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Billet de blog 10 août 2013

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Asiana 214

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Y aurait-il eu utilisation des aérofreins ?

L'accident du vol Asiana 214 présente un intérêt majeur en termes de compréhension, certes comme bien d'autres, mais plus particulièrement malgré tout. Il est survenu par grand beau temps et lors d'une approche finale à vue et deux pilotes normalement reposés étaient aux commandes. 

Deux commandants de bord expérimentés, dont l'un était instructeur et Pilot In Command (PIC) c'est-à-dire Commandant de Bord du vol, mais PNF(pilot non flying) ou plus exactement selon les appellations modernes plus significatives PM ( pilot monitoring), deux commandants de bord expérimentés donc, qui se sont fait piéger ! Qui se sont fait piéger, parfaitement....

 Il est affligeant de lire ci et là certains qui prétendent avoir quarante ans de métier ( quel métier au fait ? ) et profèrent de véritables âneries ou enfoncent des portes ouvertes, du genre ils ne regardaient pas la vitesse ou ils ne regardaient pas dehors etc .... Ce que n'intègrent pas ceux là qui s'érigent si vite en juges aux mots définitifs c'est en particulier la notion du temps qui se compte en secondes et qui ne pardonne alors plus la moindre distraction. 

 Ce que n'intègrent pas certains, disons d'imaginaires pilotes, est que toutes les distractions ne sont pas toujours coupables, mais en revanche toujours explicables. 

 Mais que croit-on ? Qu'à 500' pieds du sol on n'aurait pas aux commandes d'un 777 un circuit visuel permanent, un balayage permanent entre l'extérieur et l'intérieur, je veux dire le tableau de bord ?

 Le graphe que j'ai publié comme résultat visuel des calculs ( simples) effectués à partir des seules données fournies par le NTSB est très parlant pour de vrais professionnels qui se donnent  la peine d'observer et de comprendre, de tout simplement regarder et d'analyser et oserais-je dire de sentir oui de sentir dans ses propres tripes, l'enfoncement, l'affreuse sensation de la poussée qui ne vient pas, aussi cette sorte de paralysie qui empêche de prendre une décision énergique celle d'enfoncer les manettes à fond !

 Aussi paradoxal que cela puisse paraître la remise de gaz était pourtant évidente et facile à réaliser. Il suffisait d'enfoncer les manettes, d'afficher donc la poussée TOGA ( take off, go around ) l'assiette était déjà là ( vu la vitesse aux abords du décrochage ) 

Il n'y avait même pas de rotation à effectuer, juste mettre plein pot ! 

 Contrairement à ce que prétendent de nombreux journalistes il n'y a jamais eu de tentative de remise de gaz, et d'ailleurs le NTSB ne l'a jamais dit, mais seulement une poussée en augmentation pour tenter de tenir la vitesse.

Revenons au graphe quelques instants : entre 1600' et 1000' les choses semblent maîtrisées en effet si la pente est forte (4,5°) elle mène néanmoins au point normal de toucher des roues et rien n'interdit en approche à vue de maintenir une telle pente. La vitesse était en régression. Le seul problème était de continuer trop longtemps avec une poussée réduite... Et éventuellement faire l'arrondi ainsi. La suite montre pourtant qu'en continuant sur cette pente il aurait fallu mettre des gaz significativement avant l'arrondi.

 Alors pourquoi ne pas avoir continué sur cette pente stable, même si, et je le répète, forte ?

 En d'autres termes pourquoi il y a-t il eu déstabilisation à partir de 1000', pourquoi ce plongeon qui fait passer la pente de 4,5° à 5,9° ? Avec un vario associé de 1500'/mn qui déclenchera le " sink rate " ?

 Alors la volonté  de revenir sur le PAPI ? Peut-être après tout mais quel dommage. 

Une chose cependant interpelle.... Il y a plongeon avec 1500'/mn, induisant une pente de 5,9° et la vitesse régresse malgré tout ? Curieux que des gens qui auraient quarante ans de métier semblent incapables d'envisager que peut-être y aurait-il eu sortie des aérofreins ?  

La pente qui augmente dans des proportions considérables et la vitesse qui malgré tout diminue...


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