Le déplacement guide les actions concernant la mobilité
Bien que l’idée selon laquelle la mobilité ne se réduirait pas au déplacement soit aujourd’hui largement partagée, au moins par le monde de la recherche en sciences humaines et sociales, elle ne trouve pas de concrétisation réelle sur le terrain.
Le mouvement observable et mesurable reste la jauge permettant de mesurer la valeur des choses et des personnes. Cela est d’autant plus vrai que l’action dans ce domaine est pilotée par le monde des transports, sous couvert de la Loi d’Orientation des Mobilités, au nom d’un droit à la mobilité qui revendique le déplacement pour tous et se transforme en un devoir de "bouger pour s'en sortir" adressé au citoyen.
Une mobilité prisonnière du déplacement, même lorsqu’elle se revendique solidaire
Lorsqu’elle est solidaire, la mobilité a naturellement l’ambition d’intégrer les empêchés dans cette société du déplacement, à charge pour eux d’en donner la preuve en sortant de leur territoire et en se détachant de leurs formes de vie. Comme s’il n’était pas possible de s’en sortir dans certains lieux et dans certains milieux, comme s’il n’était pas possible de s’en sortir sans faire d’études supérieures, sans avoir le permis de conduire ou une voiture, sans faire de vélo, sans rentrer quelque part dans le rang.
Ce faisant, la solidarité se voit enfermée dans le carcan d’une mobilité qui ne se définit pas comme créatrice d’autonomie et de liberté, en dehors de la liberté de circuler et de se déplacer. Dans ce cadre, avec des objectifs limités aux déplacements et une omniprésence des solutions techniques, la mobilité solidaire n'est elle-même, par essence, ni durable ni créatrice de sens.
Le déplacement, une impasse pour la mobilité
En reliant la réussite individuelle à la capacité de se déplacer, la mobilité montre pourtant ses limites. La somme des projets individuels nous emmène dans une impasse collective, avec une planète à bout de souffle qui peine à absorber les effets délétères de nos déplacements.
Nous savons que pour préserver l'avenir décarboner mais ne suffira pas. Nous savons que les mobilités douces ne seront que des solutions complémentaires. Nous savons que les sciences de l'ingénieur et la technique seule ne résoudront pas les problèmes de fond.
Il convient donc de changer radicalement l’approche de la mobilité, en interrogeant la substance et le sens du mouvement. Considérer la mobilité comme un capital commun doit à ce titre sous-tendre les débats, avec les citoyens associés à l’ensemble des décisions.
L’éducation pour une mobilité durable
L’outil premier de cette quête de sens et de la transformation des pratiques est l’éducation, une éducation qui combine des objectifs d’apprentissage et de transformation, sans doute parce que « nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement (Wiener N, 1950) ».
L’éducation concerne sans conteste tous les citoyens, surtout peut-être les 10% de la population qui contribuent pour plus de 50% aux émissions polluantes (Rapport OXFAM, 2020).
Pour rendre les changements acceptables, l’éducation s’appuiera idéalement sur une vision humaniste et constructiviste de l’accompagnement. La contrainte et le contrôle pourraient être contreproductifs et susciter de nouvelles révoltes.
Commencer à accompagner le changement
Parce que l’Education se déploie dans un temps long, il n’est plus possible d’attendre pour l’organiser avec et pour les citoyens.
Parce qu’elle donne rapidement des résultats tangibles, il n’est pas trop tard pour la mettre au centre des débats sur la mobilité.
Parce qu’elle a comme finalité d’être durable, cette mobilité embarquera tout naturellement les questions de solidarité et d’inclusion.