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Billet de blog 18 septembre 2025

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Faut-il une taxe Zucman ?

Quelques réflexions sur la taxation des propriétaires des entreprises.

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Considérons une entreprise côté 100 au début de la période. Durant l’année, elle fait 8 de profit net, elle paie 2 d’IS, ne distribue pas de dividendes. Donc, théoriquement, sa valeur est de 106, à la fin de l’année. Son unique propriétaire, Paul Martin, a eu un revenu économique de 8 sur lequel il n’a supporté que 2 d’impôt, donc un taux d’imposition de 25 %, bien en dessous du taux de 50/60 % que supporte les cadres supérieurs et du taux de 47,5% correspondant à la somme de l’IS et du PFU.  Que faire ?

  1. La société pourrait accepter cette différence pour favoriser explicitement les entrepreneurs et plus généralement les investissements dans les entreprises, en acceptant de creuser les inégalités de revenu et en faisant confiance à Paul Martin pour faire les investissements socialement optimaux. Si Paul Martin vend ses actions, sa plus-value sera taxée à 30%, donc son taux d’imposition aura bien été de 47,5%, mais l’imposition aura été longtemps différée. Cependant, si Paul Martin donne des actions à ses enfants ou décède, la plus-value sera purgée. Le principe d’égalité devant l’impôt serait bafoué et les inégalités de revenu seraient pérennisées.
  2. Le taux de l’IS pourrait être remonté à 47,5% et le PFU supprimé. C’est la meilleure solution, mais elle n’est pas envisageable dans le contexte de la concurrence fiscale. Par ailleurs, la hausse du taux de l’IS ne devrait pas nuire à l’investissement de la nation. Le gain pour les finances publiques devrait être utilisé à faire de l’investissement public ou à subventionner l’investissement privé, ce qui fait sens dans le cadre de la transition écologique.
  3. Paul Martin pourrait être taxé chaque année sur le montant de ses revenus effectifs plus  ses plus-values de l'année.  Mais , sa taxation serait trop fluctuante selon l'évolution de la Bourse. Elle serait excessive pour les fondateurs de start-up qui devraient verser immédiatement la moitié environ de leur gain.
  4. On pourrait faire remonter aux actionnaires non pas le dividende reçu mais leur quote-part des profits de l’entreprise. Ainsi, Paul Martin serait taxé à 30% sur 6 (le profit de l’entreprise) et non sur 0. Mais le Conseil Constitutionnel refuse la taxation des revenus non effectivement touchés.
  5. La taxe Zucman ferait payer 2 à Paul Martin, ce qui assurerait bien, dans notre exemple, un taux d’imposition de 50%. Là aussi, le produit de la taxe devrait être utilisé pour l’investissement. Deux objections pourraient être faites. Toutes les entreprises n’ont pas un taux de profit de 8% avant impôt. Certaines ont un taux de profit inférieur, leur propriétaire serait surtaxé par rapport à son revenu courant. Toutefois, la rationalité des marchés implique que la cotation de l’entreprise correspond bien à une rentabilité de 8% (celle exigée par les marchés) de sorte que Paul Martin ne devrait avoir aucune difficulté à s’endetter transitoirement pour payer la taxe ; il pourrait aussi choisir de payer en part de l’entreprise que l’État s’engagerait à ne revendre qu’à lui-même quand l’entreprise dégagerait les profits impliqués par sa valorisation.  La deuxième objection est qu’en cas de revente, Paul Martin serait soumis à une taxe de 1,8, de sorte que son taux d’imposition serait de (2+2+1,8) /8 = 72,5 %, ce qui est trop. La Taxe Zucman suppose donc de supprimer la taxation des plus-values ou, mieux, d’imputer sur la taxation des plus-values les taxes Zucman déjà payés (ce qui est préférable en cas de plus-values exceptionnelles).
  6. L’autre branche de l’alternative serait de supprimer la purge des plus-values par donation et succession, de sorte que les profits sortis de l’entreprise seraient bien taxés à 48,5%. On pourrait y ajouter le contrôle des holdings patrimoniaux (la limitation de leurs actifs en liquidités et en actions autres que celles des sociétés contrôlées) et la limitation des avantages du Pacte Dutreil à 50 millions d’euros par entreprise. Certes, les gains pour l’État seraient plus faibles et plus lointains, mais l’équité fiscale serait assurée et la transmission héréditaire des inégalités de revenus limitée.

On remarquera, et c'est la limite de l'accent mis sur la fiscalité, qu'aucune de ces options ne met fondamentalement en cause le pouvoir des capitalistes d'orienter les investissements de façon à maximiser leur profit, alors que l'urgence écologique demanderait d'autres critères de décision, mais c'est une autre question. d'orientation  

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