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Billet de blog 5 décembre 2021

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Jean-Luc Godard : un entretien de tous les possibles

Mediapart a rendu visite à Jean-Luc Godard au lac Léman. « L'entretien impossible », a titré le journal. Non. C’est un dialogue qui cherche à avoir lieu sans les mots parce que selon Godard, « Depuis l’invention de l’alphabet, on est un peu maudits ».

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Illustration 1
Mediapart chez Godard © Mediapart

Sa grande préoccupation récurrente : la confusion entre la langue et le langage. « Si on lie ça un peu à Cézanne, disons aux images pour employer le mot courant, eh bien, on peut survivre ». C’est un entretien où les possibles de la réponse se trouvent hors cadre, entre les fragments qu’on ramasse et monte, signe après signe, image avec mot, son après son.                                 

 « Un fait est ce qui se fait. Mais il ne faut pas oublier que c’est aussi ce qui ne se fait pas ». Une entrevue drôle comme une scène burlesque dans un film de Godard et rédigée comme ses fulgurances visuelles. « Je ne sais pas pourquoi vous êtes venus, c’est pour ça que j’ai accepté ». Jean-Luc-Godard: l'entretien impossible 

Ludovic Lamant et Jade Lindgaard demandent des nouvelles du prochain film. Godard répond : « Mais qu’est-ce que ça peut vous faire ? Vous m’avez déjà rencontré autrefois, où on a dit tout et le contraire de tout. Maintenant, je vous dis le contraire de rien. »  Mais Godard donne à voir un corpus assez large de son nouveau film. Il leur donne à regarder et feuilleter le carnet de Scénario qui est fait de dessins, de collages et d’image(s) qui montrent le réel, les questions actuelles brûlantes, notre contemporain iconographique qui remonte le temps des images. Une photo de la militante antiraciste, Assa Traoré, sœur d’Adama, mort après son interpellation par la police en 2016, un portrait de Rachel Khan, universaliste, opposée aux nouveaux mouvements antiracistes et féministes, une gravure de Dürer : La Mélancolie, un portrait en noir et blanc d’Hannah Arendt, une image de la colombe posée sur une caméra tirée d’Achik Kérib, conte d’un poète amoureux de Parajdanov, un vers de Racine recopié, et modifié : « Que tant d’amer nous sépare ».

« - Savez-vous quand vous allez tourner votre film en projet ? - Jean-Luc Godard : Non. Peut-être que cela va rester à ce stade ». Je ne le crois pas. Anne-Marie Miéville a dit que sur la tombe de Jean-Luc, elle écrira : « Au contraire ».

Godard a accepté d'échanger avec Mediapart : « Je le fais gentiment pour voir une dernière fois ce que c’est un des atomes de la gauche en France. J’estime toujours la gauche, mais je la mets à gauche (...) ce qui se passe en France est très intéressant pour la France, elle est sérieusement malade mais elle le sait ».

À la fin de l’entretien, Godard tenait à dire ses cinq phrases de chevet « qui me restent en mémoire, et que je me répète des fois le soir pour voir si je m’en souviens encore ». 

Il « applaudit » toutes les révoltes : #MeToo, contre les violences policières, le climat. Il adresse à Greta Thunberg la phrase d'Elias Canetti : « Nous ne sommes jamais assez tristes pour que le monde soit meilleur ».

Les conditions de Godard pour cette entrevue : pas de photos, pas de caméra et la parité : unE journaliste et un journaliste.  

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