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Billet de blog 19 juin 2022

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L’adaptation, comme renoncement à la transformation

Peindre les routes en bleu et les toits en blanc, végétaliser les villes et planter des arbres, remplacer les moteurs thermiques par des moteurs électriques, quitter les villes et repeupler la ruralité…, toutes ces réponses participent à une volonté affichée de s’adapter à un monde que nous avons déjà impacté jusqu’à la limite de l’habitable.

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Si l’adaptation est un mouvement nécessaire en période de crise. Les réponses qu’elle propose ne permettront cependant pas d’éviter les catastrophes à venir. Certaines de ces réponses pourraient même les accélérer et les aggraver. Le mouvement que nous avons donné à la planète la rend déjà inhospitalière dans de nombreux endroits et la rendra sans conteste inhabitable pour l’homme si l’on se limite à ce type de réponses. Et ce mouvement va encore, quoi qu’il arrive, s’accélérer.

Au niveau systémique, l’adaptation repose trop souvent sur l’idée de ne pas remettre en cause les équilibres et de ne pas rompre avec nos modes de vies. Cette adaptation reste alors avant tout une adaptation de nantis, indifférente à celle qui s’impose aux populations les plus démunies, dans les espaces les plus impactés par le réchauffement climatique, là où l’adaptation c’est déjà juste survivre, fuir ou mourir, là où faire le caméléon ne suffit pas.

Chez nous, l’adaptation commande certes de faire évoluer nos économies, notre travail, nos transports ou nos loisirs, mais sans renoncer à générer de la croissance, à être toujours plus mobiles, à créer des richesses et du bien-être chez certains, pas les plus nombreux mais les plus puissants.

Dans ce cadre, nous ne remplacerons sans doute pas les énergies fossiles avant de les avoir épuisées. L’adaptation ne cherche d’ailleurs pas à réduire la consommation d’énergie et d’espace nécessaire au développement ni à atténuer les inégalités sociales. Elle ne supprime pas les énergies fossiles. elle leurs adjoins plus sûrement de nouvelles sources d'énergies pour continuer à augmenter la capacité à produire et consommer. Elle ne s’appuie par sur un nouveau paradigme, elle prolonge l’ancien, celui qui nous mène pourtant droit dans le mur. Elle ne questionne par exemple pas la dépendance générale à la voiture. Elle en diversifie les profils et les modèles et les additionne sur nos routes. La voiture électrique ne va pas totalement remplacer la voiture thermique avant plusieurs décennies. Elles vont cohabiter un bon moment, rejointes progressivement par des flottes autonomes. Elles participeront sans aucun doute à l’augmentation mondiale du nombre de véhicules en circulation et aux besoins en énergie nouvelles et en matières premières déjà rares.  

Aux niveaux individuel ou collectif, l’adaptation repose sur la volonté de ne rien perdre de ce qui serait, selon les normes sociales, le sel de nos vies.  L’adaptation c’est un peu la crème sur le visage qui masque un temps les rides mais qui finalement n’empêchera pas le vieillissement. L’adaptation c’est le brumisateur en période de chaleur mais plus encore, la piscine ou la climatisation qu’il paraît légitime de posséder. L’adaptation c’est prendre son vélo pour aller au travail mais préférer l’avion pour partir en vacances. L’adaptation se nourrit alors de l’immobilisme de celui à qui l’on ne permet de voir que le bout de son nez, de celui qui ne peut raisonner au-delà de son existence et de son petit espace de vie. S'adapter c'est dans ce sens refuser de se transformer. 

L’adaptation est ainsi au service du statuquo et d’un développement que l’on affiche durable mais qui ne sait même pas être soutenable. Elle est l’adjonction d’une vignette verte collée sur le pare-brise du véhicule de la croissance, du profit et de l’indifférence. Elle impose à l’individu et au collectif des manières de penser et des comportements qui lui donnent l’illusion de faire sa part, en consommant des produits artificiellement verdis dans un monde qui reste en surchauffe.

L’adaptation permet ainsi de changer de manière cosmétique pour que rien ne change dans nos sociétés, nos vies, nos destins personnels et collectifs. L’adaptation permet alors de changer sans rien transformer, juste pour un petit moment d’égarement supplémentaire.

L’adaptation n’est assurément pas à la hauteur des enjeux d’une transition qui ne peut s’envisager qu’à partir de formes avérées de ruptures et de métamorphoses. Des ruptures systémiques qui concernent l’organisation de nos sociétés. Des métamorphoses qui concernent nos attitudes et nos représentations pour transformer en profondeur nos comportements et le sens de nos vies.

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