le montrera plus tard Einstein avec sa Relativité Générale.

Reste alors un problème : on voit bien que la pomme tombe de l’arbre en ligne droite, comme le dit Newton, et pas sur une courbe comme le dit Kepler.

Et bien non, elle tombe en réalité sur une ellipse, cette fois-ci compatible avec les lois de Kepler. Ce n’est pas la Lune qui est comme la pomme, mais la pomme qui est comme la Lune. Laissez moi vous expliquer. Imaginez un cercle, aplatissez-le vous obtiendrez une ellipse. Aplatissez-le tellement que les deux bords du cercle en arrivent à presque se toucher, vous obtenez une ellipse très aplatie, au point que localement la trajectoire vous apparaîtra presque comme une ligne droite. C’est ce qui se passe pour la pomme. Si la Terre était transparente et toute sa masse concentrée en un seul point mathématique, la pomme tomberait vers le centre de la Terre, en ferait le tour et reviendrait à son point de départ, comme un satellite le fait en orbitant autour de la Terre (mais sur une ellipse peu ou pas aplatie pour éviter le crash). Pour Newton la pomme tomberait sur le centre de la Terre et y resterait collée, ce qui fait une grande différence.

Ainsi il est possible de réconcilier Kepler et Newton. Le prix à payer n’est nullement une remise en cause de la théorie de Newton (sa formule mathématique reste exacte), mais seulement de son interprétation. Concernant la gravitation nous disons qu’elle provoque l’attraction universelle, alors que nous devrions dire plutôt qu’elle provoque la rotation universelle. D’ailleurs, en regardant dans nos télescopes nous voyons les astres orbiter les uns autour des autres, mais pas s’agglomérer par attraction. Mais finalement, qu’on parle d’attraction universelle ou de rotation universelle ne relève que de la sémantique, car du côté mathématique le problème n’existe pas, Kepler et Newton conduisent à la même formule mathématique.

Dans un billet précédent je vous avais parlé d’un article que j’avais soumis aux Comptes Rendus de Physique de l’Académie des Sciences, et du refus que j’avais essuyé pour des « raisons » totalement ineptes car violant les règles élémentaires de la géométrie. Le sujet de cet article concernait ce que je viens de vous présenter ici, avec bien sûr toutes les démonstrations de géométrie et les références bibliographiques validant mon propos. L’avis du rapporteur fut tellement aberrant face à la simplicité triviale de mes équations qu’on ne peut être qu’interloqué. Quelle mouche avait donc bien pu le piquer pour perdre ainsi toute raison scientifique ?

La réponse est simple : j’ose critiquer Newton. Or pour les dogmatiques de la physique Newton est un génie, au sens littéral. Un être quasi divin. Pour eux tout ce qu’il a dit est parole d’évangile et vérité absolue. Newton ne peut pas avoir tort, par principe, par postulat. Et d’ailleurs qui croyez vous être pour oser critiquer un tel génie ? Argument imparable. Pour eux Newton est comme cette jeune fille des contes de Perrault, qui crachait des perles, des roses et des diamants lorsqu’elle parlait, car ayant reçu ce don d’une bonne fée. Oser critiquer Newton, même avec toutes les preuves parfaitement scientifiques, est considéré comme un blasphème. Et l’inquisition dogmatique se met en branle, vouant au bûcher social l’hérétique qui ne mérite que l’enfer pour son insulte au dieu Newton. Pour ce faire tous les coups sont permis, même celui de violer ouvertement les lois de la géométrie, comme le fait le rapporteur de l’Académie. Nous sommes alors très loin de la science.

Mais Einstein a critiqué Newton, non ? Pas vraiment. Sa Relativité Générale se réduit à la théorie de Newton pour les vitesses et les masses « faibles » (comme celles rencontrées dans le système solaire). Ainsi Einstein ne critique pas Newton, même lui n’aurait pas osé, quitte à devoir introduire un postulat supplémentaire, le principe d’équivalence, mais ceci est une autre histoire.

À ceux qui croient en la probité et l’objectivité des scientifiques, comme ce rapporteur de l’Académie, surtout dans les sciences dites dures comme la physique, je leur conseille de faire une croix sur cette utopie. Les scientifiques sont avant tout des humains et nombre d’entre eux s’attachent plus à protéger le dogme qu’à dire la science, car c’est plus sûr pour préserver leurs carrières. Il vaut mieux avoir tort à plusieurs que d’avoir raison tout seul. Et tant pis pour la science.

Et pour sauvegarder le dogme, l’Académie des Sciences est en première ligne, utilisant son rapporteur comme le bouclier de Saint Michel chassant le démon du Paradis. Tous les coups lui sont permis, même celui de violer ouvertement les lois les plus élémentaires de la géométrie. Sauver le soldat Newton n’a pas de prix, c’est une obligation théologique. Avec de tels grands prêtres la science n’a plus besoin de l’inquisition religieuse pour la brimer, elle s’est constitué sa propre inquisition interne.

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