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Billet de blog 24 octobre 2016

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Les grands acteurs (I) : MARC BERTIN

Un ancien ministre anglais, homme très élégant, poussait le bon goût jusqu’à faire porter ses vêtements nouveaux par son chauffeur, afin qu’ils perdent l’aspect guindé du neuf. Il y a de cela chez un grand acteur.

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Un ancien ministre anglais, homme très élégant, poussait le bon goût jusqu’à faire porter ses vêtements nouveaux par son chauffeur, afin qu’ils perdent l’aspect guindé du neuf.  Il y a de cela chez un grand acteur :il saura rendre clair les agencements d’une complexité – et nous faire sentir plus intelligent que d’habitude – rendre simple l’expression la plus nuancée des sentiments – et, ainsi, nous rendre la vie vivante.

Marc Bertin, après des années de travail, est au sommet de son art. Naviguant entre tristesse, liberté et certain détachement, il produit une qualité de présence stupéfiante. Effet de vérité ? Certainement, et encore : le réel de l’existence – cette chose jamais aussi puissante que lorsqu’elle donne la main au précaire, au fragile.

Marc Bertin, il y a longtemps, figurait l’angoisse, l’inquiétante étrangeté, l’excès. Qui ont fonctionné, avec la folie en plus, comme des acides corrosifs pour libérer un outil diamantaire : un ton, une manière d’être en scène qui peut tout contenir, par laquelle tout peut transiter.

Il transporte au plateau sa familiarité avec le quotidien du métier, sa mémoire de toutes les armoires remplis d’accessoires.  Ce faisant, il nous reçoit dans l’espace d’un possible où peuvent être accueillis les pensées des personnages qui ont traversé les temps : de Sophocle à Shakespeare, de Goethe à Beckett.

Marc Bertin, en acteur brechtien accompli, m’évoque, dans les habits d’aujourd’hui – déjà portés par des années d’expérience - la figure du meneur de jeu, centrale dans le théâtre médiéval. (Et, exactement pour cela, je m’étonne qu’aucun cinéaste ne l’ait pas encore utilisé convenablement). Un élan, une fluidité, un calme et, oui, une évidence : il me parle à moi, à moi spécialement, et j’ai intensément envie d’entendre ce qu’il est en train de dire, et aussi la phrase d’après, et la suivante.

Marc Bertin nous offre le paradoxe du spectateur : je suis troublé, inquiet, par ce qu’il me fait éprouver et, en même temps, dans la joie de reconnaître la grâce et la précision de ce travail qui sont données si généreusement : la pure émotion esthétique.

Nous avons la chance de le retrouver actuellement, dans une pièce de Tim Crouch, dans la Maison d’Europe et d’Orient, 3 passage Hennel - 75012 Paris, tél : 01 40 24 00 55, jusqu’au 5 Novembre.

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