Je relaie ici une tribune de l'ingénieur Laurent Castaignède sur Reporterre : Changer de voiture ? Et si l’on changeait plutôt le moteur...
L'auteur invite les constructeurs automobiles et les responsables politiques à développer une filière de renouvellement des moteurs du parc automobile actuel. L'objectif est d'éviter la fabrication de véhicules neufs à la fois pour permettre au population les moins aisées de se soumettre aux nouvelles réglementations à moindre coût, et dans un souci écologique d'économie des ressources, de réduction la pollution engendrée par leur fabrication :
"Dans les cas fréquents où le châssis de leur véhicule, certes un peu ancien, est encore en très bon état, pourquoi ne pas utiliser cette significative subvention [prime à la conversion] pour simplement changer leur moteur et la ligne d’échappement associée par des versions plus sobres et bien moins polluantes ?"
Cette pratique n'aurait rien d'extraordinaire puis l'auteur note qu'"une telle évolutivité est courante dans les domaines maritime et ferroviaire". Pourquoi une telle divergence ? Sans doute provient-elle du rapport de force client/fournisseur; les clients de ces secteurs sont quasi exclusivement des grandes entreprises, elles ont donc plus de poids pour infléchir les fabricants et ce sont des marchés où le marketing a probablement moins de prise, en tout cas un poids relatif moindre vis à vis du coût d'usage global.
Laurent Castaignède nous rappelle que l'obsolescence programmée remonte aux origines de la fabrication en masse de ce objet de consommation iconique du XXème siècle :
"Vise-t-il le concept de « voiture jetable » tel que le courtier immobilier new-yorkais Bernard London l’avait imaginé pour sortir du marasme provoqué par la crise de 1929, en proposant d’instituer des durées officielles de péremption de tous les produits, de cinq ans dans le cas des automobiles, seule mesure permettant, selon lui, de restaurer un haut niveau de production et de consommation ?"
Si ce sont rarement des réglementations aussi franches qui nous forcent au renouvellements de nos objets du quotidien, de nombreux mécanismes ont été inventé sdepuis pour nous y contraindre (fragilités calculées, non évolutivité et problèmes de compatibilité, effet de mode et marketing, etc...).
Qu'il s'agisse de relancer l'économie, d'améliorer la qualité de l'air ou de réduire les émissions de CO2, les gouvernements français successifs ont toujours le "réflexe" de favoriser le renouvellement du parc automobile : balladurettes, jupettes, plan climat de l'ex-ministre de l'environnement Nicolas Hulot, jusqu'à la prime à la conversion d'Edouard Philippe pour apaiser la colère des gilets jaunes.
Cette démonstration nous rappelle à quel point notre système de consommation est à bout de souffle. Alors que ses externalités ont des répercussions sociales et surtout écologiques désastreuses, beaucoup pensent que nous devrions encore produire davantage pour favoriser une croissance nous permettant de pallier à ces fléaux. Il est grand temps de faire un pas de côté, de redonner du sens à ce que nous fabriquons, à ce que nous possédons, de nous réapproprier nos outils du quotidien et exiger des objets durables, réutilisables, réparables, évolutions, en un mot "conviviaux" au sens qu'Ivan Illich donnait à ce mot.