Ils sont quatre sénateurs italiens de la droite berlusconienne, marqués par un passé actif dans l’extrême-droite qu’ils rêvent peut-être encore de conjuguer au présent. Ils viennent en effet de déposer un projet de loi pour abolir la norme constitutionnelle qui interdit la reconstitution du parti fasciste.
Ces quatre individus se nomment Cristiano De Eccher, Fabrizio Di Stefano, Francesco Bevilacqua et Giorgio Bornacin. Ils sont tous des élus du prétendu Parti de la Liberté, mais ils proviennent tous de l’Alliance Nationale, le parti de Gianfranco Fini qu’ils n’ont pas suivi dans la mise à distance de son propre passé fasciste. Premier signataire, De Eccher est le plus connu comme ancien activiste d’extrême-droite dans l’organisation fasciste Avanguardia nazionale.
La motivation officielle de ce projet de loi est assez troublante : « Aucun de nous n’a jamais pensé engager une bataille de type idéologique en dehors du temps et de l’histoire. Notre projet de loi, en réalité, se propose d’intervenir sur une norme transitoire qui était destinée par nature, d’après la volonté des Constituants, à rester en vigueur pour un temps limité ». Ses considérants officiels sont encore plus cyniques : on y disserte en large et en travers du sens réel du terme « transitoire ». Une telle volonté de mettre à jour, d’actualiser, voire de « toiletter » la Constitution italienne issue de la victoire contre le fascisme ne trompe en réalité personne. Ni la période inquiétante que nous traversons en Europe, et spécialement en Italie, ni l’identité des signataires de ce projet ne sont susceptibles de le rendre crédible et acceptable.
En réalité, un autre enjeu qui se cache immédiatement derrière ce projet de loi porte sur l’abolition d’un autre héritage de la Libération, c’est celui de l’interdiction de toute apologie du fascisme. En faisant passer leur projet de loi, qui n’est heureusement pas soutenu par de nombreuses personnalités de la droite italienne, ils pourraient s’en donner à cœur joie en exprimant leur nostalgie nauséabonde.
Ce 25 Avril 2011 est un peu étrange en Italie, puisqu’il est aussi le jour de la Pasquetta (le Lundi de Pâques). Les déclarations de la droite contre la commémoration de la Libération de l’Italie, le 25 avril 1945, se sont à nouveau multipliées, assorties des habituelles litanies sur l’assimilation, et la mise sur le même plan, de toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale, fascistes et antifascistes.
L’histoire ne se répète jamais complètement. Elle présente toutefois des éléments de continuité et de résurgence. Dans un pays où se vendent partout, mais surtout au nord-est, des bouteilles de vin et toutes sortes d’objets à l’effigie de Benito Mussolini, dans un pays où une droite sans vergogne développe des discours de haine à l’égard de migrants qui ne sont pas aussi nombreux et aussi « déferlants » qu’elle le laisse entendre, il y a sans doute mieux à faire que de remettre en cause les quelques gardes-fous antifascistes dont la République italienne s’est dotée.
Le 25 avril, qui marque aussi la révolution des œillets au Portugal, est décidément une date que notre présent préoccupant nous oblige à prendre en considération.
Charles Heimberg (Genève)
Sources :
Corriere della Sera, www.corriere.it/politica/11_aprile_05/ddl-partito-fascista_fd63f03e-5f97-11e0-a9b0-e35a83b9ad3b.shtml.
Le projet de loi constitutionnelle abolissant l’interdiction de reconstituer le parti fasciste, www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/00530824.pdf.