Je suis née à la fin de 1978, exactement le même âge que le régime de la République islamique d'Iran.
Mes années d'école primaire coïncidèrent avec la guerre. Les écoles ressemblaient plus à des casernes.
Je me rappelle comme tout le monde avait peur de sa propre ombre, même dans l'atmosphère d'enfance. Dans le froid de l'hiver, lors de la cérémonie du matin, on nous gardait longtemps dans la cour, en lisant le Coran, les prières et les homélies. Enfin lorsque cela était terminé, il était temps de chanter des slogans et plus de prières pour le leader, mais de la même manière que des slogans.
Combien nous avons dû crier pendant ces années-là : Dieu ! Dieu ! garde Khomeiny sous ta protection jusqu'à la révolution du Mahdi (le dernier Imam imaginaire des chiites, avec son soulèvement le monde prendra fin).
En tout cas, Dieu ne garda même pas Khomeiny jusqu’à la prochaine révolution iranienne !
Après lui, au tour du prochain leader, Ayatollah Khamenehei, nous avons scandé "Que ma vie soit le sacrifice du leader !" et plus que cela, le slogan "Dieu ! Dieu ! réduis notre vie et ajoute à la vie du leader !"
Comme il est vil d’être débout visionnant une poignée d'enfants chantant ce slogan et de la même manière arrogante et habituelle de tous les leaders fascistes du monde, debout sur un point plus élevé, regardant vers le bas et agitant la main en l'air !

C’était prévu de nous apprendre que nos vies et la vie de tous les autres étaient sans valeur comparées à la vie du leader et à la préservation de ce système. Et ça y a été, nous étions toujours des vies « non comptées », « des vies prêtes à donner » ...
Au mieux, on nous a donné le titre de martyr et dans d'autres cas où nous n'étions pas obéissants et à l'envers, nous n'étions pas du tout innombrables. Se souvenant des manifestations de novembre 2018 ; quand on en parle, bénissant ceux qui ont été massacrés dans la même mesure...
Des adolescents…
Des personnes juvéniles...
Des jeunes …
Imprégnant de douleur tout ton être, tu te souviens que nos vies devaient être diminuées et ajoutées à la vie du leader. Cela n'a aucun sens de parler de la façon dont un système fasciste refuse ses victimes, parce que les gens sont soit des vies à donner, soit des vies supplémentaires qui ne font que causer des problèmes au système. La meilleure façon pour le régime iranien d'éliminer, est de forcer les gens à émigrer. Mais qu'est-il arrivé aux gens qui ne le désirent pas ou ne le peuvent pas ? C'est pourquoi le régime nie , parce qu'il le connait bien. Il a transformé le pays en camps de la mort où certains sont enterrés sans nom ni adresse, d’autres meurent progressivement et ceux qui survivent vivront toujours avec ce traumatisme.
Mais les corps des jeunes pendus, suspendus entre ciel et terre, comme un drapeau qui a volé du plus profond de toutes ces années en tant que symbole de toutes les âmes anonymes et du sang versé, toutes les larmes et le deuil, qui sera soulevé…
Comme un pendule qui va et vient, va et vient, va et vient ...
Et ça vient !
-- Hengameh Hoveyda