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Deux parties s’offrent aux spectateurs, à tous les passants, à tous les curieux, à tous les flâneurs. D’abord, les tirages couleurs, saisissants et colorés s’érigent sur le port : ce sont les photos les plus connues, internationalement, prises par le photojournaliste durant ces cinquante dernières années – du Moyen Orient à l’Asie, de l’Afrique aux Balkans. Elles ne peuvent qu’attirer l’œil, vous surprendre, vous suspendre.
Et puis, on entre à l’intérieur du Kiosque, un espace plus obscur, intimiste, construit par Rachel Deghati –muse, épouse, compagne de route de l’Artiste-Photographe – et le regard complice de Pierre Bongiovanni, directeur artistique de cette exposition. Des photos jusqu’à présent restées archives personnelles et donc inédites sont dévoilées, elles montrent une autre facette du photographe : celle de son intimité. Cet espace porte le nom de l’exposition en même temps que l’éthique de Reza: pour lui, la photographie permet avant tout de saisir « l’épaisseur du silence ».
Le personnel du Kiosque est très disponible, disposé à parler de l’exposition et l’on apprend alors que la majorité des photos, malgré leur apparence très construite – lignes architecturales, épurées, directes pour l’oeil du fait de la formation initiale de l’artiste– ne sont que très rarement mises en scène. Pour Reza, la photographie demande en premier lieu d’apprivoiser son sujet et de passer du temps avec lui. C’est sans doute de cette manière qu’il parvient à capter l’authentique et, par exemple, on ne peut qu’être fasciné par le portrait du commandant Massoud pris dans la vallée du Panshir au printemps 85 : incroyable expression rendue éternelle.
Chez Reza, la photographie est un engagement concret et un dévoilement – elle est toujours liée à une intention sociale : il s’agit d’exprimer la voix des rescapés à travers l’image, de susciter l’empathie à travers elle et même d’inciter les êtres à se rassembler, à coopérer. Le « Portrait d’enfants perdus » montre cela – la légende, résumée, de cette photo, indique : « après le génocide du Rwanda, 27 000 enfants se sont retrouvés seuls, séparés des leurs. […] Parallèlement à mon reportage, j’ai commencé à former des réfugiés à la photographie afin qu’ils fassent le portrait des enfants grâce à un studio de fortune acheminé d’un camp à l’autre. […] Ce projet a permis à plus de trois mille familles de se retrouver ».
Si les images nous emportent, il ne faut pas oublier de rendre hommage aux légendes, écrites par Rachel Delghati d’après les mots de Reza. Ce ne sont pas des textes qui accompagnent : elles augmentent, elles enrichissent le travail du photographe, et permettent au spectateur de mieux comprendre, de pénétrer l’ensemble de cette œuvre magistrale.
A la sortie de l’exposition, je me dirige vers un autre lieu précieux en cette ville maritime, la librairie « Le Silence de la mer »… J’y trouve le petit livre de Yannick Haenel intitulé Le Désir comme aventure et ces mots en écho à l’expérience qu’il nous est permis de vivre sur le port de Vannes : « l’étincelle qui s’allume entre une œuvre et vous répond à un désir que vous ne connaissez pas encore. Elle invente ce désir : elle vous le prodigue. Ce désir en plus, ce plus beau désir qu’une œuvre d’art fait naître en vous, c’est le feu de l’existence »…
Si vous désirez sentir l’exaltation, le frisson, l’étincelle décrite par Haenel, il ne vous reste qu’à programmer une escapade à Vannes !
Rendez-vous le 20 septembre 2023 à 19h au Palais des Arts pour une conférence et débat avec Reza. Inscription auprès du Kiosque.
Le Kiosque est un espace d’exposition dédié à la photographie ouvert tous les jours. L’entrée est gratuite. (Esplanade Simone Veil)

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