L’expulsion d’Alain Finkielkraut de la Place de la République par les jeunes participants de la Nuit Debout, a offusqué certains qui se proclament Démocrates. Dans ce refus de dialoguer avec l’intellectuel-philosophe-académicien-polémiste-chroniqueur-radio (sic !)on a débusqué l’intolérance qui caractérise les totalitarismes.
Pour le dialogue, Alain Finkielkraut le dit lui-même, il n’est pas allé à la Nuit Debout pour « parler », mais « pour voir et savoir ». (cf. entretien avec Elisabeth Levy, le 17 avril 2016, à RCJ).Pour ce qui est de l’intellectuel, constatons qu’il préfère les catégories à la complexité : il condamne, sans l’avoir vu, le film Underground de l’immense cinéaste Emir Kusturica, parce que celui-ci est un personnage politiquement infréquentable (cf. Le Monde du 2 Juin 1995). Pour le philosophe, rappelons son amitié assumée avec l’antisémite Renaud Camus. Pour l’académicien, consultez ici même la chronique faite par Antoine Perraud. (Le jeudi noir …) Pour le tout, lisez le portrait burlesque dressé par Leslie Kaplan dans son dernier livre Mathias et la Révolution.
Or, Alain Finkielkraut ne pouvait pas aller à la rencontre d’une jeunesse qu’il méprise, et cette jeunesse ne pouvait pas accueillir celui qui promeut sa disqualification. Ce n’est donc ni l’intellectuel ou l’académicien ou le philosophe qui s’est rendu à la Nuit Debout, Place de la République, c’est le militant extrême de la droite. Alain Finkielkraut est allé à la Place de la République pour se faire lyncher, pour offrir son corps comme preuve du délit, pour faire coïncider l’action des jeunes avec la représentation morbide de sauvageons, celle qu’il nous propose depuis longtemps por enfermer l'hétérogèe et l'étranger. Et puisque les commentateurs officiels n’ont pas su trouver ce mot, « militant », ils n’ont pas su reconnaître et louer le comité spontané garant de la dignité et du respect du mouvement, qui a expulsé le militant et évité que son dessein ne s’accomplisse : transformer un (jeune) peuple faisant un exercice de démocratie en foule dangereuse.
Cette présence était une insulte. Et l’insulte est une méthode où s’enracine la pensée de droite, méthode par laquelle on fait de l’autre le dépositaire de sa propre haine, en transformant la colère généreuse en désir légitime de vengeance. Il semblerait, d’ailleurs, que l’actuel Ministre de l’Intérieur et son Préfet, ont trouvé chez Alain Finkielkraut leur idéologue : la présence des policiers au milieu des manifestants au début du défilé, est l’insulte qui vient convoquer la violence au moment où domine la joie de se rassembler pour faire communauté.
Les commentateurs professionnels, empêtrés dans leur grille médiocre d’interprétation, n’ont pas su célébrer l’événement extraordinaire : que l’indignation n’ait pas empêché les jeunes, que cette présence insultait, de reconnaître qu’il s’agissait d’une invite à l’infection de la haine. Cette cécité des commentateurs a rendu malheureuse leur parole, selon l’expression proposée par Sophie Wahnich pour définir les mots qui ne cherchent plus à traduire la voix du peuple en termes de pensée.