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Billet de blog 10 juillet 2012

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« La tristesse vient de l’eau »

Dans le taxi qui me conduisait à l’aéroport Charles de Gaulle, je regardais mon amie ramasser une poignée d’eau de la flaque laissée par la pluie battante de la veille. Elle jeta l’eau en direction de la voiture qui démarrait . « Ma mère m’asperge chaque fois que je pars en voyage de peur que je ne revienne pas » m’a dit Yassine, le chauffeur de taxi. Je l’écoutais parler de l’Algérie, le pays natal de ses parents qui lui ont appris que « la différence entre un jardin et un désert, ce n'est pas l'eau, c'est l'homme. »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le taxi qui me conduisait à l’aéroport Charles de Gaulle, je regardais mon amie ramasser une poignée d’eau de la flaque laissée par la pluie battante de la veille. Elle jeta l’eau en direction de la voiture qui démarrait . « Ma mère m’asperge chaque fois que je pars en voyage de peur que je ne revienne pas » m’a dit Yassine, le chauffeur de taxi. Je l’écoutais parler de l’Algérie, le pays natal de ses parents qui lui ont appris que « la différence entre un jardin et un désert, ce n'est pas l'eau, c'est l'homme. »

Mon amie qui a lancé l’eau sur la voiture est également algérienne. Je pensais à nos longues discussions politiques et me vint en mémoire le vers de la poète ukrainienne, Emma Andijewska,  « La tristesse vient de l’eau ».

Je feuillette les pages Géo & Politique du Monde et je lis : « Tunisie Les premiers pas d’un Etat islamiste »

Yassine me dit que les révolutions n’ont servi à rien, que maintenant le chaos s’est ajouté à la dictature. Je n’étais pas d’accord mais trop triste, trop confuse pour argumenter et essayer de le convaincre.

 Dans L’Eau et les rêves , Bachelard interroge les étendues blanches et claires de la matière. Les profondeurs opaques, insondables où l’eau lacère, brûle, entraîne la mort.

 J’aurais aimé apprendre à Yassine la phrase de Bachelard :« L'eau mêlée de nuit est un remords ancien qui ne veut pas dormir.»

J’aurais aimé lui parler de mon amie qui a aspergé son taxi. Elle pense que l’islamisme est un utopisme obscur, un rêve noir duquel nos peuples sortiront. Comme l’eau, les révolutions finiront par répandre la clarté et irriser nos pays de lumière, dit-elle.

« C'est près de l'eau que j'ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l'intermédiaire d'un rêveur.» Bachelard

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