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Billet de blog 26 février 2022

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Voreppe en Isère : plus une prison qu'un centre d'hébergement

"Voreppe est comme une prison, il n’y a bien souvent que des vigiles et les rares travailleurs sociaux ont consigne de nous surveiller comme en prison" Voici des propos tenus par une personne hébergée dans le centre d'hébergement d'urgence de Voreppe, géré par l'association Ajhiralp.

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Des travailleurs sociaux qui se réduisent à peau de chagrin

Depuis le mois de décembre, les personnes hébergées à Voreppe n’ont plus vu qu’une seule (parfois deux) personne(s) membre de « l’équipe éducative »  : toutes les autres ont arrêté de se rendre sur le centre pour différentes raisons (arrêt maladie, changement de centre suite à des comportements violents à l’égard de personnes hébergées, départ en raison de différents éthiques avec les consignes données par la direction). Ils étaient 4 travailleur.se.s censé.e.s assurer le suivi social de 140 personnes ce qui était déjà clairement insuffisant, mais il n’y a presque plus que des vigiles qui travaillent sur place, le gardien d’hôtel ayant lui aussi été écarté suite à des comportements violents. Les personnes hébergées sont donc laissées sans aucun accompagnement social (elles ne peuvent même pas les solliciter pour écrire un courrier ou imprimer un papier) et n’ont pas la possibilité de solliciter un accompagnement à l’extérieur, le SILEF et le département considérant que l’accompagnement fourni par le centre d’hébergement suffit.

Le travail social dénaturé dans les centres d’hébergement

Si Ajhiralp peine à recruter des remplaçant.e.s pour pallier aux départs actuels, c’est parce que le travail qu’elle demande aux membres des équipes éducatives a peu à voir avec le travail social notamment sur le plan éthique :

  • Recrutement des salarié.e.s en fonction de leurs convictions (lors des entretiens il est régulièrement demandé aux candidat.e.s s’iels militent dans des associations agissant pour le droit au logement)
  • Consignes claires de ne pas soutenir les personnes hébergées sur des procédures juridiques (les DALO, les référés liberté ne peuvent être effectués par les travailleur.se.s de Ajhiralp)
  • Pressions sur les travailleur.se.s pour qu’ils rentrent dans les chambres sans le consentement des personnes y vivant, qu’ils surveillent les visites, qu’ils empêchent les associations de soutien de rencontrer les personnes hébergées, qu’ils menacent et fassent du chantage pour mettre sous cloche la colère des personnes hébergées
  • Non renouvellement des contrats pour toutes les personnes qui auraient parfois préféré agir selon leur éthique professionnelle et non selon les consignes de la direction.

Compte tenu de tout ça, il n'est pas étonnant que Ajhiralp peine fortement à recruter des travailleur.euse.s et qu'il est désormais bien établi que travailler pour cette association pose des difficultés majeures...

Le turnover qui est symptomatique des mauvaises conditions de travail implique un mauvais accompagnement des personnes.

Plus une prison qu’un centre d’hébergement, Voreppe doit fermer

Au delà d’un accompagnement social inexistant, ce sont les conditions de vie générales à Voreppe qui sont insupportables pour les personnes qui y sont bloquées :

  • Du fait d’un isolement géographique total, il faut marcher 20 à 30’ sur le bord d’une nationale et prévoir 1h30 en tout pour se rendre à Grenoble. Les enfants scolarisé.e.s à Grenoble se lèvent à 6h chaque matin, les personnes prennent 4h pour aller au moindre rendez-vous, faire la moindre course, ou tout simplement aller chercher leur courrier
  • A cause de la fermeture des cuisines il y a 18 mois à Voreppe (il ne reste que 2 micro-ondes pour 140 personnes), les familles n’ont d’autre choix que de manger des barquettes de la banque alimentaire ne convenant pas à la plupart des régimes alimentaires ou de cuisiner chez des proches à Grenoble et de ramener la nourriture à Voreppe. Pour s’assurer que personne ne cuisine à Voreppe, les travailleur.euse.s sociaux.ales, les vigiles et la direction rentrent par surprise dans les chambres, ou fouillent les affaires pendant que les personnes sont parties du centre.
  • Malgré une condamnation juridique en mai dernier obligeant les hébergeurs à fournir fruits et légumes frais dans les centres ainsi que des goûters pour les enfants, ceux-ci ne sont jamais distribués et de nombreuses personnes souffrent de carences alimentaires graves.
  • Du fait d’un manque de produits livrés, tout ce qui est distribué depuis les petits déjeuners jusqu’aux produits d’hygiène de base en passant par le lait maternisé sont rationnés par l’équipe éducative et les personnes hébergées doivent se procurer ces produits de base ailleurs. La plupart trouvent humiliant la manière dont sont distribués les produits par l’équipe (« Pourquoi tu n’allaites pas toi-même ton enfant ? » ; « Tu as manqué la distribution, la prochaine n’est que demain »).
  • A cause de l’inadaptation de l’hôtel, la plupart des chambres sont trop exiguës (jusqu’à 5 personnes sont entassées dans une chambre triple) et insalubres (humidité, moisissure).

Pour des places d’hébergement dignes et accessibles

Voreppe est aujourd’hui l’illustration du délabrement des places d’hébergement et de l’indignité qui tient lieu « d’accueil » pour les personnes hébergées. La stratégie actuellement mise en œuvre dans le cadre de la politique d'hébergement d'urgence, conduit à isoler toujours plus les personnes hébergées, à les invisibiliser et à réduire les coûts sur leur dos (moins c'est cher, plus c'est loin et en mauvais état) quitte à se mettre hors la loi (la préfecture de l’Isère a été condamnée en mai dernier pour l’indignité des centres d’hébergement). Alors que les seuls centres d’hébergement sur l’agglomération proposant des conditions de vie acceptables (Mangin, Meylan) ferment les uns après les autres, d’autres centres ouvrent toujours plus loin (Voreppe, Moirans) et offrant des conditions de vie de plus en plus pourries (accueil pour deux nuits seulement, absence de cuisine, de machine à laver...). Pire, ce sont ces centres là qui sont "pérennisés" dans la nouvelle politique de la préfecture, ce qui est d'autant plus grave.

Quand cessera cette course à l’économie sur le dos des personnes hébergées ?

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