C’est un pays fantôme qui hante la mauvaise conscience de la communauté internationale depuis plus de vingt ans !
C’est un pays à existence confidentielle. Son évocation est réservée à quelques diplomates initiés. Son nom même, est ignoré de mon dictionnaire qui le souligne en rouge pour me le faire écrire en anglais et en deux mots.
C’est pourtant une nation : un peuple, une langue, un drapeau, une administration, un parlement, un président…
Cette ancienne colonie britannique puis italienne a été rattachée contre son gré à la Somalie voisine avant de faire sagement sécession et de s’autoproclamer République du Somaliland à la fin du siècle dernier, très exactement le 18 mai 1991. Ceci, dans l’indifférence générale car le monde avait les yeux fixés sur l’effroyable guerre qui sévissait autour de Mogadiscio au nord.
Depuis, les quatre millions d’habitants de la Terre des Somals, sur la péninsule de la Corne de l’Afrique, vivent paisiblement, pauvrement, dignement. Ils commercent avec Djibouti et l’Ethiopie, fournissent l'Arabie Saoudite en troupeaux de dromadaires. La pêche et l’agriculture nourrissent chichement ce peuple de sages dont la philosophie est incompatible avec toute forme de rendement.
A Hargeisa la capitale, on sait que le stress est le pire ennemi de l’homme. Aussi, on cesse de travailler passé onze heures du matin. Chacun se met alors à mâchouiller une botte de feuilles de qat dont les effets magiques décupleront le bonheur de chaque instant de la journée.
A les voir béats on les croirait baba cool écervelés. Pas du tout ! Les Somalilandais sont des citoyens responsables. Ils élisent un parlement et un président. Le vote est sans fraude, le perdant félicite le vainqueur, l’alternance est de rigueur. La presse est libre, la justice est juste. C’est un pays singulier, une rareté dans le paysage terrestre car il est africain, arabe et musulman. Mais oui, c'est possible !
Bref, c’est un vilain petit canard qui embarrasse la communauté internationale.
C’est sans doute pourquoi l'Etat vertueux du Somaliland n’est reconnu par aucune organisation. Ni ONU, ni OUA. Aucune ambassade, aucun consulat à part celui d'Ethiopie. La Banque Mondiale et le FMI n’y ont jamais mis les pieds. Pas de prêts, pas de dettes. Les finances du pays sont saines. Peu de convoitises, car il y a bien quelques richesses en sous-sol, exploitées par un britannique discret, mais pas de quoi déplacer l’OTAN.
Paix, sécurité, stabilité, développement, démocratie....depuis plus de 20 ans et sans rien coûter à personne.
C’est du jamais vu dans le tiers monde ! Pourtant, pour des raisons mystérieuses, le Somaliland semble condamné à demeurer un Etat clandestin, un sans papier, ignoré, isolé et….finalement heureusement préservé.
Longue vie au Somaliland !