Remarques introductives.
La retraite étant une prestation d’assurances sociales, dépendant des salaires reçus dans la carrière, il est logique qu’elle soit financée par des cotisations assisses sur les salaires. On pourrait toutefois estimer que la partie qui correspond à l’ASPA pourrait être financée par la solidarité nationale, donc l’impôt, 1034 euros par mois par personne seule, 1605 euros pour un couple, soit un montant de l’ordre de 187 Mds. Le lien cotisation/prestation pourrait alors être assoupli.
Considérons une personne qui travaille de 21 à 63 ans et décède à 84 ans. Sa pension à la retraite doit être des 2/3 de son salaire net. Notons 100 son salaire brut est. Son salaire net doit être de 75, son taux de cotisation de 25%, sa pension de 50. En 2024, les pensions nettes versées aux retraités représenteraient 383 milliards (13% du PIB) sur des revenus d’activité des ménages de 1610 milliards, soit 23,4%. C’est proche du chiffre théorique.
Imaginons la retraite comme un placement fait à 42 ans et reçu à 74 ans, donc de 32 ans. A taux de cotisation fixe, en répartition, les actifs cotisent pour 13% de leurs revenus et reçoivent 13% des revenus, 32 ans plus tard. La rentabilité réelle du placement retraite est donc égal au taux de croissance des revenus d’activité, disons le PIB pour simplifier, soit de 1,5 % par an en volume de 1993 à 2025. Les prestations reçues sont de 1,63 fois les cotisations versées. A l’avenir, la rentabilité sera sans doute plus faible en raison du ralentissement du progrès technique et de la croissance de la population active
Peut-on imaginer une rentabilité des retraites (par capitalisation) de 5% quand le PIB augmente de 1,5 % l’an Cela voudrait dire qu’une génération qui a cotisé pour 13% du PIB recevrait 38,4% du PIB. Cette génération s’attendrait à revendre à la génération suivante pour ce montant fabuleux ; il est peu probable que la génération suivante soit disposée à la payer.
Le financement des retraites en France en 2024.
Les retraites devraient être financées par des cotisations des personnes couvertes. Cette proposition simple se complique car certains impôts sont traditionnellement affectés aux retraites pour exprimer une certaine solidarité ; la CSF finance des prestations de solidarité ; l’État prend en charge le déficit des régimes spéciaux ; il finance par l’impôt le régime des fonctionnaires, il faut faire la part des cotisations normales et des subventions ; enfin, l’État compense les exonérations de cotisations employeurs par des transferts d’impôts.
L’ASPA est financée pour 4,9 milliards par le FSV, donc par la CSG. Par ailleurs le FSV prend en charge pour 15,3 milliards de cotisations au titre du chômage ou de la maladie et présente un excédent de 1,1 milliard.
En 2024, la CNAV verse pour 157 milliards de prestation, contribue à la compensation démographique pour 5,5 milliards (paysans, commerçants). Elle est financée pour 114 milliards par des cotisations retraites ; pour 11 milliards par des cotisations famille (AVPF, majoration pour enfants) ; pour 15 milliards par le FSV pour les cotisations au titre de la maladie et du chômage, donc par la CSG ; pour 6,2 milliards par des taxes spécifiques (C3S, pour 5,2 Mds, contributions sur les avantages de retraites et de préretraites, 1 Mds) ; pour 16 milliards par des transferts de l’État qui compensent les exonérations de cotisations sociales (taxe sur les salaires, 9,7 Mds, forfait social, 6,3 Mds). Elle supporte 17 milliards d’allégements de cotisations compensées et 2,5 milliards d’allègements de cotisations non compensées (heures supplémentaires). En 2024, la CNAV a un déficit de 3,6 milliards.
Le régime des exploitants agricoles verse 6,8 milliards de prestations pour 1,4 milliard de cotisations. Il est équilibré grâce à 2,7 milliards de transferts démographique et de 2,6 milliards de la taxe sur les boissons. De même, leur régime complémentaire reçoit 0,6 milliards de droits sur les boissons.
En 2024, l’AGRIC-ARRCO a versé 98 milliards de prestations ; elle était excédentaire de 4,7 Mds€. Elle a reçu 8,3 milliards de l’État en compensation des exonérations de cotisations sociales, financées par la TVA pour 7,1 milliards (le milliard manquant ayant été pris en charge par la CNAV) et 4 milliards de l’Unedic qui financent les cotisations des chômeurs. Les régimes complémentaires des professions libérales ont un excédent de 2,5 milliards ; l’Ircantec un excédent de 1,3 milliard.
Globalement, la pension des fonctionnaires est équivalente à celle des salariés du secteur privé. DREES (2022) : Retraite : règles de la fonction publique et du privé Comparaison du calcul des droits à la retraite à l’aide du modèle Trajectoire. Le régime de la FPE a versé 60 milliards de prestations retraites, 3 milliards de prestations invalidité. Il a été financé par 14,5 milliards de cotisations (7,5 milliards de cotisations salariales et 7 milliards de cotisations patronales) et 48,5 milliards de contribution d’équilibre.
Le taux de cotisation retraite des fonctionnaires est de 85,4 % (11,1 de cotisations salariés et 74,3 de cotisations employeurs) contre 27,8 % pour le privé. Après correction pour l’invalidité (-5 %) et rapporté au traitement total (et non au seul traitement indiciaire, les primes représentant 25 % du traitement total), le taux de cotisation des fonctionnaires passe à 60,9 % ; la CNAV et l’Agirc-Arrco reçoivent des transferts de la banche famille, du FSV, de l’Unédic (38 milliards au total en 2024) qui correspondent à 5 points de cotisations.
Enfin, le ratio cotisants/retraités est de 0,95 dans la fonction publique contre 1,5 dans le privé, ceci s’expliquant par la décentralisation, le recours croissant à des contractuels et par la prise en charge des retraités de la Poste et de France Telecom. Le taux de cotisation corrigé du public est donc ramené à 38,6 %, ce qui est un peu plus élevé du taux de 33 % dans le privé, ce qui peut s’expliquer par des différences dans l'évolution des carrières (moins de carrières hachées dans le public, plus de hausse des rémunérations avec l'ancienneté). L’État prend donc à sa charge le déséquilibre démographique pour 21 milliards, qui devraient être répartis sur l’ensemble des régimes de retraites. Avec une méthode différente, l’IPP aboutit à 18 milliards. Ces 21 milliards sont attribués aux différents ministères. Il serait préférable que ces 21 milliards soit isolés et que le taux de cotisations employeurs du public soit de l’ordre de 40%. Par ailleurs, les cotisations salariales des fonctionnaires devraient porter sur les primes et être plus élevées de 3,7 Mds.
En 2024, la CNRACL a versé 25 milliards de prestations retraites et 2,5 milliards de prestations invalidité. Elle recevait 25 milliards de cotisations et avait un déficit de 3 milliards. Son taux de cotisations employeurs (31,65 %) était supérieur au taux de cotisations du privé, mais finançait des prestations d’invalidité). Elle ne reçoit aucun transfert de la CNAF ou de la FSV. Le régime souffre de la retraite précoce de certaines catégories d’agents (aides-soignantes,) et de la plus longue durée de vie des bénéficiaires (à 70% des femmes).
Le régime de la SNCF a un ratio « cotisants sur bénéficiaires » de 0,5. Elle verse 5,6 milliards de prestations. Son déficit de 3,2 milliards, est comblé par une subvention de l’État. Le régime des IEG a un ratio « cotisants sur bénéficiaires » de 0,73. Elle verse 5,9 milliards de prestations. Il est en équilibre grâce à une subvention de 1 milliards de la CNAV et grâce à la CTA (contribution tarifaire d’acheminement) de 1,9 milliard. Les autres régimes ont des déficits couverts par une subvention de l’État : RATP (0,9 milliard) ; Ouvriers de l’État (1,6 milliard) ; Marins (0,75 milliard) ; Mines (0,9 milliard). Le régime de la Banque de France est équilibré par une contribution de l’entreprise de 0,45 milliard. Par contre, les régimes des clercs de notaire ou des avocats sont en léger excédent. Au total, les subventions publiques sont de 7,4 milliards.
En 2024, la Cades a remboursé pour 15 milliards de dette dont 46% peut être attribué à la branche retraite, soit 6,9 milliards
En 2023, les régimes de retraites supplémentaires par capitalisations ont reçu 19,2 milliards de cotisation et versés 8,4 milliards de prestation, soit un excédent de 10,8 milliards. Le RAFP a lui un solde excédentaire de 3,0 milliards. Soit au total un excédent de 13,8 milliards.
L’Unedic est aussi un régime d’assurances sociales. Il est intéressant dans ce cadre de voir sa situation financière. En 2024, l’Unedic avait un solde équilibré. Mais elle devait financer France-Travail pour 4,8 milliards ; l’État a arbitrairement décidé de minorer de 2,6 milliards son remboursement des exonérations de cotisations sociales. Soit un excédent de 7,4 milliards.
Conclusion
Les 392 milliards de prestations retraites sont essentiellement financées par 337 milliards de cotisations, donc pour 85%. S’y ajoutent 21,5 milliards de CSG (pour 5,5%), 11 milliards d’impôts (pour 3%) et 28,5 milliards de subventions (pour 7%)
L’ensemble des régimes par répartition ont un déficit de 25 milliards y compris les subventions (0,8% du PIB), 18 milliards en tenant compte de la CADES, 4 en tenant compte des régimes par capitalisation. Par ailleurs, l’Unedic a un excédent de 7 milliards.