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Billet de blog 27 mars 2025

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Quand “souhaiter l’exécution” devient la langue des monarchistes iraniens

Lorsqu'une universitaire iranienne établie en France, régulièrement invitée par les médias en tant qu’experte de l’Iran, en vient publiquement à regretter qu’un prisonnier politique iranien ait échappé à l’exécution, elle expose dangereusement les voix dissidentes à l’intérieur de l’Iran à davantage de répression.

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Le 24 mars 2025, Mahnaz Shirali — professeure de sociologie basée en France, partisane déclarée du courant monarchiste et invitée régulière des médias français en tant qu’« experte de l’Iran » — a publié un tweet qui expose de manière crue l’autoritarisme profondément ancré dans une partie de l’opposition iranienne en exil. Elle a écrit :

Illustration 1


« Ils arrêtent les figures jeunes, populaires et aimées — soit ils les exécutent, soit ils les brisent à un point tel qu’ils finissent par se discréditer eux-mêmes. On en est arrivé à un moment où je me dis : j’aurais préféré qu’ils aient été exécutés.
La tromperie des mollahs n’a pas de fin. »

Ce propos glaçant visait Toomaj Salehi, rappeur iranien engagé et dissident politique, devenu une figure emblématique du mouvement “Jin, Jiyan, Azadi” (“Femme, Vie, Liberté”). Pour ses chansons contestataires et son engagement courageux, il a été emprisonné, torturé et maintenu pendant des mois en isolement. Il a survécu — et c’est précisément pour cela qu’il est désormais attaqué non seulement par le régime, mais aussi par certains opposants en exil, qui ne tolèrent aucune voix divergente de leur propre récit.

Illustration 2

Qu’une personne régulièrement invitée dans les médias français, censée défendre les droits humains, exprime publiquement le souhait de voir exécuté un survivant de la torture d’État, dépasse l’indignation : c’est une trahison flagrante des principes mêmes de justice, de dignité et d’humanité.

Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. Dans les cercles monarchistes auxquels Shirali est affiliée, ce type de discours est tristement courant. Les personnes qui résistent depuis l’intérieur — prisonniers politiques, anciens détenus ou militants toujours incarcérés — sont systématiquement accusées d’être des « gauchistes », des « infiltrés », des « traîtres », voire des « agents du régime », simplement parce qu’elles refusent de se plier à une vision étroite et autoritaire de l’opposition.

Souhaiter l’exécution d’un prisonnier politique torturé n’est pas seulement une faillite morale — c’est une adhésion explicite à la logique même de la répression. Et si cette logique s’exprime aujourd’hui dans les mots d’une monarchiste vivant en France, elle pourrait bien ressurgir demain sous forme de pouvoir, si ces forces accédaient un jour aux commandes.

C’est précisément pourquoi il est essentiel de ne pas se taire.
Dénoncer de tels propos n’est pas créer la division — c’est faire preuve de solidarité envers celles et ceux qui continuent à résister, là-bas, au prix de leur liberté et parfois de leur vie. C’est refuser toute forme d’autoritarisme, qu’il s’habille de religion ou de nostalgie monarchique. Et c’est, surtout, défendre l’espoir — celui porté par celles et ceux qui luttent non pour un trône ni pour un drapeau, mais pour la liberté, la dignité, et le droit de vivre et de parler sans peur.

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