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Billet de blog 24 janvier 2012

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Ils traitent Baltasar Garzón comme un criminel et rendent hommage au franquiste Manuel Fraga

« Le juge Garzón est traité comme un criminel et on rend hommage avec des cornemuses à celui qui est mort ». Ce cri du cœur d’une jeune femme, Paqui Jura, fait allusion aux funérailles grandioses qui ont été organisées à Saint-Jacques-de-Compostelle pour ensevelir Manuel Fraga, un ancien ministre de Franco,

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« Le juge Garzón est traité comme un criminel et on rend hommage avec des cornemuses à celui qui est mort ». Ce cri du cœur d’une jeune femme, Paqui Jura, fait allusion aux funérailles grandioses qui ont été organisées à Saint-Jacques-de-Compostelle pour ensevelir Manuel Fraga, un ancien ministre de Franco, le fondateur du Parti populaire, le symbole de tout ce dont l’Espagne démocratique ne s’est pas encore débarrassée depuis la disparition du dictateur (voir www.publico.es/espana/418351/a-garzon-lo-tratan-como-a-un-criminal-y-a-fraga-le-tocan-la-gaita).

Paqui Jura s’est exprimée alors qu’elle assistait aux fouilles de la fosse des « dix-sept roses de Guillena », dix-sept veuves de républicains, d’anarchistes, de « rouges », tuées à Gerena, dans la province de Séville en 1936. Paqui Jura aurait aussi pu déplorer la cérémonie funéraire pour Manuel Fraga, organisée en grandes pompes à Madrid par Antonio Maria Rouco, président de la Conférence épiscopale espagnole, le béatificateur des prêtres tués par le camp républicain au cours de la guerre civile (qui avait oublié en passant les prêtres basques victimes du franquisme), l’une des figures les plus réactionnaires de l’État espagnol.

En Espagne, le juge Garzón est donc traité comme un criminel quand un ancien ministre franquiste est célébré avec tous les honneurs possibles. C’est là plus qu’un symbole. C’est un scandale oxymorique digne des slogans du Big Brother du 1984 de George Orwell [« La guerre, c'est la paix », « La liberté, c'est l’esclavage », « L'ignorance, c'est la force » et, pourquoi pas, « La Justice, c’est le crime »].

Trois procédures pénales sont intentées à Baltasar Garzón. L’une d’entre elles concerne ses enquêtes sur les dizaines de milliers de victimes de la dictature franquiste ensevelies dans des fosses communes que l’amnistie inconditionnelle de la Transition post-franquiste avait fait occulter. Il est accusé de prévarication, d’abus de pouvoir, par une institution judiciaire qui est éminemment réactionnaire et à laquelle la même Transition a assuré une certaine continuité des temps sombres de la dictature à aujourd’hui. C’est d’ailleurs à la Phalange fasciste et à un groupuscule ultra-réactionnaire, « Manos Limpias », que la « Justice » espagnole a donné raison dans cette affaire.

Mais c’est la procédure qui se joue ces jours-ci qui est la plus significative. Baltasar Garzón est en effet accusé d’abus de pouvoir pour des enquêtes qui touchent un énorme scandale de corruption, l’affaire Gürtel, autour de l’entrepreneur Rafael Correa, qui concerne le Parti populaire dans la région de Valence et qui a déjà coûté son poste au président conservateur de la région, Francisco Camps. Ce sont donc bien les vainqueurs des récentes élections espagnoles qui cherchent à tout prix à museler le juge Garzón.

Il n’y a aucune raison de transformer Baltasar Garzón en figure héroïque. Mais il n’en reste pas moins que ce qui lui arrive est absolument ahurissant pour un État démocratique.

Cerise sur le gâteau, toutes les informations que nous relayons ici proviennent du journal Público (www.publico.es/), un journal progressiste qui est aujourd’hui très fortement menacé de disparition immédiate. Un manifeste de soutien peut d’ailleurs être signé à l’adresse www.publico.es/especial/manifiesto-publico/.

Charles Heimberg, Genève

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