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Billet de blog 30 juillet 2025

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Ziad Rahbani, le cri d’un peuple en note majeure

Dans le vaste désert des existences, peu ont su apporter un plus à l’humanité, à la bonté du monde. Moi, je n’en connais qu’un seul. Ziad Rahbani, né le 1er janvier 1956 à Antélias et mort le 26 juillet 2025 à Beyrouth.

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Illustration 1
Ziad Rahbani, 1956-2025

Ziad Rahbani était un artiste total. Pianiste, compositeur, auteur, chanteur, metteur en scène, comédien, dramaturge, communiste, irrévérencieux, caustique, sans compromis, modeste, lucide jusqu’au vertige et génial.

Chaque note, chaque mot, chaque mélodie, chaque satire de Ziad Rahbani porte un éclat de douleur, un éclat de rire, un enchantement, un moment suspendu qui ouvre un autre monde.

Il riait du pouvoir, mettait le doigt sur les plaies, exposait les lâches, aimait les perdants et parlait pour les humbles. Il était le poète visionnaire de son Liban fracturé, de notre impasse arabe, des ironies politiques et des blessures intimes. Il jouait ce qui tremble et disait ce qui dérange avec l’honnêteté désarmante des cœurs indociles. 

Il a bercé de jazz, de musique classique, d’harmoniques orientales, de mots quotidiens, d’explorations avant-gardistes, les mélomanes averti·es comme les oreilles simples. Il est aimé de toutes parts : la grand-mère pieuse, les jeunes révolté·es, les militant·es désabusé·es, l'intellectuel·le, les croyant·es et les mécréant·es.

Ziad Rahbani était le fils de la voix céleste, l'immense Feyrouz, mais il a tracé sa propre route, vaste à l’infini, incandescente, foncièrement libre et au cœur du peuple. Il a par ailleurs, composé parmi les albums les plus célèbres de sa mère : Wahdon à 22 ans, suivi de Maarifti Feek, Kifak Enta, Mish Kayen Hayk Tkoun, et Wala Kif. Il a fait résonner dans la musique de Feyrouz du jazz, du funk, des rythmes brésiliens, du groove oriental, des paroles audacieuses, loin des traditionnels thèmes romantiques. Des chansons comme Al Bostah, Habaitak Ta Neseet Al Naoum, Kifak Enta, Li Beirut disent le tournant contemporain de la diva.

Les mots et les notes de Ziad Rahbani continueront de danser dans l’air du Liban et du monde arabe, comme une promesse indélébile que la beauté, la révolte, la grâce ne meurent jamais. 

Son œuvre restera comme un chant de ralliement, une conscience partagée.

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Chanson أنا مش كافر  Je ne suis pas un mécréant de Ziad Rahbani

 Je ne suis pas mécréant mais la faim est mécréante
Je ne suis pas mécréant mais la maladie est mécréante
Je ne suis pas mécréant, mais la pauvreté est mécréante
et l’humiliation est mécréante
Je ne suis pas mécréant
Mais que faire
quand tous les mécréants se rassemblent en moi ?
Je ne suis pas un mécréant

Celui qui prie le dimanche, celui qui prie le vendredi
et qui nous exploite toute la semaine
c’est lui le croyant ? et moi, le mécréant ?
Relisez les Livres saints
écoutez les paroles du Tout-Puissant

Je ne suis pas un mécréant mais le pays est mécréant
Je suis enterré dans ma maison et je ne peux pas partir
Tu m’arraches la bouchée de la bouche et ta nourriture est devant toi, mon frère
Et si je me révolte, tu me traites de mécréant 
Tu informes les puissances étrangères
et tu préviens tous les commissariats

Je ne suis pas un mécréant
c’est toi le mécréant
Je ne suis pas un mécréant
tant que c'est toi le mécréant
Je ne suis pas un mécréant
Ils ont su qui est le mécréant
Je ne suis pas un mécréant, je te dis
Tu déverses ton fardeau sur moi
toi, le cheikh des mécréants

Amen

Traduit de l'arabe par Hejer Charf

Je ne suis pas un mécréant أنا مش كافر par Ziad Rahbani

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