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Billet de blog 17 septembre 2015

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Un tribunal international sur le « massacre des prisons » en 1988 en Iran ?

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À l'époque du « purge des prisons » en 1988 en Iran, Mostafa Pourmohamadi était membre du « comité de la mort » qui décidait du sort des prisonniers politiques. Il dirige actuellement le ministère de la justice du gouvernement Rohani et a dû répondre cette semaine à des questions sur son rôle dans ces événements tragiques. Esquivant d’apporter une réponse transparente, il s’est contenté de dire : « On ne peut pas séparer la question de la guerre (Iran-Irak, 1980-1988) et ces événements. Pour expliquer davantage à ce sujet il faut plus de temps ».

 Selon les estimations les plus prudentes, quelque 30 000 prisonniers politiques ont été rejugés par les tribunaux expéditifs du « Comité de la mort ». Certains âgés d’à peine 15 ou 16 ans, n’avaient plus que quelques semaines de détention à purger avant d’être élargis, lorsque Khomeiny publia sa fatwa. Le fondateur du régime intégriste avait décidé de purger les prisons iraniennes de toute forme de résistance. Les membres et sympathisants de l'Organisation des Moudjahidine du Peuple d'Iran (OMPI) furent les principales victimes de ce massacre de masse, mais aussi les membres des autres organisations politiques restées attachées à leurs convictions n'ont pas été épargnés.

 À l'occasion du 27e anniversaire du « massacre des prisons » en Iran, les familles des victimes ont cherché à se réunir le mois dernier au cimetière Khavaran pour célébrer la mémoire des proches qui gisent dans des fosses communes. Mais les agents de renseignements ont empêché comme à l'habitude l'accès des familles en les menaçant d'arrestation. Les autorités iraniennes sont hantées à l’idée que la mobilisation des familles pourrait braquer la lumière sur cet épisode obscur de l’histoire contemporaine de l’Iran.

 Le tabou du crime contre l’humanité

Le « massacre des prisons » fait partie des sujets tabous pour le régime et toute transgression provoque une réaction furieuse de la part des autorités dont certains ont été directement ou indirectement impliquées dans ce « crime contre l’humanité ». Ils cherchent à noyer dans l'oubli ce crime et empêcher qu’un tribunal international  se saisisse pour identifier et punir les responsables, dont la plupart sont toujours à des postes-clés du pouvoir iranien.

Dans un rapport publié le 19 août 2008, Amnesty International  a exigé que  «  les responsables du massacre des prisons doivent être tenus de rendre des comptes. Il ne devrait pas y avoir d'impunité pour des violations des droits humains aussi manifestes, quelle que soit la période à laquelle elles ont été commises (…) Le droit international relatif aux droits humains requiert  qu'une enquête soit menée de manière exhaustive et impartiale sur les violations du droit à la vie telles que celles qui ont été commises lors du ‘massacre des prisons’, qui a débuté en 1988 et s'est poursuivi pendant l'année qui a suivi (…) Les responsables de ces homicides qui constituent une des pires violations des droits humains commises en Iran doivent être poursuivis en justice et jugés par un tribunal légalement constitué offrant toutes les garanties d'une procédure régulière, conformément à ce que prévoient les normes internationales d'équité des procès. »

 Khavaran doit être inspectée

Pour qu'une enquête internationale puisse être menée, les fosses communes de Khavaran doivent être inspectées. Khavaran est le plus tristement célèbre cimetière politique d’Iran. Peut-être ne connaîtrons-nous jamais le nombre exact et les autorités iraniennes ont cherché à effacer les traces des fosses de Khavaran en les rasant au bulldozer.


Les soi-disant réformateurs comme Mohammad Khatami, Hossein Moussavi ou Hassan Rohani sont resté silencieux et n’ont jamais admis l’existence des massacres, sans parler de conduire les responsables en justice. Cependant certains en Iran ont accepté de prendre la parole. Ainsi l’Ayatollah Ali Montazeri, qui fut le dauphin de Khomeiny, a été écarté du pouvoir pour s’être opposé à la sanglante fatwa. Dans ses mémoires Montazeri a reproduit le texte de la fatwa délivrée par Khomeiny : « Etant donné que les Monafeghine (terme péjoratif du régime pour désigner l’OMPI) sont des traîtres qui n'ont aucune croyance en l'Islam, que tout ce qu'ils disent est motivé par leur ruse et leur hypocrisie, que leurs dirigeants ont avoué leur apostasie à l'égard de l'Islam,(...) Il est ordonné ce qui suit : Tous ceux qui sont emprisonnés à travers le pays et qui persistent dans leur hypocrisie sont condamnés à mort car ils sont en guerre contre le Dieu. »

 En réponse à une question du chef du pouvoir judiciaire de l'époque, Mousavi Ardebili, Khomeiny avait écrit: « Au nom de dieu, Pour l'ensemble des cas évoqués, toute personne qui persiste dans son hypocrisie est condamnée à mort. Annihilez le plus rapidement possible les ennemis de l'Islam. Concernant l'examen des dossiers, optez pour la manière qui entraîne l'exécution la plus rapide. Ruhollah al-Moussavi al-Khomeiny »

 Maryam Radjavi, la dirigeante de la Résistance iranienne, a commémoré le 27 anniversaire du massacre dans un message : « Aujourd'hui, les peuples du monde sont indignés par la cruauté des crimes de Daech. Or, il y a trente ans en Iran, c’est Khomeiny qui a posé les fondations de cette barbarie en promulguant cette fatwa de mise à mort de milliers de jeunes Iraniens. À l'époque, Khamenei, le guide suprême des mollahs, était le président sortant du régime. Il a dit ouvertement à propos de cette boucherie : ‘Nous exécutons en effet des prisonniers et nous sommes très sérieux à ce propos’. Hassan Rohani, l’actuel président des mollahs, était alors le commandant en chef par intérim des forces armées et un haut responsable. C’est un fait que les deux factions du régime ont été directement impliquées dans le massacre des prisonniers politiques. Les mollahs ne pourront jamais se laver les mains du sang qu'ils ont versé et que le massacre de 1988 est à jamais gravé dans la mémoire de la nation. »

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