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Billet de blog 7 mars 2025

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Le grand sacrifice

C'est un avant goût de printemps..... et de mort...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Printemps ? Le fond de l'air est vibrant, j'enfile mes grosses chaussures, enfonce mon bonnet sur la tête pour contrer le vent si vif et pars en rando.... la nature frémit, mon âme aussi... mais je ne vais pas tarder à déchanter. Cela fait quelques années que je n'arrive plus à me ressourcer, tant je vois la nature en souffrance par mille et un petits signes.

La nature bugue, ça clignote au rouge de partout.... non ça clignote vert-brun...

Cette année, c'est pire que tout....

Ce printemps, après un hiver pas si mal (pas de sécheresse hivernale, un peu de gelées, pas trop de neige.... ), un mini répit... ben non : la forêt va mal, très très mal !

Soit ce sont des forêts de lierres : que des grands troncs aux branches émaciées garnis d'un épais manchon de vert, tel des poteaux d'un macabre cimetière en devenir. Forêts transparentes, faite de vide bouché par ces colonnes vertes étouffantes. Certains vont me dirent que le lierre vit en symbiose avec les arbres. Ben, non, quand on observe finement et à l'échelle de mes 58 ans, je constate, que sur une rangée d'arbres, le lierre ne grimpe pas sur tous les arbres, seulement les plus faibles, les plus malades... donc le lierre est un signe annonciateur de la mort de l'arbre qui survient dans... les 10 ans qui suivent. Quand cela intervient sur un arbre sur 30, cela contribue au renouvellement de la forêt, ce qui était le cas autrefois. Quand cela concerne toute la forêt, tous les arbres adultes à 100%, ben c'est un cimetière d'arbre qui est en gestation... et c'est pas normal.

Soit ce sont de gigantesques chantiers chaotiques de forêts mikados, tant les arbres s'effondrent, s'écroulent, les uns sur les autres. Sur mon chemin en bordure d'un ruisseau bien alimenté, donc pas une zone en sécheresse totale, nous sommes en Auvergne à 650m d'altitude, une zone appelée montagne à vache.... normalement fraiche et verdoyante... un gros tronc d'arbre barre le chemin tous les 50m, un saut de haie olympique parsemés de trous de "bombe", chaque chute d'arbre basculant le système racinaire à 90°. Et c'est ainsi à 360°.  Certains arbres sont suspendus dans le vide retenus par leurs compagnons encore valides, ils oscillent au vent tel des pantins désarticulées, grinçants de façon sinistre. La forêt raisonne de craquements inquiétants comme un tocsin. Ceci n'est pas normal. Je ne suis pas Francis Hallé, mais ceci n'est pas normal. Nous avons "maté" la nature l'asservissant sans limite? Ce champ de bataille est le résultat de notre lutte jusqu'à ce que mort s'ensuive? La guerre mondiale contre la nature?

Affolant. Terrifiant, mes cellules archaïques hurlent d'effroi, mon ADN panique, mon sang se fige.

Alors certes, boostées par la lumière, les ronces prennent le relais en dessous, amplifiant le chaos; milles semis d'arbres divers affleurent ici et là. Le vivant lutte, lutte pour sa survie. Comme la Belle au bois dormant, la forêt se ferme m'en interdisant l'accès, moi le parasite? Ben, non, on passe outre... avec des bulldozers, des épareuses violant la terre à qui mieux mieux! Elle dit non? On va la mater cette salope de terre : on va aller chercher sa semence jusqu'au fond de ses entrailles, en les déchirant s'il le faut, la saturant de NPK pour qu'elle crache encore son sang jusqu'à la dernière goutte. Rien ne nous résiste! 

Comment peut-être serein face à un tel désastre? Les arbres sont la clé de voute de la viabilité terrestre, si ils meurent, nous mourrons derrière. Je suis formée en syntropie, cette géniale technique régénératrice, je sais que sans la faune, le végétal végète. Mais sans le végétal, la faune meurt... pour que le végétal rebondisse libéré de sa surexploitation parasitaire.

Nous ne comprenons pas comment l'eau monte dans les arbres défiant notre physique, y compris quantique. Nous ne comprenons pas comment le sang fait le tour des 100000km de capillaires de notre système sanguin en 60 secondes; même nos prix Nobel de médecine ne savent expliquer ce mystère. Nous ne sommes pas intelligents, nous faisons partie d'un système intelligent qui nous dépasse. C'est valable pour notre corps : un miracle ambulant, comme l'écosystème, un autre miracle autogéré qui nous inclut. Les deux vivent avec une homéostasie qui fut parfaite à date, avant que nous saccagions tout, tel des enfants gâtés.

Est-ce que les arbres voient la disparition de leurs amis les insectes? Ils entendent ce silence de mort, eux qui ont l'habitude de frémir au sein d'une vrombissement incessant et rassurant? Est-ce que les arbres voient la disparition des oiseaux? Plus de chant, plus de nid, plus de semeurs de graines du nord au sud, garantissant la dissémination des graines nord-sud garant d'une biodiversité active? Plus de répartiteurs de phosphate des mers aux terres les plus reculées? Le printemps silencieux de Rachel Carlson est-il là... partout?

Les arbres ont-t-il compris que l'heure du grand sacrifice est venue et que seuls les humains hypnotisés sur leurs écrans virtuels, fascinés par la beauté d'une nature qui n'existe plus que sur leurs écrans, sont incapables de voir?

Grand sacrifice pour redonner tout leur carbone, toute leur azote au sol et compenser celui qui sature le ciel le rendant irrespirable, nourrir le sol pour que la terre, la pacha mama reparte en gestation bouillonnante et refabrique un nouvel écosystème stable dans... 10000 ans... différent, autre, sans les humains qui ne méritent pas ce paradis que fut cette période et qui se meurt sous nos yeux.

Est-ce la leçon que nous donnent les arbres, nos maîtres dans le temps et l'espace?

L'urgence est-elle de se faire la guerre pour griller encore plus de carbone, encore plus vite... pour avoir raison contre l'humain d'en face, mon ennemi et pourtant mon frère ? L'urgence est-elle l'IA pour compiler, bigdater, statistifier ce que l'on peut voir de nos yeux et reproduire, épatés, virtuellement ces arbres qui disparaissent sous nos vrais yeux ? L'urgence est-elle de déployer la 5G pour pouvoir regarder des films pornos dans les ascenseurs et ne pas être interrompu dans notre quête hypnotique nihiliste? L'urgence est elle d’espérer rejoindre Mars, comme on change de joujou, quand on a cassé le premier? Mars : ce caillou désespérément désert.

Ou l'urgence est-elle de nous arrêter et de prendre soin du seul écosystème qui nous permette de vivre, de toute urgence avant qu'il ne soit trop tard? Nous sommes des milliards, dont quelques milliards de chômeurs qui n'ont que ça à faire : prendre soin du vivant et sauver nos âmes.

Auprès de mon arbre, je vivais heureux.... auprès de mon arbre, je vécus heureux.

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