L’assassinat du syndicaliste Shahrokh Zamani en prison a semé l’émoi en Iran et dans le monde. Amnesty International a dénoncé le meurtre et plusieurs syndicats de travailleurs en Iran et à l’étranger ont appelé à une investigation internationale sur le sort des prisonniers politiques et militants syndicaux en Iran.
Shahrokh Zamani a été membre du « Comité pour la création de syndicats indépendants en Iran » et membre du syndicat des ouvriers de bâtiment et de peinture.
Hechmatollah Tabarzadi, activiste politique basé à Téhéran, qui a été dans le passé compagnon de cellule de Shahrokh Zamani a déclaré dans une interview à Radio Farda : « Shahrokh Zamani se portait bien. Dans la prison, il faisait régulièrement des exercices physiques et il n’avait aucun problème particulier de santé. »
Le comité de soutien de Shahrokh Zamani considère que le régime iranien est le seul responsable de la mort de ce syndicaliste. Ce comité a demandé que le corps de Shahrokh Zamani soit autopsié par les médecins légistes, en présence des représentants des organismes syndicaux internationaux. Le « Comité pour la création de syndicats indépendants en Iran » a pour sa part demandé qu’une équipe d’enquête, constituée de médecins indépendants, détermine la vraie raison du décès soudain, mystérieux et inattendu de Shahrokh Zamani durant sa détention.
L’Union internationale pour la solidarité avec les ouvriers en Iran a déclaré que la responsabilité de la mort en prison de Shahrokh Zamani incombe entièrement au régime de la République islamique et a réclamé des investigations internationales par une équipe médicale indépendante pour déterminer la cause du décès de ce prisonnier politique. Le syndicat des salariés de la Régie de transport urbain à Téhéran a stigmatisé les conditions de vie indécentes dans les prisons en Iran et a ajouté : « La responsabilité de la mort de Shahrokh Zamani incombe aux autorités carcérales. »
Mehdi Kouhestani-Nejad, conseiller auprès de la Confédération internationale de syndicats de travailleurs et membre duCongrès du Travail du Canada a déclaré dans une interview avec Radio Farda : « La Confédération internationale de syndicats de travailleurs demande une enquête sur les circonstances de la mort de Shahrokh Zamani pour déterminer la cause de son décès. »
Mme Bahareh Davis, responsable du bureau d’Iran à Amnesty International, a déclaré dans une interview que ces dernières années, plusieurs prisonniers politiques ont décédé dans la prison de Radjaï-Chahr à Karaj. « Amnesty International demande aux autorités iraniennes d’effectuer des investigations complètes, transparentes, indépendantes et neutres sur les conditions et les raisons du décès de Shahrokh Zamani (...) La mort de Shahrokh Zamani dans la prison est un exemple qui illustre les injustices existantes dans le système judiciaires en Iran. Dans ce système, des personnes arrêtées en raison de leurs activités pacifiques sont condamnées à de lourdes peines et sont incarcérées dans des prisons où les conditions de détention sont très mauvaises (...) Le décès d’un détenu n’est pas un phénomène rare et pourrait être une mort naturel, mais une mort en prison peut également avoir d’autres causes, notamment la torture, les mauvais traitements, les mauvaises conditions de détention et la privation de soins médicaux. »
Dans une lettre datée de 2012, adressée à tous les organismes syndicaux et à toutes les instances de défense des droits de l’Homme, Shahrokh Zamani avait parlé des tortures physiques et psychologiques qu’il a subit dans la prison et lors des interrogatoires: « J’ai été arrêté illégalement par les agents du ministère des renseignements, sans mandat d’arrêt et sans savoir ce que l’on me reprochait. Dans la prison, j’ai été torturé et menacé de mort. Pour protester contre ces mauvais traitements, j’ai fait une grève de la faim pendant 40 jours. »
Accusé d’avoir voulu créer un syndicat indépendant, il a été condamné par un tribunal du régime des mollahs à 11 ans de prison.
Shahrokh Zamani avait demandé à tous les organes de défense des droits de l’Homme dans le monde, notamment au Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Iran et au président du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, d’entreprendre des actions pour mettre fin aux violations des droits civils en Iran et pour que toutes les personnes arrêtées en raison de leurs engagements en faveur des droits civils, sociaux et syndicaux soit libérées. Dans sa lettre, Shahrokh Zamani avait souligné que s’il meurt en prison, le régime iranien sera le seul responsable de sa mort.
Lettre à sa fille
Dans une lettre émouvante et plein d'enseignement à sa fille, en septembre en 2014, à la veille du mariage de celle-ci, Shahrokh Zamani avait écrit depuis sa cellule: « Ma chère fille, nous vivons dans un pays où une poignée de sangsues exploitent plusieurs millions d’hommes et de femmes et s’approprient toutes les richesses du pays. A cause des exactions de ces voleurs, l’Iran qui est a le potentiel d’être un des pays les plus riches dans le monde est devenu un pays où 80% des gens vivent sous le seuil de pauvreté, un pays où il y a plusieurs millions de chômeurs et où des enfants sont obligés de travailler et de vivre dans la rue, un pays où l’inflation, la prostitution, le manque de logement, les divorces, la toxicomanie et la dépression font des ravages.
Dans de telles circonstances, comment pourrais-je penser exclusivement à ma famille et rester indifférent vis-à-vis des conditions de vie de mes compatriotes enchaînés ? Comment pourrais-je rester indifférent vis-à-vis des conditions de vie de plusieurs centaines d’enfants qui travaillent et dorment dans la rue et plusieurs dizaines de filles affamées et sans abris ?
Quelque six cents privilégiés ont emprunté aux banques publiques un quart des liquidités du pays, soit 150 mille milliards de tomans [environ 44 milliards d’euros] et ils n’ont pas l’intention de rendre ces sommes. D’un autre côté, on voit un million deux cent mille jeunes attendre dans des queues devant des banques pour obtenir des emprunts à la hauteur de 5 million de tomans [moins de 1500 euros].
Comment peut-on rester indifférent vis-à-vis des arrestations, des exécutions et tortures infligées à plusieurs milliers de combattants pour la liberté qui luttent pour obtenir leurs droits légaux et légitimes ?
Ne soit pas triste du fait que je ne peux pas participer à ton mariage. Le régime ne laisse même pas les prisonniers participer aux funérailles de leurs parents, leur conjoint ou leur enfant. Dans une telle société, on ne peut garder sa dignité humaine que si on se sacrifie pour les autres, en s’inspire de cette devise des révolutionnaires français : un pour tous, tous pour un. C’est dans cette lutte que l’amour véritable envers son conjoint ou son enfant prend sens.
Ma fille, je souhaite beaucoup de bonheur pour toi et pour ton mari. J’espère que dans votre vie commune, vous serez de bons époux, l’un pour l’autre, et que vous serez des gens dévoués pour votre pays. »