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Billet de blog 6 septembre 2025

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Fragments de silence : sculptures africaines découvertes par Max Itzikovitz

Du 10 au 27 septembre la galerie Bernard Dulon, dans le cadre de l’événement Parcours du Monde, a eu heureuse l’idée de réexposer encore des pièces découvertes par Max Itzikovitz, grande autorité sur l’art africain. L’émerveillement.

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Max Itzikovitz a découvert la sculpture à 22 ans en se promenant dans le Poitou à la recherche des vieilles églises romanes alors désaffectées dont les portails étaient décorés de frises sculptées.

Il a rencontré l’art africain en faisant des remplacements de confrères dentistes en Afrique. 

En 63 sur un marché à Abidjan il découvre qu’il est possible d’acheter des portes sculptées de temples. Pendant trois mois il n’a acheté que des portes, puis a regardé d’autres œuvres.

Il venait d’une famille d’Europe de l’Est, ses parents sont nés dans un petit village de Lituanie, il n’avait jamais vu une peinture ou un meuble ancien chez lui. Pour lui, l’art ne pouvait être présent que dans les musées et il était impensable de pouvoir acquérir des œuvres. 

A son retour en 64 il a ouvert une galerie, ne sachant que faire de tout ce qu’il avait acheté en sept mois et rapporté.

Il a tenu cette galerie de 64 à 72 puis a cessé cette activité. Max Itzikovitz, affirme que, pour lui, la quête est plus intéressante que la possession d’une œuvre, même si revendre des pièces qu’il avait découvertes et aimées était devenue de plus en plus difficile. Il a rencontré pendant cette période tous les grands marchands et collectionneurs de cette époque.

Il notera que notre regard est devenu différent grâce aux artistes français, Picasso, Matisse, Derain, du début du 20ème ; les objets africains ont cessé d’être un matériel ethnographique pour devenir un art. Son intérêt pour l’art djenne sera pionnier. Jusqu’alors, l’art djenne, que Max Itzikovitz rapprochera de l’art roman, était confondu avec l’art dogon.

Ce qui passionne Max Itzikovitz dans la sculpture africaine c’est la recréation par l’artiste du corps, humain ou animal. L’artiste n’essaye pas de faire vrai, de faire naturaliste ; il transforme ce que « Dieu » a fabriqué à sa manière à lui – l’artiste devient Dieu, il refait les choses comme il l’entend.  Il admire avec jubilation la dimension abstraite de certaines sculptures africaines qui attestent d’un art plein d’humour.

Il continue toujours, après plus 60 ans de quête, sa perpétuelle recherche d’un nouvel objet inconnu qui puisse l’étonner et sa curiosité ne se limite pas à l’art africain. C’est sans doute cependant dans celui-ci que son regard et ses connaissances sont unanimement reconnus. Plus de 60 ans à regarder, comparer les objets, dans les livres, les galeries, les musées, à rencontrer et échanger avec d'autres passionnés, marchands ou amateurs. C'est leur valeur artistique qui le passionne. Il peut passer des heures à regarder les reproductions, comparer les objets. Il a toujours prêté des œuvres à des musées pour des expositions.

L’ACTUELLE EXPOSITION

L’ensemble des fragments de sculptures exposés à la Galerie Bernard Dulon constitue une expérience du Sacré. Non du sacré religieux. Celui venant de l’énigme de l’émotion esthétique, les secrets du passage de la pensée à la pure sensibilité. 

Les textes du catalogue sont un aide-regard. Ils sont aussi une leçon de choses : un objet c’est un objet, c’est un objet, c’est un objet. Il n’y a pas de transcendance. Il y a la condensation de plusieurs passages, de plusieurs registres : l’histoire, la culture, la technique, le hasard et la chance, la manière, le désir, le rêve, l’exigence. Pour que le spectaculaire tende la main à l’inouï il suffit de quelques centimètres.

Comme tout grand artiste, tout grand chercheur est un artiste, chez Max Itzikovitz penser c’est savoir regarder.

Max Itzikovitz se donne comme tâche de nous apprendre l’étonnement. Un étonnement d’où fut enlevée la surprise. La tension acide de la surprise ne sert pas ici, elle gêne. Sans la surprise, l’étonnement est le pur réel de l’enchantement. 

Comment approcher l’enchantement qui vit dans  l’étonnement ? Par le détail. Détails travaillés dans la forme qui les réunit, dans l’Histoire que porte cette forme.

 Les poèmes d’Elizabeth Demidoff prolongent tous ces mystères.

L’idéal serait qu’il y ait à chaque socle un petit casque où l’on entendrait la belle voix de Max Itzikovitz disant le texte correspondant à la merveille. Procurez-vous dès l’entrée le catalogue pour suivre le parcours.

Le catalogue de Fragments de silence a été fabriqué par STIPA, précision et délicatesse dans la mise-en-page aérée. Les photographies de Brigitte Cavanagh rendent évidente la puissance surprenante de chaque pièce. Les commentaires des œuvres sont de Max Itzikovitz. Les poèmes d’Elizabeth Demidoff. La présence de Claire Hocquet à toutes les étapes de la réalisation de ce projet. 

Galerie Bernard Dulon,

10 rue Jacques Callot

75006

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