En Italie, pendant que le président du Conseil Silvio Berlusconi divorce par médias interposés, son épouse l’accusant de fréquenter de très jeunes femmes, ses alliés de la Ligue lombarde et padane, sans lesquels il ne serait probablement pas président du Conseil, en profitent pour affermir l’influence de leur idéologie raciste.
À Milan, un dirigeant de la Ligue lombarde, Matteo Salvini, a ainsi proposé de réserver des places assises dans le métro aux seuls Milanais. Il a ensuite précisé qu’il voulait surtout que deux wagons par rames soient réservés aux femmes vu les désagréments que les immigrés leur causeraient.
De son côté, Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur membre de la Ligue lombarde et padane, n’est pas peu fier d’être parvenu par deux fois à renvoyer manu militari vers les côtes lybiennes, non sans violer les normes internationales sur les droits des réfugiés, des embarcations pleines de migrants.
La provocation du conseiller communal et député milanais a certes soulevé de nombreuses protestations. Mais elle a été minimisée par toutes les personnalités du centre-droit qui se sont exprimées. Quant à l’expulsion abusive, et contraire aux droits humains les plus élémentaires, de ces malheureux migrants, elle a été dénoncée par l’Église catholique [Source : La Repubblica du 8 mai 2009].
Ces deux faits ne doivent pas être occultés par les frasques conjugales de M. Silvio Berlusconi. L’un est en effet l’expression d’un ballon d’essai raciste pour miner encore un peu plus le climat ambiant, alors que l’autre est une pratique effective de violation des droits humains directement issue de ce climat.
Dans les deux cas, c’est la Ligue lombarde et padane, la Ligue du Nord, qui agit. Ce parti populiste et raciste mine sérieusement la démocratie italienne depuis des années. C’est lui qui a par exemple fait valoir le principe de rondes miliciennes censées faire régner l’ordre dans les agglomérations italiennes.
Comme le souligne l’historien et anthropologue Marcel Detienne (dans « Des métamorphoses de l’autochtonie au temps de l’identité nationale », Cités, « Les vertiges du mal », n° 37, 2009), « […] ethnologues, historiens et anthropologues peuvent observer comment des configurations ethnico-raciales se dessinent avec l’aide active d’historiens et d’anthropologues locaux conviés à établir selon les règles les preuves indiscutables d’une « identité culturelle ». Il en va ainsi depuis 1989 avec la « Padanie », je la rappelle affettuosamente car elle est la terre autochtone des Purs Celtes, nés des Terres limoneuses du Pô, le dieu Pô. Envahis par les étrangers qui leur ont volé leurs terres, leurs coutumes, leur mode de vie ancestral, les authentiques Padans, ranimés par une « Ligue du Nord » haineuse et de Rome et du Sud, retrouvent une dignité heureusement préservée par les lieux élevés où les meilleurs d’entre eux s’étaient retirés ». Quant aux critères de l’identité padane, ajoute-t-il, ils sont définis « avec l’aide et la compétence d’historiens et d’anthropologues physiques appelés à faire reconnaître, je cite l’un d’entre eux, « l’héritage génétique inséparable du patrimoine culturel des Purs Celtes » ».
Ces élucubrations identitaires, qui renouvellent de manière particulièrement caricaturale toutes ces inventions de la tradition qui avaient marqué l’émergence des États-nation au XIX e siècle, connaissent un certain succès. Mais elles sont en réalité très dangereuses. Leur déconstruction critique est donc absolument indispensable. Et il n’y a pas lieu d’être complaisant à leur égard si l’on ne veut pas laisser vider de leur sens les droits démocratiques de tous et de chacun.