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Billet de blog 1 septembre 2013

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Boris Boillon, l’ancien Résident de France en Tunisie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’actualité me porte à ré-publier un article sur la bouillonnade tunisienne de cet ex- Excellence du temps de sa Résidence éphémère à Tunis pendant la révolution.

Le nouveau résident en Tunisie (février 2011)

Nommé au débotté le nouvel ambassadeur de l’Elysée Boris Bouillon s’est installé au Dar Al-kamila. Pour sa première sortie, il a rabroué des journalistes comme un pas poli. La séquence a fait le tour du net. Choqués, un millier de manifestants ont réclamé son expulsion. Devant la chancellerie près de la Porte qui porte encore provisoirement le nom de la France, ils ont brandis des banderoles « dégage ! Casse-toi ! »… Et autres gentillesses qui font le miel de l’ensemble du corps diplomatique et le papier de Claude Angeli du canard enchainé. Dans l’histoire de la diplomatie française, c’est du jamais vu. Au Quai d’Orsay et dans les 163 ambassades à travers le monde, c’est la consternation. Le nom du plénipotentiaire est entré dans le langage courant. A Tunis, il se conjugue désormais à tous les temps en français comme en arabe.

Le protégé du chef de l’Etat, en charge de faire disparaitre les traces du commando de MAM en Tunisie est un produit Sciences po qui a appris l’arabe aux Langues O. Il le parle correctement ce qui force l’admiration de ses compatriotes pour qui cette langue est du chinois. Mais on ne parle jamais la langue du Coran de façon désinvolte. La manière est essentielle et en toute circonstance ; un ton doux, un sourire bienveillant et une posture sereine sont de rigueur. Il n’y a que les singes qui gesticulent et font des grimaces.

A Tunis où tout le monde est bilingue, entendre un ambassadeur de France baragouiner la langue d’Ibn Khaldoun, est hautement surréaliste ! D’autant que les tunisiens sont fiers de leur langue nationale, une subtile cousine de l’arabe classique. En Tunisie, jusqu’au 14 janvier dernier,  son usage était réservé aux débats théologiques, à la poésie, à l’injustice, rarement à la politique. En cette période révolutionnaire, l’arabe classique est devenu synonyme de  langue de bois. Chacun se souvient de Ben Ali lisant ses discours sur un prompteur et débitant d’un air important des phrases emberlificotés de mots savants que personne, ni lui-même, ne comprenait vraiment. Pour la toute dernière fois, l’ex-président lança un appel en langue tunisienne. Alors il fut parfaitement compris de tous. Et il prit la fuite.

Monsieur l’ambassadeur, je vous imagine sur une bergère du grand salon du Palais de La Marsa où peut-être l’écho de ces lignes vous parviendra. Sachez que la langue tunisienne est celle de l’intelligence et de la raison. Elle est d’un apprentissage difficile car elle traduit l’éducation et la naissance. Pour vous en faire une idée, écoutez les discours de Bourguiba sur Youtube. Mieux, allez flâner autour de la résidence ou de la chancellerie. Les quelques marchands de livres sont d’authentiques résistants survivants de la censure, de vrais libraires. Ils vous conseilleront des ouvrages écrits dans un français admirable. Par exemple, les romans historiques d’Alia Mabrouk qui  révèlent le courage ancestrale des tunisiens ou bien le dernier ouvrage de Rabâa Ben Achour-Abdelkefi sur la dignité et le raffinement des tunisois. Entre un bain de mer et une séance de musculation, vous pourriez inviter pour le thé ces deux dames de qualité qui accepteront peut-être de vous enseigner quelques rudiments de l’art de se comporter en hôte provisoire de Dar Al-kamila.

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