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Charles Heimberg. Historien et didacticien de l'histoire

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Billet de blog 10 juin 2013

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Suisse: qu’ils fassent leurs valises!

Ce 9 juin 2013, les électeurs de la Suisse (à 78,5%), dont d’ailleurs ceux de Genève (à 61,3%), ont une nouvelle fois très largement approuvé une modification d’une loi sur l’asile qui porte de plus en plus mal son nom puisque toute une batterie de mesures de restrictions du droit en question est ainsi de nouveau introduite.

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Ce 9 juin 2013, les électeurs de la Suisse (à 78,5%), dont d’ailleurs ceux de Genève (à 61,3%), ont une nouvelle fois très largement approuvé une modification d’une loi sur l’asile qui porte de plus en plus mal son nom puisque toute une batterie de mesures de restrictions du droit en question est ainsi de nouveau introduite.

Au cours de la campagne politique relative à ce durcissement de la loi, la droite et l’extrême-droite ont largement développé des arguments convenus sur le fait qu’il se serait agi de défendre les droits des quelques prétendus « vrais réfugiés » qui auraient encore pu sortir indemnes de ces limitation à répétition. En usant à volonté d’une rhétorique réactionnaire dont Albert O. Hirschman a fort bien démontré les mécanismes permanents de retournement du bon sens (Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard (L’espace du politique), 1991), elles ont même prétendu se faire passer pour d’ardentes partisanes des droits humains.

Toutefois, ces arguments de circonstance n’ont guère résisté aux faits, certains des milieux engagés pour l’approbation de ce durcissement peu démocratique ayant cédé aux sirènes de cette droite décomplexée qui sévit dans bien d’autres sociétés européennes.

A Genève, par exemple, c'est le cas du Mouvement citoyen genevois, un mouvement d’extrême-droite, qui s’affirme ni de gauche, ni de droite, mais de Genève (ce qui correspond très exactement à la marque de fabrique de tout mouvement d’extrême-droite). Il s’en prend prioritairement aux dizaines de milliers de frontaliers qui viennent travailler chaque jour à Genève, une ville suisse enfermée dans d’étroites frontières héritées d’une époque, au début du XIXe siècle, où ses élites n’avaient pas voulu trop d’ouverture dans le but illusoire de garantir la pérennité d’une majorité protestante au sein de la population et parmi les électeurs. Malheureusement, le MCG et ses électeurs ne sont pas férus de géographie et ils ne tiennent aucun compte du fait que toute concentration urbaine implique un hinterland, un arrière-pays, une zone d’extension pour ses activités économiques et culturelles qui lui est absolument indispensable et qui la rend viable.

Or, ce parti d’extrême-droite décomplexé n’a pas privilégié la nuance dans une affiche imposée au regard de tous les habitants de Genève. Son slogan principal en appelait au pouvoir du peuple (Le peuple d’abord !), mais la loi sur l’asile lui a inspiré d’autres slogans encore plus incisifs : Protégeons-nous. Refoulons plus vite les faux réfugiés ! Plus significatif encore, cette affiche était illustrée par une grosse valise, l’une de ces valises en carton brunes et rectangulaires que l’on retrouve dans beaucoup de musées d’histoire qui évoquent soit la déportation au cours de la Seconde Guerre mondiale, soit les souffrances de l’expérience migratoire dans toutes sortes de circonstances, une valise sur laquelle était inscrite la mention « Refoulés ».

Cet usage de la figure iconographique de la valise est tout à fait singulier. Ici, il ne s’agit plus de symboliser la barbarie, les crimes contre l’humanité ou quelque forme de souffrance sociale que ce soit. Le sens de l’image est totalement retourné, même si c’est exactement la même image. Il donne lieu à un réinvestissement revendicatif pour assumer ouvertement tout autre chose, un appel à l’exclusion et à l’expulsion, pour provoquer la stigmatisation d’êtres humains désignés comme cibles de la haine. Dès lors, ce procédé iconographique apparaît comme profondément choquant pour celles et ceux qui travaillent à la mémoire collective des faits traumatiques du passé, ou qui sont tout simplement sensibles à la nécessité de la promotion et du respect des droits humains et des droits fondamentaux.

Charles Heimberg (Genève)

P.S. Suite à un commentaire tout à fait pertinent, je me permets d'ajouter ce post-scriptum sous la forme d'un extrait de tract du syndicat UNIA qui résume les trois durcissmeents principaux de cette loi sur l'asile en Suisse :

Disparition de l’asile pour les victimes de dictatures

Quiconque est persécuté dans une dictature ne pourra plus à l’avenir déposer une demande d’asile dans l’ambassade de Suisse locale. Seules les personnes s’adressant à des passeurs et survivant à un voyage périlleux pourront le faire. La Suisse prive ainsi de toute protection les victimes de torture et de violations des droits de l’Homme.

Suppression de la désertion comme motif d’asile

Un soldat refusant de tirer sur ses semblables lors d’un conflit n’obtiendra plus l’asile à l’avenir, alors même que les déserteurs sont en réel danger. Ils font l’objet de persécutions brutales, pouvant aller jusqu’à la peine capitale en Irak, en Erythrée ou en Ethiopie. Le refus de combattre doit rester un motif d’asile.

Introduction de camps comme mesure répressive

A l’avenir la Confédération souhaite envoyer les requérant-e-s d’asile «récalcitrants» dans des «centres spécifiques» – sans même qu’ils aient commis d’infraction pénale. Cette mesure répressive, qui vise les requérant-e-s qui «dérangent» le fonctionnement des centres d’accueil, ouvre grand la porte à l’arbitraire étatique."

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