La déclaration du responsable du Parti socialiste sur les adeptes de l’« esprit munichois » qui n’auraient pas le courage de soutenir une intervention militaire en Syrie est un mésusage du passé tout à fait significatif.
Les déclarations de M. Harlem Désir sur l'"esprit munichois" de ses adversaires (voir par exemple http://www.huffingtonpost.fr/2013/09/01/harlem-desir-syrie-esprit-munichois-opposition_n_3851582.html) sont problématiques. Mais pour de tout autres raisons que celles qui agitent les médias et la droite française.
Mésusage du passé: ce constat est un simple constat. Ce n’est même pas une prise de position sur ce que tels ou tels pays, ou les Nations unies, devraient faire en Syrie. En effet, quoi qu’il en soit de la réponse à cette question, le responsable du Parti socialiste aurait pu utiliser un large éventail d’autres formules pour s’en prendre à ses adversaires politiques et à leurs incohérences.
« Esprit munichois », c’est une formule déjà souvent lue et entendue, presque rituellement, par exemple avant la première intervention occidentale en Irak. L’actualité tragique persistante dans ce pays pourrait pourtant suggérer quelque retenue…
« Esprit munichois », c’est un terme dont l’usage est un mésusage du passé parce que la comparaison historique n’est pas une assimilation, ce qui signifie qu’elle souligne autant des distinctions que des ressemblances.
« Esprit munichois », c’est un terme dont l’usage est un mésusage du passé et un raccourci parce qu’il ignore un fait crucial, celui de l’incertitude des acteurs dans leur propre présent quant à ce qu’il va advenir en conséquence de leurs propres décisions.
« Esprit munichois », c’est un terme dont l’usage est un mésusage du passé parce que c’est une assimilation tout aussi raccourcie à une situation d’un autre contexte historique, d’un autre espace géographique, avec tout un passé colonial et des enjeux économiques et stratégiques qui marquent bien des différences.
« Esprit munichois », c’est la formule simple qui frappe les esprits, mais c’est aussi la formule bien trop simple qui les obscurcit.
Ce ne sont pas ses adversaires politiques que M. Harlem Désir a insultés en utilisant le terme d’« esprit munichois », mais c’est surtout l’histoire et l’intelligibilité du passé et du présent.
Charles Heimberg (Genève)