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Billet de blog 21 février 2019

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Union : réalisable ou irréalisable ?

Leçon de l’histoire iranienne : Un « grand NON » peut unir le peuple, mais seul un « grand OUI » clair peut tracer un avenir durable.

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L’Iran traverse actuellement une période complexe. Les manifestations sporadiques des ouvriers, des retraités et des classes modestes, provoquées par les crises économiques et les sanctions internationales, dressent un tableau d’un mécontentement général. Bien que ces protestations ne se soient pas encore transformées en un mouvement national, la colère, nourrie par la corruption, l’inefficacité et les injustices sociales, est palpable dans différentes couches de la société.

Cette situation rappelle les dynamiques observées dans les années précédant la révolution de 1979. À cette époque, différents groupes se sont unis autour d’un « grand NON » au régime monarchique. Mais cette union, en raison des profondes divergences entre les groupes, s’est rapidement effondrée après la victoire. Revoir ces schémas peut nous aider à mieux comprendre les protestations actuelles en Iran.

Union : réalisable ou irréalisable ?

La révolution iranienne est le fruit d’une union qui semblait réalisable en apparence, mais qui était en réalité irréalisable. Trois principaux groupes ont joué un rôle crucial dans cette révolution : les groupes de gauche, les groupes islamiques et les nationalistes.

Dès le début, il était clair qu’il n’existait aucune similitude fondamentale entre ces groupes intrinsèquement discordants. Mais comment ces groupes ont-ils pu s’unir autour d’un axe commun, celui de l’opposition au Shah d’Iran ? Le Shah était devenu le symbole de tout ce que les gens ne voulaient plus : la corruption, la répression et la dépendance. Mais ce symbole avait une signification différente pour chaque groupe. De la même manière, aujourd’hui, Ali Khamenei est devenu pour beaucoup d’Iraniens le symbole de la répression et de l’échec. Les Iraniens savent ce qu’ils détestent : la République islamique. Mais la question principale est : « Oui » à quoi ?

Une union autour d’un « grand NON »

Une union autour d’un « grand NON » peut créer une énergie collective puissante. Cette union alimente la rage populaire et mobilise les masses dans les rues. Cependant, cette union repose sur un grand mensonge. Le « grand NON », bien qu’il soit un moteur efficace, ne suffit pas à lui seul. Finalement, en l’absence d’un « grand OUI » clair, cette union s’effondre.

De la même manière qu’aujourd’hui, de nombreux Iraniens considèrent Ali Khamenei comme le symbole de tous leurs problèmes et cherchent à le dépasser, à cette époque, le Shah était devenu le symbole de tous les échecs. Mais comme l’a montré l’expérience de la révolution, se contenter de s’opposer au statu quo ne suffit pas. Sans une vision claire de l’avenir, le chemin du changement peut mener à des endroits non désirés.

Retour sur l’histoire

Avant la révolution, la répression politique était l’un des principaux facteurs qui ont rapproché les groupes autour d’une colère commune. Ces groupes, malgré leurs différences idéologiques, partageaient une animosité envers le Shah. Cependant, après la victoire, ces différences sont devenues évidentes. Les groupes de gauche pensaient que Khomeiny, après la victoire, ne jouerait qu’un rôle symbolique et laisserait le pouvoir aux autres. Mais Khomeiny, en exploitant son autorité religieuse et sa popularité, a consolidé son pouvoir et marginalisé les autres groupes.

Lorsque le « grand NON » unit le peuple, le mouvement populaire s’accélère et gagne en puissance. Mais le régime cherche à démoraliser les manifestants de différentes manières : en leur faisant des promesses vides, en les poussant à rentrer chez eux et en leur montrant que tout est sous contrôle. Le « grand NON » est un moteur, mais il ne peut pas diriger. Pour parvenir à un « grand OUI », il faut un leader capable de prendre les devants.

   - Hengameh Hoveyda

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