Hébergement d'urgence : fin de la gestion de l’hébergement au thermomètre en Isère ?
Préfecture et mairies nous prouvent le contraire...
Au printemps dernier, Emmanuelle Wargon, ministre chargée au logement annonçait la fin «de la gestion au thermomètre» de l’hébergement d’urgence. Sur le papier, la nouvelle paraissait être un signe possible d’amélioration, mais à Grenoble et en Isère la catastrophe est toujours bien en cours !
Dans les faits et contrairement à ce que pourrait laissé penser le communiqué de presse du 24 novembre 2021 de la Préfecture, les mesures envisagée relèvent toutes de la gestion au thermomètre. La préfecture de l’Isère n’y présente qu’une jolie somme de dispositifs palliatifs qui seront mis en place à destination des personnes à qui elle a refusé l’hébergement.
La situation dans les centres d’hébergement, elle, reste dramatique.
Alors oui les places sont pérennisées, mais à quel prix ?
Celui de l’indignité, de l’inconfort, de la galère permanente et de la négation flagrante des droits des personnes hébergées.
La préfecture de l’Isère se contente d’une gestion au thermomètre.
Contrairement à ce que dit la préfecture dans son communiqué, le nombre de places d’hébergement d’urgence en Isère n’est pas historiquement haut. En effet il y avait 2286 places ouvertes en avril2020, il n’en reste que 1720 cet hiver3.
La première conséquence de la prétendue «fin de la gestion au thermomètre» est donc la suppression cette année des 500 places d’urgence hivernale qui étaient jusqu’à maintenant ouvertes pour proposer un hébergement le temps de la trêve hivernale (31octobre – 31 mars). Notons que le nombre de place n’était déjà pas suffisant puisque 78% des demandes au SIAO 115 étaient refusées en 2019 (chiffre en constante augmentation depuis 2017). Face à la pénurie de place, les situations sont triées selon la vulnérabilité des demandeuses et demandeurs, en bafouant délibérément l’inconditionnalité du droit à l’hébergement et laissant dans la rue les personnes seules, précaires ou pas «assez» malades... La préfecture n’hésite pas à l’officialiser dans son communiqué: ce sont «les plus fragiles, et notamment les familles» qui pourront accéder à une mise à l’abri qui ne sera que temporaire.
En conséquence, les personnes sans hébergement resteront dehors mais on leur proposera des soupes chaudes, des produits d’hygiène ou on comptera sur la «vigilance citoyenne» pour les signaler. De plus, il leur faudra attendre qu’il fasse suffisamment froid aux yeux de l’institution (-10°C pendant la nuit, pas plus de 0°C la journée) pour être mis à l’abri temporairement. Et ce n’est certainement pas deux écoutants ou écoutantes de plus au 115 qui permettra à plus de personnes d’accéder à un hébergement. Elle est belle la fin de la gestion au thermomètre !
De son côté, la mairie de Grenoble trop concentrée sur les rapports de force avec la préfecture et trop préoccupée par ses coups de communication, observe, laisse pourrir les situations, et ordonne des expulsions et des saccages de lieux de vie. A ce sujet nous vous invitons à lire le communiqué relatant les événements du parc de l’Alliance.
Manque de place, stagnation, insalubrité : l’indignité pérennisée et institutionnalisée.
L’hébergement d’urgence est saturé parce qu’obtenir une solution de logement est une véritable galère pour les personnes hébergées. Selon le Secours catholique, le temps moyen dans un hébergement d’urgence est de 14 mois. La perspective d’accéder à un logement est mince et cela se termine fréquemment par une remise à la rue.
Le gouvernement fait grand bruit avec sa nouvelle politique «Logement d’abord» mais ne précise jamais que c’est une politique de préférence nationale : de nombreuses personnes sont de fait exclues de la majorité des dispositifs d’accès au logement parce qu’elles n’ont pas les bons papiers.
De plus, malgré les nombreuses interpellations des personnes concernées, d’associations et de collectifs et la condamnation de la préfecture par le tribunal administratif de Grenoble en mai dernier, les conditions de vie dans les centres d’hébergement d’urgence restent indignes. Les personnes hébergées vivent dans des conditions déplorables, en violation flagrante de leurs droits:pas de cuisine dans certains centres, insalubrité, intrusion dans les chambres, punaises de lits,cafards, manque d’accès à des produits d’hygiène, carences alimentaires, pas le droit de recevoir des visites, promiscuité ...Les associations gestionnaires, complices de la préfecture, ne respectent pas le cadre légal de leur mission. Les travailleurs et travailleuses sociaux censé.es accompagner les personnes sont en sous nombre, leur turn-over est important et pour conserver leur poste il leur est demandé de faire du contrôle social plutôt que de l’accompagnement.
«Certaines familles, ici, sont privées de goûter pour leurs enfants parce qu’elles n’ont pas fait leur tour de ménage.»6
Les annonces gouvernementales n’auront finalement fait qu’aggraver une situation déjà bien pourrie. A ce jour, le taux de non accession à l’hébergement d’urgence est historique, il ne fait visiblement jamais assez froid pour déclencher le plan «renfort hivernal», les places pérennisées sont indignes et mairies et préfecture laissent conjointement pourrir la situation avant d’agir dans la violence.
La seule solution cohérente pour sortir de la précarité est un logement et des papiers pour toutes et tous!Liberté de circulation et d’installation!
https://www.gouvernement.fr/acces-au-logement-et-hebergement-des-personnes-sans-domicile-fixe-emmanuelle-wargon-s-engage-pour-un2https://www.isere.gouv.fr/Publications/Salle-de-presse/Derniers-communiques/Les-modalites-de-gestion-de-la-periode-de-grand-froid-pour-les-personnes-sans-abri3https://www.untoitpourtous.org/wp-content/uploads/2020/12/Cahier-3-hebergement-durgence-a-lepreuve-de-la-crise-sanitaire-et-sociale-en-isere.pdf4Qui devrait paraître dans les prochains jours.5https://www.secours-catholique.org/actualites/hebergement-durgence-comment-resoudre-la-crise