
Mesdames les élues en charge de l’égalité femmes-hommes,
Mesdames et Messieurs les responsables associatifs et associatives,
Mesdames et Messieurs les agents et agentes de la Ville de Paris,
Je vous remercie chaleureusement pour votre présence aujourd’hui, pour cette traditionnelle réunion de coordination et de préparation du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, et temps fort du calendrier de ma délégation, du Service égalité, intégration, inclusion (SEII) de la Ville de Paris, singulièrement de l’Observatoire Parisien des violences faites aux femmes (OPVF), et bien entendu de tout le réseau parisien des acteurs et actrices de cette lutte.
Nous sommes d’ailleurs chaque année plus nombreuses et nombreux à nous mobiliser, à construire des actions dans nos sphères d’activités, avec les publics que nous sensibilisons ou accompagnons.
Preuve que ce fléau des violences faites aux femmes est encore loin d’être conjuré mais preuve aussi que cette cause rassemble de plus en plus et tant mieux, surtout lorsque l’on sait l’importance de la bataille culturelle et citoyenne, pour faire reculer les violences.
Et en particulier dans ce « moment Metoo », selon les termes de Bibia PAVARD, historienne spécialiste des mouvements féministes et des droits des femmes, où la société nous enjoint à agir, comme rarement dans l’Histoire et comme jamais face aux violences patriarcales.
Merci donc à toutes et tous pour votre présence aujourd’hui, et permettez-moi de saluer également votre mobilisation quotidienne auprès des Parisiennes.
Merci au Service égalité, intégration, inclusion de la Ville de Paris pour l’organisation de cette réunion.
Les agentes de l'OPVF et du SEII, seront vos interlocutrices dans les mois à venir pour vous informer et réceptionner vos projets d’évènements et d’actions, que nous regrouperons et publierons comme chaque année. Je laisserai d’ailleurs le service vous donner les détails du calendrier et des démarches.
Quelques mots sur les derniers chiffres des violences faites aux femmes à Paris.
- Entre 2018 et 2022, c’est à dire depuis le déclenchement de #MeToo, les seuls « faits avérés » de violences conjugales ont augmenté de 39 % et plus 24% à nouveau pour le premier trimestre 2023[1].
- En 2022, la Préfecture de Police a enregistré 6813 procédures et la justice a 1800 plaintes.
- La CAF a reçu, quant à elle, 416 signalements[2]
- et 9 350 demandeuses de logement ont déclaré des violences conjugales.
Durant les deux premiers mois de l’année 2023, le parquet à ouvert 3 informations judiciaires pour féminicides, ce qui est « anormal », si je puis dire, comparé à la moyenne annuelle du nombre de féminicides à Paris (en général, entre aucun et un féminicide par an).
J’ai connaissance par ailleurs de deux tentatives de féminicides également depuis janvier.
Face à cela, c’est à nouveau un demi-million d’euros[3] que le Conseil de Paris de juin dernier a décidé de dédier pour 2023 à 35 associations, pour des projets d’écoute et d’orientation des victimes, d’information, d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des femmes et des jeunes filles victimes de violences – tous types de violences – sur notre territoire.
En comparaison, nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois le manque de moyens d’État réellement engagés dans ce combat, pourtant « grande cause nationale ». C’est pourquoi les associations continuent de réclamer au minimum 1 milliard d’euros pour la lutte contre les violences conjugales. Ce 25 novembre comme tous les autres, nous serons amenées à nous mobiliser et revendiquer plus de moyens lors des différentes mobilisations parisiennes.
En 2023, nous aurons pour thème du 25 novembre, la lutte contre les violences sexuelles.
Selon l’enquête Cadre de vie et sécurité de l’INSEE,
- chaque année, entre 2011 et 2018, 200 000 personnes âgées de 18 à 75 ans ont été victimes de violences sexuelles.
- Parmi ces victimes, 27 % ont subi un viol, 16 % une tentative de viol et 29 % des attouchements.
- Plus de la moitié des victimes connaissaient personnellement leur agresseur (51 %).
- En 2018, 213 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année et moins d’1 victime sur 5 déclare avoir déposé plainte.
Selon l’enquête VIRAGE publiée en 2015 :
- Une femme sur sept (14,5 %) déclare avoir vécu au moins une forme d’agression sexuelle au cours de sa vie.
- Quant aux viols et tentatives de viols, ils concernent 4% des femmes et moins de 1% des hommes.
Selon l’INSERM, pour la Commission dit « Sauvé » : Dans la population majeure de notre pays, 5,5 millions de femmes et d’hommes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. C’est donc 1 adulte sur 10 qui est concerné[4].
En septembre dernier, la Procureure de la République annonçait une hausse de 30 % des plaintes pour violences sexuelles par rapport à 2021 à Paris.
Je vous propose d’aborder ce sujet en incluant également:
- les mutilations sexuelles féminines : 125 000 femmes seraient aujourd’hui concernées en France ;
- les mariages forcés qui concernent chaque année plusieurs dizaines de milliers de filles et de femmes en France ;
- la prostitution, reconnue par la loi comme une violence faite aux femmes, et qui concerne – c’est une estimation – entre 30 et 50 000 personnes en France, dont au moins 10 000 mineur·es ;
- le harcèlement sexuel : 81% des femmes en France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics[5] et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a mené une étude entre 2017 et 2019 qui évalue à 52 % le pourcentage de femmes victimes de harcèlement sexuel au travail.
Les violences sexuelles sont massives en France. Elles touchent donc très majoritairement des femmes - en particulier les jeunes femmes - sont perpétrées quasi-exclusivement par des hommes, dans tous les milieux, dans toutes les sphères de la vie.
Ce caractère massif ne peut résulter des actes individuels et isolés de quelques prédateurs, même s’ils existent aussi. Il y a une culture, la culture machiste, la culture du viol qui va de l’hypersexualisation des filles au sentiment d’impunité des hommes en passant par une consommation massive de représentations culturelles qui servent la domination masculine.
Il faut agir sur cette culture de toute urgence.
Comment par exemple, rester les bras croisés lorsque l’on sait que 2/3 des enfants de moins de 15 ans et 1/3 de moins de 12 ans ont déjà eu accès à des contenus pornographiques et que 90% des scènes de l’industrie pornographique comprennent de la violence explicite ? L’étude des mots clés de recherche sur les sites à caractère pornographique indique une variété déconcertante de clichés sexistes, racistes, classistes et colonialistes, qui banalisent les violences faites aux femmes, l’inceste et la pédocriminalité.
Le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat « Porno, l’enfer du décor », a par ailleurs montré la triangulation qui existe entre pornographie, violences sexuelles et prostitution des jeunes, fléau qui s’est développé de manière exponentielle dans les 10 dernières années, et qui est devenu une priorité d’action pour les autorités publiques (Rapport Taquet, création de Comités locaux d’aide aux victimes dédié aux mineur·es).
Qu’est ce qui, dans notre culture, dans les cultures du monde entier, fait que le conjoint ou l’ex-conjoint peut considérer qu’il n’a pas besoin du consentement de sa femme ou qu’il a encore un droit sur le corps de son ex ? Pourquoi est-il si difficile d’en parler pour les victimes ? D’après l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) réalisée en 2003, à peu près la moitié des rapports sexuels forcés sont des viols dits conjugaux. Lorsque les agressions sexuelles ont lieu dans l’espace public ou au travail, 60% des femmes parviennent à en parler contre à peine 35% lorsqu’il s’agit du conjoint.
Qu’est ce qui donne au père, au frère, à l’oncle, à l’adulte, le sentiment qu’il peut accéder au corps des enfants, des filles, de la famille ; ou bien qu’il peut les engager, pour la vie, avec une personne non choisie par elle ?
Qu’est ce qui fait qu’un homme se sent légitime à héler une femme dans la rue, à la suivre, à commenter son allure, parfois à la toucher, dans les transports par exemple, à l’insulter quand elle ne répond pas à ses attentes ? Comment en arrive-t-on au développement si alarmant de la soumission chimique ?
Face à ce genre de situations et ces questions portant sur ce que nous avons de plus intime, nous, professionnel·les, parents, bénévoles, pouvons nous sentir bien désemparé·es.
Il y a un travail de déconstruction et d’éducation à la sexualité en lien avec les autres problématiques de l’égalité entre les femmes et les hommes qui reste à faire, dans une situation où malheureusement, la loi en la matière n’est pas appliquée, notamment en matière de sensibilisation en milieu scolaire.
Aussi, comme chaque année, l’OPVF organisera une journée interprofessionnelle le 23 novembre prochain. Nous reviendrons, avec des expert·es, sur l’ensemble de ces questions, en essayant toujours de sortir des constats accablants en nous centrant sur les bonnes pratiques et les outils à disposition.
Pour conclure, je voudrais vous dire que si ces constats sont accablants, tant par la diversité des violences sexuelles que par leur caractère massif et bien ancré dans la société, nous sommes dans un moment de profonde redéfinition des rapports entre les femmes et les hommes où le seuil de tolérance aux violences sexistes est sexuelles est en train de s’abaisser tendanciellement dans nos sociétés et surtout parmi les jeunes. Il y a beaucoup d’espoir dans ce moment de clair-obscur, et je suis sûre que si l’on déploie toute notre énergie nous pouvons faire progresser notre société vers des sexualités heureuses, libérées des clichés et des violences.
Je suis disponible, avec mon cabinet, avec le SEII, et je sais que de belles synergies émergent toujours de ces réunions de coordination, pour vous aider au mieux à concevoir vos évènements, trouver vos angles d’attaque et les bons acteurs, afin que nous ayons cette année encore, un 25 novembre très riche et très utile aux Parisiennes et aux Parisiens bien sûr.
Je vous remercie.
[1] chiffres Préfecture de Police dans le CLAV dédié aux VC
[2] Chiffre donné par la CAF lors du comité des partenaires de la MDF de l’APHP
[3] 431 550 euros pour cette délibération auxquels s’ajouteront 90 000€ pour les maisons des femmes de l’APHP
[4] Enquête en population générale réalisée par l’INSERM pour la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), présidée par Jean-Marc Sauvé,
[5]IPSOS 2020