Catherine Vautrin a annoncé, ce 3 août, un vaste plan de lutte contre la fraude sociale. Elle a repris l’évaluation de 13 milliards d’euros faite par le HCFPS. Certes, il s’agit d’un leurre destiné à masquer l’absence de mesures fortes contre la fraude fiscale (évaluée à 70 milliards par an). Il s’agit aussi de masquer l’absence de mesures fortes dans le budget 2026 pour faire contribuer les riches et les grandes entreprises. Il s’agit enfin de jeter l’opprobre sur la protection sociale accusée d’inciter à la fraude et le non-travail et sur les précaires accusés d’en profiter. Cela dit, il est bien sûr nécessaire de lutter contre toutes les fraudes.
Le terme de fraude sociale s’applique à des comportements bien différents, dont certains sont ambigus, de sorte que l’estimation d’un coût de 13 milliards masque la complexité du phénomène.
La fraude la plus importante est, selon le HCFPS, la fraude aux cotisations sociales (7 milliards) due au travail non déclaré, au « travail au noir. On peut mettre en doute son qualificatif de « social » dans la mesure où s’y ajoute la fraude à la TVA et à l’IR. Il n’y a pas d’ambiguïté quand cette fraude est pratiquée par une entreprise ; elle existe quand le travail au noir est pratiqué à titre individuel (baby-sitting, petits bricolages.).
La protection sociale, comme toutes les activités, est victime d’escroquerie pratiquée en réseau organisé : entreprises fictives pour générer des droits à l’assurance maladie ou l’assurance chômage, entreprises fictives de formation professionnelle, fausses ordonnances, fausses prothèses auditives, etc. Là aussi, ce n’est pas « social ». Ce type de fraudes n’est pas isolée dans l’estimation du HCFPS.
Certains professionnels de santé (médecins, infirmières, dentistes, kinésithérapeutes) déclarent des actes qu’ils n’ont pas effectués ou surcotent ceux qu’ils ont effectués, en particulier dans les EHPAD ou les cabinets de soins à but lucratif. Ils profitent du remboursement à 100%, qui n’incitent pas les patients à vérifier la réalité et l’utilité des prestations. Pour le HCFPS, ce type de fraude couterait 1,7 milliard par an.
Restent donc la fraude attribuable aux assurés (4 milliards). En fait, l’estimation du HCFPS n’incorpore pratiquement aucune fraude des prestations chômage et retraites. Restent la maladie et surtout la famille.
La CNAF est la branche qui effectue le plus de contrôles. Cela l’amène à estimer à 3,87 milliards le montant de la fraude aux prestations qu’elle verse. Grâce à l’IA, ces contrôles sont orientés vers les populations les plus en difficultés, familles monoparentales, familles nombreuses, bénéficiaires du RSA, ce qui complique la vie de personnes en difficultés. S’il existe effectivement des fraudeurs volontaires (revenus non déclarées, fausses mères isolées...), une grande partie des fraudes décelées proviennent de la rigueur de la législation. Ainsi, une famille au RSA devrait voir son RSA diminué du montant des maigres sommes que peut procurer un job d’été d’un enfant. Ainsi, une mère isolée devrait perdre une grande partie de ses allocations si elle cohabite temporairement avec un partenaire qui ne participe en rien aux dépenses pour les enfants. Enfin, les législations du RSA, de la prime d’activité et des AL sont particulièrement compliquées. Les contrôles aboutissent généralement à trouver autant de non-recours à des prestions dues que de versements de prestations indues. La CNAF devrait gérer avec souplesse certaines situation plutôt que les épingler comme fraude sociale.
Le nombre d’arrêts-maladie a nettement augmenté ces dernières années. Cela doit être mis en relation avec le vieillissement de la population active. Il est certes inacceptable que certains « se mettent en arrêt-maladie » et les médecins devraient être plus rigoureux. Par contre, faut-il compter comme fraude un arrêt-maladie donné par un médecin à un salarié qui se plaint de difficultés importantes à son travail ? La mesure mise en place de contrôler les médecins qui donnent le plus d’arrêts-maladie n’est pas acceptable, ne tenant pas en compte des particularités de leur clientèles.
Contrairement à ce que proclament certains, la fraude à la carte vitale est marginale : le nombre élevé de cartes en circulation ne correspond pas aux nombres de cartes valides et plus encore utilisés.
En matière de chômage, il est à la fois légitime que France-Travail contrôle que les chômeurs cherchent effectivement un emploi et que ceux-ci aient le droit de refuser des emplois qui ne correspondent pas à leur qualification, dont les salaires et les conditions de travail sont problématiques. Là aussi, la législation de cumul-emploi-chômage est compliqué ; les erreurs ne sont pas de la fraude.
Les 13 milliards estimé de fraude sociale doivent être comparées aux 13 milliards estimé de non-recours aux prestations, dont une part provient de la difficulté à faire valoir leurs droits pour des population en difficulté.
Enfin, peut-on oublier les coûts de la privatisation et de la financiarisation ? Une partie des professionnels de santé ont des revenus excessifs ; la pratique des dépassements d’honoraires persiste. Les cliniques privées concurrencent les hôpitaux publics en écrémant les soins les plus rentables. Les centre de santé à but lucratif profitent du système généreux de remboursement et incitent les praticiens à pratiquer des prestations couteuses, souvent inutiles. Les capitaux privés investis dans la radiologie, la biologie, les EHPAD, les crèches doivent être rentabilisé ai détriment souvent des patients, des personne âgées et des bébés et toujours de la Sécurité sociale.