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Billet de blog 4 octobre 2009

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Mettez du théâtre dans votre paranoïa

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À la question posée, comment créer de la fiction dans une époque où la fiction sert plutôt à fuir le réel, Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier proposent un théâtre du poétique pour traiter les impasses auxquels nous confronte notre temps sinistre. Impasses du cynisme, du pathétique, de la violence, de la vitesse, impasses de nos impuissances, de nos paresses. Recours à la poésie comme outil pour penser le politique.

Théâtre de l’éphémère, de l’émergence permanente, des fulgurances incessantes d’où jaillit le rythme, théâtre des lucioles, comme réponse au vide qui menace de tout engloutir. Théâtre de la fête, de la joie, de la liberté, du risque. Magie d’un théâtre qui réinstalle l’illusion nécessaire à l’existence au cœur de la douleur et du désespoir – incontournables – d’une vie vivante.

Enchantement d’un jeu d’acteurs qui avec le presque rien bricole la représentation du monde. Enthousiasme contagieux de cette présence qui affirme la valeur de l’instant, qui interroge avec humour nos engagements, nos lâchetés, nos ajournements. Extraordinaires acteurs que sont Marcial Di Fonzo Bo, Elise Vigier, Frédérique Loliéé, Pierre Maillet. Impeccables Julien Villa, Rodolfo de Souza, Clément Sibony.

L’intimité avec la scène, et la familiarité avec les éléments du plateau, sont mises au service de la fonction sociale d’un spectacle théâtral : nous redonner le monde dans lequel on vit. Extraire du ventre monstrueux de l’espace un temps où il fait bon d’être. Nous arracher à notre routine, non pour nous amener dans un songe en plastique féérique, mais pour faire de nous les chercheurs journaliers du détail qui nous ancrera dans le précaire quotidien. Réinventer l’enfance, loin de toute nostalgie, pour accomplir le miracle d’humanisation du réel : nous avons un corps, des muscles, une voix avec plusieurs tons, un regard, un sexe dans tous ses états. Le théâtre comme retour à l’événement inouï d’une vérité indissociablement liée au jeu à ses débuts, quand l’apprentissage des mots engendre le rapport aux choses. Rappel de ce savoir enfantin immémorial : les relations grammaticales entre l’art de la cabriole et le maniement pratique de la réalité.

À l’origine et à la base de ce spectacle, il y a une troupe d’acteurs-metteurs-en-sène, formée à l’Ecole du Théâtre de Bretagne, il y a quinze ans de cela, plus une équipe administrative et technique fidèle. (Les images de Bruno Geslin sont formidablement justes. La télé-novela, on s’y croit). Quinze années de travail, ensemble, ça aide à porter le désir de pensée et de recherche, relativise les coups durs et les coups bas, vaccine contre les virus des foires des vanités, est un vrai apprentissage de l’autre comme mon frère et ma différence. Cette durée permet aussi de définir les contours de la scène : lieu de toutes les aventures, de tous les accueils, lieu de cette exigence de présence constante au temps présent qu’est le théâtre. Lieu où l’usage des transgressions est le moyen d’élargir le champ du possible. Lieu où l’on va pour rêver le monde - sans quoi il est impossible de le transformer.

Allez donc à Chaillot. Et visitez leur site pour connaître le calendrier de leurs productions futures et de la reprisedes anciennes. N’en ratez aucune : la joie du travail de pensée dans toute son exubérance. www.theatre-des-lucioles.net/

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