De la naissance à 44 années – l'âge actuel de Fanny Chériaux, auteure, compositrice, metteure en scène, fondatrice de la compagnie La Volige (en duo avec Nicolas Bonneau) – voilà la traversée que propose cette création. Elle prend la forme d'une fresque multidisciplinaire où le travail du corps, de la voix, des créations musicales font de cette pièce un travail de dentelle.
Ils sont trois au plateau : Fanny Chériaux est donc le personnage principal et elle est accompagnée par deux danseurs (Thomas Couppey et Sébastien Dalloni) qui ne s'ajoutent pas à elle mais complètent avec brio l'ensemble et donnent à ce travail un supplément d'âme –sont-ils la part des anges? C'est ainsi que je les ai perçus...
Sur scène, un piano et, au premier plan, un tapis d'inspiration Roy Lichtenstein donne du cachet à l'ensemble : il fait écho de manière évidemment pop et flatteuse aux parties du corps féminin. Car c'est bien le sujet de la pièce : comment faire avec son corps ? Comment devenir plus doux avec lui et enfin le respecter, dans un monde aux injonctions intenables ? Face à cette problématique au ton grave, face à laquelle plus d'un tomberait dans le déjà vu, la caricature ou le réchauffé, beaucoup de fraîcheur, d'audace et de créativité. Les chansons composées pour le spectacle sont cocasses, les parodies joyeuses, les répliques jamais lourdes, les archives musicales précisément choisies : la salle rit énormément. Métaphoriquement, la pièce est dense, en témoigne son titre... Quel est le lien avec Venise, me disais-je en début de représentation... On réfléchit en fait aux manières d'apporter plus de respect à nos corps, véhicules, chaque jour de notre existence, et il s'agit ainsi de retrouver une sorte de pureté, celle du ciel de Venise pendant le confinement, celle où les dauphins sont enfin revenus dans la lagune... – sans doute l'apprentissage de toute une vie.
Hélène Courtel
Venise, récit chanté d'un corps. Du 2 au 21 juillet 2024, Théâtre 11 à Avignon, 17h10.