Madame la Première Adjointe au Maire de Bagneux et Présidente de l’association Vacances Voyages Loisirs, chère Yasmine BOUDJENAH,
Mesdames et messieurs les élu·es,
Madame la directrice de l’action sociale de la CAF de Paris, (Mme Axelle PATRY)
Monsieur le délégué général de l’association Vacances Ouvertes, (M. Marc PILI)
Monsieur le directeur général de l’association Vacances Voyages Loisirs, (M. Emmanuel FRANTZ)
Mesdames et messieurs les salariés, bénévoles associatifs et professionnel·les de jeunesse et d’éducation populaire à Paris,
Je tiens à saluer également les intervenantes et intervenants de la table-ronde cet après-midi, ainsi que les représentant·es de l’APUR et de l’INJEP qui sont deux partenaires importants de nos politiques de jeunesse à Paris,
Et plus globalement vous toutes et tous,
Mesdames et messieurs,
Merci à vous d’être venu·es en nombre aujourd’hui à l’auditorium de l’Hôtel de Ville pour que nous puissions collectivement échanger autour du droit au vacances et de ses enjeux pour les jeunes Parisiennes et Parisiens.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais tout d’abord vous inviter à fermer les yeux – un court instant rassurez-vous – pour partir loin de Paris. Imaginez la plage, le bruit des vagues, le cri des mouettes et la brise au parfum de sel sous la chaleur du soleil. Ou bien si vous préférez, projetez-vous à la montagne, prenez la neige ou une forêt de sapin pour décor et arrêtez-vous un instant dans ce cadre tout aussi vivifiant que reposant. « Existe-t-il vacances plus profondes que de prendre congé de soi-même ? » s’interrogeait Amélie Nothomb, et d’échapper ainsi, le temps de quelques jours, aux tumultes et aux tracas du quotidien ?
Si pour beaucoup les vacances évoquent ainsi tout un tas de souvenirs, de saveurs, de rencontres et d’émotions, pour beaucoup d’autres malheureusement, elles restent de l’ordre du luxe ou de l’inaccessible.
Chaque année, le CREDOC le confirme : 40% des françaises et des français ne partent pas en vacances.
Près de 90 ans après les premiers congés payés du Front Populaire, combien de nos concitoyennes et de nos concitoyens n’ont encore jamais vu la mer ?
Plus d’un quart de siècle après la loi du 29 juillet 1998 contre les exclusions faisant de l’égal accès de toutes et de tous aux vacances un objectif national, combien de jeunes et de familles renoncent à partir faute de moyens, d’aide à l’organisation de séjours ou d’habitude et donc d’acculturation à la logique même des vacances ?
Il y a bien des études nationales qui permettent parfois d’esquisser un début de réponse – je citais à l’instant le CREDOC – mais qui font malheureusement trop souvent l’effet d’un pavé jeté dans la marre de l’indifférence de celles et ceux qui sont davantage préoccupés à penser la jeunesse au seul prisme de l’encadrement par une forme de service national, quel que soit son nom, qu’à enrayer des décennies de désengagement de l’État du secteur de l’éducation populaire au cœur des jolies colonies de vacances chantées par Pierre Perret.
A ce sombre tableau quelques lumières toutefois, celles des dispositifs et des aides portées tant bien que mal par des organismes comme la CAF malgré les budgets d’austérité qui s’enchaînent. Vous y reviendrez sans aucun doute et merci par avance à la CAF de porter fortement ces sujets – votre présence cet après-midi à nos côtés en atteste.
Et puis en miroir, il subsiste tout de même des politiques publiques et des initiatives locales, éparses mais essentielles, portées par des collectivités et des associations d’éducation populaire, pour répondre autant que possible à ce besoin de départ en vacances des jeunes, que je qualifierai sans hésiter d’enjeu de santé mentale. Des initiatives locales donc mais cette-fois-ci sans études qui permettraient pourtant de mieux appréhender les enjeux de chaque territoire.
C’est l’objet de cette étude au cœur de notre après-midi d’échanges, réalisée par Vacances Ouvertes et que nous avons cofinancée avec la CAF de Paris, pour mieux comprendre ce qui freine ou ce qui aide les jeunes Parisiennes et Parisiens à partir en vacances.
Certes, nous n’avons pas attendu cette étude pour déployer nos politiques publiques, actions ou initiatives associatives. Certes, il y a dans cette étude des conclusions auxquelles nous nous attendons parce que nous connaissons les réalités du terrain, les familles, les jeunes et leurs besoins. Le manque de moyens financiers et le coût des transports comme principaux freins au départ ne surprendront personne.
Mais il y a aussi dans cette étude des données et des constats qui, à tout le moins, auront le mérite de susciter et d’approfondir notre réflexion.
Oui par exemple, le genre a bien une influence sur le départ en vacances des jeunes. Est-ce un hasard, dans une société marquée par les violences sexistes et sexuelles, si les jeunes filles se voient moins partir seules que les jeunes garçons ? Voilà peut-être une piste de réflexion dans nos actions, initiatives de séjours et nos services publics déployés pour s’assurer que « l’égal accès de toutes et de tous aux vacances », tel que consacré par la loi, n’exclut pas involontairement la moitié du genre humain.
Dans le même registre, bien des raisons peuvent expliquer la grande décrue des colonies de vacances. Et si le facteur financier peut sembler évident à l’heure d’une précarité généralisée, bien d’autres études évoquent aussi les questions de sécurité, les craintes des parents à laisser leurs enfants et notamment leurs jeunes filles partir sans eux.
Évidemment aussi, l’origine sociale et familiale pèsent de tout leur poids sur les leviers et obstacles rencontrés par les jeunes pour partir en vacances. Mais pas seulement au niveau financier toutefois et ça c’est un constat intéressant. Selon que les jeunes sont enfants de cadres supérieurs ou d’artisans et commerçants par exemple, le « manque d’habitude » comme frein au départ ou le fait de « savoir organiser et planifier des vacances » comme levier au départ varient grandement.
Des constats qui, sans réinventer l’eau chaude, nous permettront de mieux ajuster localement nos aides, nos budgets, nos accompagnements et méthode d’aller-vers par exemple en se demandant vers qui précisément il faut aller davantage.
Enfin, cette étude a l’immense mérite de mettre en exergue une dynamique.
Il y a encore 10-15 ans, l’estimation des jeunes Parisiennes et Parisiens qui n’étaient jamais partis en vacances était de 13% des 16-30 ans, soit environ 65 000 jeunes. Elle est aujourd’hui évaluée, avec cette étude, à 5,6% de cette même tranche d’âge, soit 27 000 jeunes Parisiennes et Parisiens qui ne sont jamais partis en vacances.
Soyons clairs, c’est toujours 27 000 de trop. Surtout si l’on tient compte du fait que 135 000 autres jeunes de 16-30 ans ne partent pas tous les ans.
Mais c’est quand même sensiblement mieux qu’il y a quelques années. Et de cette amélioration, nous en sommes collectivement et fièrement responsables.
Merci à la CAF de Paris, à l’ANCV, aux associations, aux gestionnaires des Espaces Paris Jeunes et Centres Paris Anim’ qui propose des aides, de l’information et des séjours.
Merci à la sous-direction jeunesse de la Direction jeunesse et sports de la Ville de Paris car, au-delà d’avoir organisé cet après-midi d’échange, ils et elles savent que cet enjeu est crucial et que nous en avons fait LA priorité des politiques publiques de jeunesse à Paris.
En l’espace de 4 ans, dans le contexte budgétaire que nous connaissons avec une pression inédite que l’Etat fait peser sur les collectivités territoriales, nous avons malgré tout et grosso modo doublé le budget de la délégation jeunesse à Paris consacré aux vacances des jeunes de 16 à 30 ans, de 150 000 € environ avant 2020 à 320 000 € en 2024, dispositifs et subventions associatives confondus, mais sans compter évidemment les initiatives portées par les associations gestionnaires des équipements jeunesse de la Ville de Paris.
Je n’inclus pas non plus les budgets de la Ville de Paris consacrés aux dispositifs pour les plus jeunes, les moins de 16 ans, mais ils vous seront tout à l’heure aussi présentés car il est important de rappeler tous les outils à votre disposition, que vous pouvez saisir ou vers lesquels vous pouvez orienter les jeunes et les familles, afin de rendre plus effectif ce droit aux vacances.
En la matière, je voudrais conclure en évoquant deux dispositifs – l’un créé l’an dernier et l’autre qui verra le jour cette année – pour souligner cette dynamique dans laquelle nous sommes engagé·es.
L’an dernier d’abord, dans la lignée de l’adhésion en 2022 de la Ville de Paris au réseau « Vacances Voyages Loisirs », nous avons créé « Paris Jeunes Vacances Collectives et Encadrées » doté d’un budget de 60 000€. Des mini-séjours, tous frais payés, pour des groupes d’une vingtaine de jeunes jamais partis en vacances.
Et quel plaisir d’avoir pu faire partir l’an dernier à la Trinité-sur-Mer, à Lyon ou à Bruxelles, près de 100 jeunes qui n’étaient jamais partis !
C’est évidemment une dynamique que nous allons poursuivre cette année et donc merci par avance aux associations de jeunesse que vous êtes car c’est bien vous qui pouvez postuler à ce dispositif pour faire partir et encadrer des groupes de jeunes que vous suivez. N’hésitez pas à le faire pour les prochains séjours de l’été 2025 à venir !
Enfin en miroir, je vous annonce que nous créons cette année le nouveau dispositif « BAFA Populaire ». Je dis « en miroir » car s’il ne s’agit pas d’un dispositif facilitant le départ en vacances à proprement parler, il s’agit de répondre à un autre enjeu très identifié par les professionnel·les du secteur : le manque d’animateurs et d’animatrices de séjours. Sans elles et eux, les perspectives de développer quantitativement les séjours sont réduites.
Dès cette année, avec ce nouveau dispositif du « BAFA Populaire », nous financerons intégralement la formation BAFA d’une quarantaine de jeunes de quartiers prioritaires de la Ville en leur permettant d’effectuer non seulement leur stage pratique au sein de la Ville de Paris, mais surtout d’y être recruté·es à l’issue de leur formation, c’est-à-dire dès la fin de l’année, afin de pouvoir animer des séjours. C’est un pas vers une première expérience professionnelle pour ces jeunes mais aussi une opportunité unique de les acculturer aux vacances, ce qui est un enjeu pointé par l’étude de Vacances Ouvertes.
Vous l’aurez compris, nous entendons donc renforcer nos politiques publiques en la matière, au côté du secteur de l’éducation populaire, pour permettre à ces dizaines de milliers de jeunes Parisiennes et Parisiens jamais partis en vacances ou trop rarement de pouvoir enfin le faire.
De pouvoir, non pas fermer les yeux pour imaginer la mer, mais de les ouvrir en grand pour profiter des vagues, des mouettes et de ce parfum salin qui ont le goût de la vie et du bonheur.
Je vous remercie.