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Billet de blog 1 septembre 2022

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Faut-il respecter toutes les croyances ? A propos d’une phrase de la Constitution

La Constitution française écrit dans son article 1 :  « La France respecte toutes les croyances». Faut-il vraiment respecter toutes les croyances ?[

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En relisant la Constitution française, j’ai été frappé par une phrase de l’article 1 :  « La France respecte toutes les croyances». Cette phrase, qui semble descriptive, est en fait normative, ce qui m’amène à poser deux questions : toutes les croyances sont-elles respectées ? faut-il vraiment respecter toutes les croyances ?[1]

De toute évidence, les croyances contraires à la vérité scientifique ne sont pas respectées et ne sont pas respectables. Un lycéen n’a pas le droit de croire que la Terre est plate. Un citoyen n’a pas le droit de croire que les chambres à gaz n’ont pas existées.  Lors de la crise du Covid, les personnes qui ne croyaient pas à l’efficacité des vaccins ont été sanctionnées par la privation de certains droits. Certes, la science évolue ; certaines connaissances scientifiques seront peut-être contredites dans le futur, mais il existe un noyau dur que l’État, appuyé sur les scientifiques, a la légitimité d’imposer. 

De même, les croyances contraires aux principes républicains, tels que la loi les définit, ne sont ni respectées, ni respectables. Personne n’a le droit de croire que les femmes sont inférieures aux hommes, que les noirs sont inférieurs aux blancs, que les homosexuels sont des malades qu’il faudrait guérir, etc.  Si certains le croient, ils n’ont pas le droit de l’exprimer sous peine de poursuites judiciaires. Le respect de toutes les croyances a donc des limites, qui évoluent  au cours du temps.

Par ailleurs, il faut distinguer les opinions des croyances. Selon son domaine, une opinion s’appuie sur des preuves, sur une démonstration, sur un raisonnement, sur des arguments, sur une conception de la politique (l’organisation souhaitable de la société), sur des principes moraux : « Agis de telle sorte que le principe de ton action puisse être érigé en loi universelle ; Traite autrui comme une fin, pas comme un moyen ; Traite les autres comme tu voudrais être traité ». Les opinions sont discutables. Il peut y avoir des divergences d’opinion ; par exemple, sur le divorce, la contraception, la peine de mort, l’avortement jadis, sur la légitimité de l’héritage ou la GPA aujourd’hui. Toutes les opinions ne sont pas également respectables : elles doivent être justifiées.  Une croyance s’appuie, au contraire, sur une révélation ; elle n’est pas discutable. Dans une République laïque, le débat public doit reposer sur des opinions rationnellement fondées et non sur des croyances basées sur des révélations. Une religion ne peut prétendre imposer son point de vue à la société, si celui-ci est basé sur des préceptes archaïques figurant dans des « livres saints ».

Mais peut-être la phrase de la Constitution en question s’applique-t-elle en réalité aux religions. Le même problème apparait. Les religions comportent un grand nombre de croyances qui ne sont pas respectables. Pour des raisons scientifiques d’abord : le monde n’a pas été créé il y a 5782 années comme l’indique la religion juive ; les catholiques ont dû admettre que la Terre tourne autour du soleil et non l’inverse. Pour des raisons morales ensuite : il n’est pas admissible que la religion juive affirme qu’il existe un « peuple élu » ; que toutes les religions proclament l’infériorité des femmes : celles-ci ne comptent pas pour le minian ; elles ne peuvent pas dire la messe, devenir prêtre ; elles doivent être soumises à leur mari qui peut les corriger ; elles sont défavorisées en  matière d’héritage ; certaines interprétations du Coran leur imposent le voile ; certaines religions permettent la polygamie ou la répudiation par le mari. D’autres préconisations posent problèmes : la circoncision des enfants sans leur consentement ; l’abattage rituel sans étourdissement préalable des animaux. Certaines préconisations n’ont plus guère de sens : les interdictions alimentaires, par exemple, pourquoi interdire la consommation de porc, de crustacés, de certains poissons ? Leur suivi rigoureux par les écoliers imposerait des écoles ou des tables séparées par religion, ce qui favoriserait le communautarisme. La République doit-elle respecter les préceptes archaïques des religions, contraires aux principes républicains ?

En choisissant les principes républicains, les pratiquants de ces religions pourraient (ou devraient) donc en adopter une version modernisée, passée au tamis (sur le mode du judaïsme dit réformé, libéral ou progressiste), en conservant la croyance en Dieu et les préceptes moraux, en oubliant les pratiques et les interdictions archaïques. C’est d’ailleurs ce que font implicitement en France la majorité des chrétiens et des juifs.

Une République laïque, l’État mais aussi les citoyens, a le choix entre demander aux religions de respecter pleinement les lois républicaines ou maintenir un compromis honteux : fermer les yeux sur les dérives des religions par rapport aux lois républicaines.

En tout état de cause, la France ne respecte pas toutes les croyances ; elle ne doit pas s’engager à les respecter.

[1] Simple citoyen, je ne m’appuie pas ici sur mon domaine de compétence.

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