Henri Sterdyniak (avatar)

Henri Sterdyniak

Economiste citoyen

Abonné·e de Mediapart

80 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 juin 2024

Henri Sterdyniak (avatar)

Henri Sterdyniak

Economiste citoyen

Abonné·e de Mediapart

Xénophobie, souverainisme dévoyé, anti-écologie, le programme du RN

Le programme du RN est un ensemble hétéroclite de mesures sociales, de mesures favorables aux plus riches, de mesures d’aides aux entreprises. Avec deux points saillants  : des mesures anti-immigrés, contraires à la Constitution ; le refus des mesures écologiques, ce qui écarterait la France de ses engagements européens.

Henri Sterdyniak (avatar)

Henri Sterdyniak

Economiste citoyen

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au premier abord, la particularité du programme du Rassemblement national semble être de ne pas exister[1]. Jordan Bardella abandonne progressivement ses mesures phares pour finalement annoncer qu’il tiendra compte d’un Audit des finances publiques qu’il demandera à la Cour des Comptes. Or, celle-ci a déjà proclamé que la priorité doit être de réduire le déficit public de 70 milliards d’euros, cela en baissant les dépenses publiques.

Son programme est un ensemble hétéroclite de mesures sociales, de mesures favorables aux plus riches, de mesures d’aides aux entreprises. Cependant, ce programme n’en a pas moins deux points saillants : d’un côté, des mesures anti-immigrés, avec la thèse fantasmatique que les immigrés coûtent des sommes importantes qu’il serait possible de récupérer pour les Français, avec des propositions de préférence nationale contraires à la Constitution ; de l’autre, des propositions libérales, qui mettent en cause les réglementations et plus spécifiquement les mesures écologiques, des propositions qui écarteraient la France de ses engagements européens et mondiaux. Aussi, le fil rouge du programme du RN, c’est la xénophobie, un souverainisme dévoyé et l’anti-écologie. 

Le programme économique du RN.

Le programme économique du RN n’a aucun axe central, aucune cohérence économique globale. Sur certains points, le RN emprunte son programme aux partis de gauche, mais sans s’en donner les moyens, sans augmenter les impôts des entreprises et des plus riches ; sur d’autres, à la droite comme la baisse des impôts des entreprises et de leurs réglementations. Un point le caractérise cependant : les mesures contre les immigrés.

Les mesures de pouvoir d’achat

La mesure mise en avant dans le programme du RN est l’abaissement de 20 à 5,5% de la TVA sur les produits énergétiques (pétrole, gaz, électricité), qui coûterait 17 milliards par an aux finances publiques. Cette mesure peut sembler salutaire aux ménages victimes des hausses de prix de ces produits. Cependant, elle n’est pas ciblée sur ceux qui ont le plus besoin d’aides ; elle est contraire aux règles de l’UE qui imposent une liste stricte des produits qui peuvent bénéficier d’un taux réduit. Surtout, elle a le défaut d’inciter à la consommation d’énergies fossiles, qu’il faudrait au contraire réduire.

Le RN envisageait aussi de passer à zéro le taux de TVA sur certains produits de première nécessité (pour 7 milliards), avec là aussi la non-conformité aux règles de l’UE et de plus la difficulté de garantir que cette baisse de la TVA se traduirait bien par une baisse des prix et non par une hausse des marges des distributeurs. Cette mesure est maintenant reportée à un deuxième temps.

Sous prétexte de favoriser les hausses de salaires, le RN envisage d’exonérer les cotisations sociales patronales sur les hausses de salaires jusqu’à 10 %, pour les salariés ayant un salaire inférieur à 3 fois le SMIC.  Cette mesure (proche de l’extension de la prime de partage de la valeur, proposée par Renaissance) créerait une nouvelle niche sociale, qui réduirait progressivement les ressources de la Sécurité sociale. Elle provoquerait un fort effet d’aubaine pour les entreprises qui en bénéficieraient pour les hausses de salaires qui auraient été accordées de toute façon ; c’est une mesure pro-entreprises plus qu’une mesure de pouvoir d’achat. A terme, le coût pour les finances sociales serait de l’ordre de 25 milliards en année pleine.

Le RN avait envisagé d’exonérer d’impôt sur le revenu les contribuables de moins de 30 ans et d’impôt sur les sociétés les chefs d’entreprises de moins de 30 ans. Ces mesures profiteraient aux plus riches parmi les jeunes. Le Conseil constitutionnel ne pourrait que les refuser, puisque contraires au principe : « Chacun doit contribuer aux dépenses publiques selon ses capacités contributives ».

Les mesures sociales.

Le RN propose d’abroger la réforme des retraites décidée en 2023, donc de rester à la retraite à 62 ans et 42 années de cotisations. Il propose, de plus, d’autoriser ceux qui ont commencé avant 20 ans de partir à 60 ans avec 40 années de cotisations. Par ailleurs, Jordan Bardella a affirmé que le RN suspendrait la réforme de l’assurance chômage que le gouvernement Attal entend introduire à partir du premier juillet. On ne peut qu’approuver ces positions.

Le RN propose de revaloriser les salaires des personnels soignants à hauteur de leur travail, d’arrêter les fermetures des lits à l’hôpital public et des maternités, d’agir contre les déserts médicaux grâce à des incitations financières fortes pour les soignants, d’augmenter le nombre de maisons de santé, de sécuriser l’approvisionnement en médicaments Là aussi, la promesse est satisfaisante, sauf que Jordan Bardella indique que la mise en œuvre de ces mesures dépendra de l’audit des Finances publiques.

Par contre, le RN veut soutenir les familles françaises en instaurant une part de quotient familial (QF) pour le deuxième enfant (mais cela aiderait surtout les familles les plus riches), en créant un prêt à taux zéro pour les jeunes familles françaises (qui deviendrait une subvention à partir du troisième enfant). Les allocations familiales seraient réservées aux familles dont au moins un des parents est français. L’allocation de soutien familial (ASF) serait doublée pour les mères isolées françaises. Ces discriminations ignobles seraient refusées par le Conseil constitutionnel.

Le RN ne propose pas de revalorisations des allocations familiales (c’est d’ailleurs le cas de la quasi-totalité des partis politiques). Par contre, les biens immobiliers seraient sortis de l’impôt sur les successions (jusqu’à 300 000 euros) et les grands parents pourraient donner à chacun de leurs petits-enfants 100 000 euros tous les 10 ans sans avoir à payer de droits de mutation. Il s’agit d’une mesure qui ne concerne que les familles riches.

Le RN propose de revaloriser les salaires des enseignants, refonder leur formation, réduire les effectifs des classes et arrêter les fermetures d’écoles. Par contre, il veut « rétablir l’autorité de l’institution scolaire par l’instauration d’un uniforme au primaire et au collège tout en sanctionnant les absences et les incivilités ». Ce n’est pas la bonne méthode. Il vaudrait mieux donner plus de moyens financiers et humains aux établissements situés dans les quartiers populaires, repenser la pédagogie pour se donner les moyens d’assurer la réussite des élèves en difficulté. Au contraire, le RN veut revenir sur le collège unique, instaurer la sélection dès 11 ans, de sorte à séparer très vite les enfants des classes populaires, voués à quitter très vite le système éducatif, de ceux des classes moyennes et supérieures.

Une politique anti-écologique.

Le RN se prononce pour le développement du nucléaire, mais propose simultanément l’arrêt du développement (et même le démantèlement) des éoliennes, cela au nom du paysage français, alors que le développement conjoint du nucléaire (dont les centrales sont longues à construire) et des EnR est requis pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre. 

Il prétend : « Défendre une écologie raisonnable, à rebours de l’écologie punitive du Pacte vert ». En fait, il veut supprimer les obligations de rénovation énergétique des logements, revenir sur l’interdiction de vente des voitures thermiques à partir de 2035, revenir sur la directive CSRD qui oblige les grandes entreprises à rendre compte de leur gouvernance, de leur gestion du personnel et de leur impact écologique. Il propose de « stopper la multiplication des normes abusives qui pèsent sur les familles et les entreprises ».  En fait, la France ne peut pas renier ses engagements européens et mondiaux en faveur de la lutte contre le changement climatique. Ce serait une politique de très court terme, qui sacrifierait les générations futures.

Pour lutter contre la concurrence des pays tiers, le RN propose de mettre en place une « véritable taxe carbone aux frontières de l’UE », en oubliant que cela suppose qu’une taxe carbone de même niveau soit instaurée, en même temps, sur les productions de l’UE.

La politique industrielle

Le RN prétend vouloir « réindustrialiser et produire en France », mais ne s’en donne guère les moyens, en restant dans la lignée de la politique actuelle : baisse des impôts et des réglementations. Ainsi, propose-t-il de supprimer la cotisation foncière des entreprises (16 milliards d’euros en 2023) et le reste des impôts de production (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE, et contribution sociale de solidarité des sociétés, C3S, 10 milliards en 2023). Aussi, veut-il abolir l’obligation de vigilance des grandes entreprises quant aux pratiques de leurs sous-traitants.

Par contre, on peut approuver certaines de ses propositions : sanctuariser les secteurs stratégiques et de souveraineté face aux règles de concurrence de l’UE (aides d’État, monopoles, marchés publics) ; lutter contre les paradis fiscaux européens ; mettre « les politiques monétaires au service de l’investissement dans l’économie réelle, la transition écologique et les technologies d’avenir » ; créer un fonds pour orienter l’épargne vers des secteurs stratégiques et l’innovation (mais faut-il oublier les secteurs traditionnels ?).  

Le RN propose de garantir aux paysans des prix respectueux de leur travail et mettre un terme aux marges abusives de la grande distribution, d’interdire les importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production française, de favoriser les circuits courts, de contraindre les cantines à utiliser 80% de produits agricoles français, de généraliser l’étiquetage sur l’origine et la qualité des produits alimentaires. Par contre, le RN s’oppose aux réglementations écologiques comme l’interdiction des pesticides, au programme européen de la Fourche à la Fourchette, visant à réduire l’impact écologique de l’alimentation. Il propose d’interdire l’abattage des animaux sans étourdissement, ce que personnellement  j’approuve au nom du bien-être animal et de la laïcité, même si le RN a des arrière-pensées antisémites et anti-musulmans.

Le RN veut privatiser l’audiovisuel public (ce qui rapporterait 3 milliards). Mais les radios et les télévisions publiques passeraient alors sous la coupe du patronat, avec tous les risques que cela comporte pour le pluralisme et la liberté d’expression, comme en témoignent les lignes éditoriales de C8, Cnews et LCI.

Par contre, la renationalisation des autoroutes, qu’il préconise, est souhaitable si elle permet de revenir sur les conditions de leur privatisation telles qu’elles ont été (mal) négociées par le gouvernement de Villepin.

Les mesures anti-immigration

Le RN veut supprimer le droit du sol (avec le risque de faire des apatrides) et mettre fin au regroupement familial. Les accords de Schengen ne s’appliqueraient qu’aux citoyens de l’UE. Ces propositions sont contraires aux engagements internationaux de la France.

Il veut réserver les aides sociales aux Français et conditionner à 5 années de travail en France l’accès aux prestations de solidarité (allocations familiales, allocations logement). Qui pourrait accepter que des enfants vivent dans la pauvreté absolue en France alors que les parents travaillent et cotisent ?

Il veut assurer la priorité nationale pour le logement et l’emploi. Il veut expulser tout étranger n’ayant pas travaillé depuis un an en France. Les travailleurs étrangers vivraient ainsi dans l’angoisse de perdre leur emploi, puis d’être expulsés. Ces propositions se heurteraient à l’opposition du Conseil constitutionnel. 

Le RN veut transformer l’aide médicale de l’État en aide médicale d’urgence, une mesure que tous les médecins refusent, au nom du serment d’Hippocrate qui les obligent à soigner toutes les personnes qui en ont besoin, mais aussi au regard, du risque d’aggravation de maladies non soignées, du risque d’épidémie. 

Le RN compte financer un grande partie son programme par la baisse du nombre d’immigrés en France, en oubliant que ceux-ci sont indispensables dans beaucoup de secteurs d’activité (des médecins dans les hôpitaux[2] aux emplois de services à la personne), que beaucoup occupent des emplois que les Français refusent d’occuper, en oubliant  que les immigrés contribuent aux finances publiques par leurs impôts et cotisations, alors qu’ils ne touchent pas encore de retraites et n’ont souvent pas bénéficié de dépenses d’éducation en France de sorte qu’au bilan, leur apport est sans doute positif.

Le financement

Il serait essentiellement assuré par la baisse du coût de l’immigration, dont la mise en place sera, on l’a vu, heureusement difficile, par la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Il envisage de mettre fin à certaines niches fiscales (ne citant que celles des armateurs).

Il propose de supprimer l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) pour créer un IFF (impôt sur la fortune financière). Certes, il n’y a aucune raison de surtaxer l’immobilier (le logement est un besoin essentiel), mais, il n’y pas non plus de raison  de sous-taxer les propriétaires de logements locatifs. Un IGF (impôt général sur la fortune) serait préférable.

Le RN veut baisser de façon unilatérale de 2 milliards les versements de la France à l’UE, ce que nos partenaires n’accepteraient pas, le budget de l’UE ayant déjà été voté jusqu’en 2027.

Au total, le RN refuse toute mesure fiscale d’ampleur, de sorte que son projet est déséquilibré avec 82 milliards de dépenses (retour sur la réforme des retraites, baisse de la TVA, baisse des cotisations sociales employeurs et des impôts sur les entreprises, aides aux familles…) et seulement 30 milliards de ressources (IFF, privatisation de l’audiovisuel public, niches fiscales, lutte contre la fraude…), en n'intégrant pas dans l' évaluation des dépenses et des ressources problématiques comme la non-imposition des moins de 30 ans, la réduction de la contribution française à l’UE et les réductions de prestations aux immigrés.

Remarquons qu’Éric Ciotti et les Républicains portaient un programme totalement différent, avec certes des mesures anti-immigrés et la baisse des impôts sur les entreprises mais aussi le passage à 67 ans de l’âge de la retraite, la réforme des prestations chômage et une forte réduction du déficit public par des baisses (non documentées) des dépenses publiques.   

Hors du champ économique

C’est hors du champ économique que se trouve l’essentiel du programme du RN, celui qui attire beaucoup de ses électeurs. Celui-ci se propose de « remettre la France en ordre en mettant fin au laxisme à l’égard des délinquants et des criminels » [3], en particulier en établissant des peines planchers, en supprimant les possibilités d’aménagement et de réductions des peines, en supprimant les Allocations familiales aux familles de mineurs délinquants.

Il veut « stopper la submersion migratoire en réduisant drastiquement l’immigration légale et illégale et en expulsant les délinquants étrangers », en particulier en faisant exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF), en traitant les demandes de droit d’asile uniquement à l’étranger (ce qui revient en fait à refuser l’asile, puisque les personnes persécutées n’ont généralement pas accès aux consulats français).

De nombreuses mesures du RN seraient refusées par le Conseil Constitutionnel, l’UE ou la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ce serait l’occasion pour le RN de proposer de changer la Constitution par référendum, avec tous les risques et les tensions que cela provoquerait.  

La question cruciale

La question cruciale est : Pourquoi le RN a-t-il obtenu aux élections européennes, 31,3 % des voix (et l’extrême droite, 40 %), cela malgré son absence de programme cohérent ?  De toute évidence, ce n’est pas une question de programme explicite, mais un souhait d’une grande partie des classes populaires et moyennes, d’un gouvernement autoritaire, assurant la sécurité, luttant contre l’immigration et redonnant du pouvoir d’achat par des baisses d’impôts et de cotisations sociales.

Le programme du RN exprime la nostalgie de certains Français pour une période fantasmée d’un pays souverain, d’avant la mondialisation, d’avant l’Europe, d’avant les contraintes écologiques.

D’un côté, la force du RN se nourrit de la disparition du lien entre les forces de gauche et les classes populaires. Les classes populaires se sont disloquées, avec la réduction du poids de l’industrie, l’affaiblissement des syndicats et du PCF, la disparition des municipalités ouvrières et de la culture ouvrière, la précarisation. Un livreur d’Uber ne peut pas se considérer comme un travailleur fier de lui, comme le pouvait un ouvrier qualifié de la métallurgie.

Les déceptions, que la gauche au pouvoir a fait naître, ont écarté d’elle une partie des classes populaires et moyennes, dont les enseignants.

De l’autre, une partie importante des Français souffrent de la disparition des services publics ; ils ont le sentiment de « ne pas en avoir pour leur argent » en matière d’école, de santé, de transports. Ce sentiment est parfois légitime. Mais, sans doute, la gauche ne fait-elle pas assez l’éloge du modèle social français.

Les contraintes écologiques sont mal ressenties par les agriculteurs et les petits patrons. Elles nourrissent le sentiment de coupure entre les élites parisiennes et le reste de la population.

Une partie importante des Français refusent la créolisation[4] la présence de  populations issues de l’immigration, qui entend conserver sa culture, différente de celle du reste de la population (contrôle et asservissement des femmes en particulier par le voile…). En sens inverse, la promotion de cette créolisation par les partis de gauche risque de les écarter des milieux populaires attachés aux traditions républicaines françaises.

Pour les couches populaires, les immigrés peuvent apparaître comme des facteurs de baisse de salaires et de dégradation de conditions de travail.  Et leur colère est déviée sur eux, au lieu de porter sur le patronat qui profite de leur situation. Le marché du travail devient dualiste et ethnicisé ; certains emplois sont, de fait, réservés aux personnes de couleur, qui y sont cantonnées, de sorte que l’intégration, autrefois réalisée dans le travail, le syndicalisme, les grandes entreprises, ne fonctionne plus.

Plus souvent situés au bas de l’échelle des revenus, les immigrés bénéficient logiquement plus de certaines prestations sociales, ce qui permet à l’extrême-droite de les dénoncer comme profiteurs. Ainsi, certains membres des classes populaires sont amenés à penser que ces prestations sont versées à leur détriment.

Les petits patrons, les commerçants, les artisans, et même certain ouvriers ont le sentiment, entretenu par le RN et la presse de droite, d’être spoliés pour aider les chômeurs et les assistés (dont beaucoup d’immigrés), des personnes qui refuseraient de travailler.

Enfin, certains médias d’extrême droite jettent de l’huile sur le feu, en particulier ceux aux mains de Bolloré, en mettant en évidence les faits divers impliquant des immigrés ou des prétendus musulmans, en attisant un sentiment d’insécurité et de laxisme de la justice auquel le RN se propose de répondre. Ainsi, le RN a trouvé des boucs émissaires au sein même les classes populaires, que la gauche ne réussit plus à unifier dans un projet commun.

Avec le macronisme, s’est accentuée la coupure entre les classes populaires et les classes dirigeantes vues comme une élite avide, méprisante, coupée du peuple. Malgré les députés issus des classes populaires, la gauche (LFI et PCF) n’a pas réussi à apparaître comme l’émanation des classes populaires. Il semble que le RN n’a pas encore souffert de ce processus de distanciation entre les dirigeants et le peuple.

Les classes dirigeantes ont plongé la France dans la mondialisation malgré (ou pour) les conséquences tragiques qu’elles ont pour les paysans et les ouvriers, confrontés à des productions réalisées par des travailleurs payés 10 fois moins qu’eux. Cela nourrit la haine contre les classes dirigeantes que le RN attise.

Les classes dirigeantes dirigent l’État à leur profit (c’est le néo-libéralisme). En même temps, c’est le charme de la démocratie, elles doivent obtenir l’acceptation d’une part des classes populaires et moyennes. C’est ce qu’a oublié le projet d’Emmanuel Macron d’adapter à marche forcée la France à la mondialisation libérale, ce qui profite au RN. La tâche du mouvement progressiste sera, demain, de rassembler les classes populaires et moyennes aujourd’hui disloquées sur un projet commun, d’une société écologiste, égalitaire, solidaire.

[1] Le RN a publié un court document : Bardella, Premier ministre.  Je me réfère aussi aux mesures préconisées par Marine Le Pen en 2022 et au  programme  du RN pour les élections européennes.

[2] Même si piller les médecins des pays moins développés, faute d’avoir assez de médecins français en raison du numerus clausus, n’est pas une pratique souhaitable.  

[3] On trouvera des éléments de critique du mythe du laxisme de la justice dans : https://www.marianne.net/agora/humeurs/laxiste-la-justice-les-juges-incarcerent-de-plus-en-plus-et-les-chiffres-ne-mentent-pas

[4] Voir : https://melenchon.fr/2021/09/03/quest-ce-que-la-creolisation-entretien-avec-linsoumission/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.