« Quand les architectes de notre république écrivirent les textes magnifiques de la Constitution et de la Déclaration d'Indépendance, ils signèrent un billet à l'ordre de chaque Américain. C'était la promesse que chacun - oui, les Noirs tout autant que les Blancs - serait assuré de son droit inaliénable à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. »

Le 28 août, l’Amérique fêtera le 50ème anniversaire du discours d’espoir de Martin Luther King, I Have a Dream.
Trayvon Martin n’aura droit ni à la vie, ni à la liberté, ni à la recherche du bonheur : le soir du 26 février 2012, il fut tué d’une balle dans la poitrine par un vigile bénévole à Sanford, en Floride. Le jeune Noir de 17 ans, vêtu d’un hoodie gris (sweat-shirt à capuche), ne portait pas d’arme, n’avait pas de casier judiciaire, venait d’acheter des bonbons et rentrait chez son père au Retreat at Twin Lakes où George Zimmerman patrouillait. Il le trouva suspect et appela la police : « Ce type prépare un mauvais coup, ou qu'il est drogué ou dans le genre. Il pleut et il ne fait que marcher et regarder autour, il examine toutes les maisons. » Il se mit à le suivre pour protéger le quartier sujet aux cambrioleurs afro-américains. S’ensuit alors une empoignade entre l’adolescent et l’agent de sécurité. Trayvon Martin a été retrouvé mort, une canette de thé glacé accrochée à la ceinture, tout près son paquet de bonbons et son téléphone-il venait de parler à sa petite amie. Son meurtrier a été acquitté par un jury composé de cinq femmes blanches et une hispanique. Il aurait tiré en état de légitime défense selon le Stand Your Ground ( Défendez-vous), une loi votée en Floride, en 2005, appuyée par la National Rifle Association. L’avocat de Zimmerman a abjectement déclaré que la partie civile «présentait un dossier chargé en émotion, mais faible en preuves».
L’émotion, la tristesse, la colère sont la seule voie qui reste dans une justice à deux vitesses influencée par les lobbies d’armes. Les États-Unis, un pays de 315 millions d’habitants, de 300 millions d’armes à feu détenues par des particuliers, et de 30 mille morts par an. La première puissance du monde, une démocratie où l’on dégaine encore son pistolet pour se défendre. Des débats à courte vue où l’on justifie sans ciller, le profilage racial par la grande présence des Noirs dans les statistiques de la délinquance et des couloirs de la mort. « Ce n’est pas nous qui faisons l'histoire. C’est l’histoire qui nous fait », disait Martin Luther King. Il n’y a pas si longtemps, on avait promis aux affranchis 40 acres de terre et une mule.
Une Histoire tragiquement jeune d’une patrie où race et justice encore s’entremêlent. Le vote du Civil Rights Act abolissant la discrimination raciale n’a pas atteint 50 ans; l’ombre violente d’un passé récent rôde dans le chemin des plus démunis.
L’acquittement de George Zimmerman a rouvert les blessures raciales ; à travers toute l’Amérique, des milliers de personnes ont marché habillés de sweats avec capuches rabattues sur la tête. Le « Million Hoodie March » rendait hommage à Trayvon Martin.
La poète Maya Angelou, compagne de lutte de Malcom X, James Baldwin et Martin Luther King, est « ébranlée » par le verdict de ce procès inéquitable.
« Les gens à Stamps disaient que les préjugés des Blancs de notre ville étaient tels qu’un Noir ne pouvait pas acheter de la glace à la vanille. Sauf pour la Fête nationale. Les autres jours, il devait se contenter de glace au chocolat. », écrivait Maya Angelou en 1969, dans son roman autobiographique , Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage.