Enfant d'écolo, mes premières prises de conscience écologiques datent de mes 16 ans. J'en ai 56... 40 ans au cours desquels j'ai évolué, renforçant pas à pas mes gestes et postures dans le sens du renfort des éco-gestes, de la diminution de mon impact carbone... Certes, je suis encore à 7 tonnes de carbone! J'ai démarré à trois planètes et demi, il y a dix ans, que j'ai diminué de moitié. Je ne voyage plus, je jardine de plus en plus dans ma petite oasis personnelle que je protège des sécheresses comme je le peux ; chaque année étant plus périlleuse que la précédente. Avant la nature m'apaisait ; là elle me stresse aussi, je vois trop sa souffrance s’aggravant chaque année.
Jusqu'alors, j'arrivais à gérer mon éco-anxiété en agissant et en militant le plus que je pouvais avec mon emploi du temps de mère de famille active. AMAP, alimentation bio, coquelicots, pisseurs de glyphosate, jardinage, gestion de l'eau, toilette sèche.... agissant pour sauver l'avenir de mes enfants. Enfants auxquels, dès 1997, j'ai hésité à donner vie ayant déjà trop d'informations négatives. J'ai refusé d'être aussi pessimiste, nous nous n'allions pas choisir l'écocide collectif. Oscillant entre espoir et déception : Grenelle de l'environnement ? Flop crise de 2008, convention citoyenne ? pschit, balayée d'un revers de main... Circulez rien à voir, business as usual.... entre la vie et la mort, on a choisit la mort dans un formidable mensonge d'agitation technoïde aigue.... Pourtant, nous gardions espoir qu'à force de drame météo, de rapports, de faits, de ravages, ceux qui sont dans le déni comprendraient enfin.... La cristallisation bottom up semblait se faire avec la fresque du climat, l'affaire du siècle.... Les journalistes, les rapporteurs du GIECC aussi sont touchés par l'écolo-dépression.
Non là, je suis atterrée, sans voix, sans voie, estomaquée, sidérée... par les choix gouvernementaux face à un mouvement grandissant, majoritairement pacifique et démocratique.
D'habitude, les quelques dégradations donnent lieu à des poursuites judiciaires permettant la poursuite du débat démocratique. Avec au fil de l'eau, une évolution des juges qui constatent la mise en danger des humains par la pollution, la dégradation de l'écosystème... la mort en ligne de mire.
Ce gouvernement condamné pour inaction climatique, plutôt que de faire un mea culpa et se mettre enfin à agir radicalement sur ce sujet, qui est juste un enjeu de vie ou de mort, et de fédérer la société autour de cet enjeu commun si puissant. Non, il nous impose la perspective mortifère d'une adaptation à 4° ; soit le climat du Maroc, qui dépend de nous pour son autosuffisance alimentaire, qui nourrira le Maroc demain et qui nous nourrira nous? Non, il contre-attaque et nous se retourne contre nous, clivant encore plus violemment cette société qui se délite, nous, peuple doublement victime. Victime de son inaction climatique, doublé du délitement des institutions et victime de son agression étatique contre l'expression d'un peuple qui veut juste un avenir viable écologiquement et socialement.
Donc ce gouvernement nous assimile à des terroristes? Fort de cet alibi, nous attaque, nous harcèle, nous musèle, veut nous réduire au silence, à la soumission passive et sacrificielle face à un avenir qui se noircit chaque jour un peu plus. "How dare you !" dit la jeune fille. "Vous nous volez notre futur!" répond du passé l'autre jeune fille, Severn Susuzi face à l'inaction de l'ONU.
Comment croire qu'ainsi, ils vont apporter de l'apaisement?
Comment croire qu'ils vont canaliser l'inquiétude de cette jeunesse, qui comprend que le climat est un enjeu de survie?
Comment croire que cela va avoir une issue positive, constructive?
Comment se tromper à ce point!
De l'espoir d'une transition réelle pour sauver l'avenir de nos enfants, je bascule dans le désespoir face à une société qui n'a que déni, inaction, procrastination et violence à me proposer et je comprendrais trop bien que cela enrage notre jeunesse qui, elle, a bien compris l'enjeu.
Le réel lui saute à la figure.
Sur le plan individuel, mon éco-anxiété se double donc d'une angoisse sociétale face à la poussée de l'extrême-droite et la radicalisation d'un Etat que je croyais démocratique et respectueux des aspirations du peuple.
A l'impasse environnementale, on répond par une impasse sociétale.