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Billet de blog 4 décembre 2019

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Le peuple contre le populisme

Le 17 novembre à Prague plus de 150 000 personnes manifestaient contre le Premier Ministre et pour le respect de la loi qui s'impose à tous, Premier Ministre compris. Il devait s'y soumettre ou se démettre. C'est insuffisant. Mais à l'heure de la montée des populismes, c'est déjà ça.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 17 novembre 2019, à Prague, quelque 250 000 à 280 000 personnes[1] venues de tout le pays se sont rassemblées pour manifester contre le Premier Ministre, Andrej Babis, accusé de conflit d’intérêt pour n’avoir pas coupé ses liens avec les entreprises qu’il possède et qui ont, sous son mandat, bénéficié de millions d’Euros[2] de subventions européennes. 

 Cette date n’avait pas été choisie au hasard. C’était le 30ème anniversaire de la Révolution de Velours de 1989 dont les organisateurs de la manifestation - deux étudiants en philosophie et théologie – et le mouvement qu’il avaient créé, Un million d’instants pour la démocratie, veulent porter les valeurs.

 En dehors du pays, l’évènement a peu intéressé. La presse y a essentiellement vu une variante locale du « dégagisme » global tellement mieux représenté en France les Gilets Jaunes. Il faut dire que ceux-ci manifestaient le même jour. Bien qu’ils aient réuni 10 fois moins de participants que les Tchèques - 28 000 personnes - les débordements et désordres qui ont accompagné leur mouvement lui ont valu une couverture médiatique à laquelle, en l’absence de black blocks et autres casseurs dans leurs rangs, les instants pour la démocratie ne pouvaient prétendre.

Concordance de dates aidant, Gilet jaunes et instants pour la démocratie, ont ainsi été vaguement perçus comme menant un même combat. Il est permis d'en douter.

 Nous ne contestons pas le résultat des élections avaient déclaré d’entrée de jeu les animateurs des instants pour la démocratie. Imagine-t-on un Gilet jaune affirmer chose pareille sans se faire aussitôt lyncher sur les réseaux sociaux par ses petits camarades ?

C’est pourtant la position assumée des manifestants praguois. Cohérents avec eux-mêmes, ils ne demandent donc pas que le Premier Ministre    « dégage » mais qu’il se soumette à la loi. Nuance. Leur message peut se résumer ainsi :

  • Nous ne voulons pas que ceux que nous portons au pouvoir le détournent au profit de leurs intérêts privés
  • Nous demandons donc à M. Babis de choisir :
    • Ou bien il met fin au conflit d’intérêts qui est le sien, vend ses entreprises et reste Premier Ministre
    • Ou bien il met fin à ses fonctions de Premier Ministre et démissionne

Une manifestation, aussi imposante soit-elle, ne suffira pas. Comme l’écrit le politologue Jiri Pehe, pour contraindre Babis à la démission, c’est toutes les semaines, voir tous les jours, qu’il faudrait descendre dans la rue. La société civile y est-elle prête ? Ce n’est pas sûr. Mais cette manifestation a du moins établi une chose: face à des dirigeants dont le fonds de commerce électoral est de dire qu'ils protègent leur peuple contre les invasions étrangères que l'Europe voudrait lui imposer pendant qu’eux-mêmes détournent les subventions européennes pour faire prospérer leurs propres commerces, il y avait un peuple conscient des enjeux et désireux de défendre, tout en les respectant lui-même, les valeurs de la démocratie libérale et l’état de droit.

 Ça ne suffira pas, mais à l’heure de la montée des populismes, c’est déjà ça.

[1] La République tchèque comptant 10 millions d’habitants, c’est un million et demi à l’échelle de la France.

[2] La Commission européenne demande le remboursement de plus de 17 millions

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