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Billet de blog 21 août 2013

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La charge contre Ryanair : une campagne malveillante qui fait pschittt

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La charge contre Ryanair : une campagne malveillante qui fait pshitt !

Lanceurs d'alerte, impunité, apologie de l'anonymat, sécurité des vols, spécialistes auto-proclamés, experts fantômes, syndicalistes au rencard, pilotes de ligne retraités et frustrés, quels amalgames ! Quelle volonté de nuire, que de mensonges d'inexactitudes, et de mauvaise foi !

Certes le ministre y est allé de son communiqué de presse, mais dans le fond à part laisser transparaître une certaine complaisance avec les syndicalistes, quel pouvoir a t-il ?
De quel pouvoirs spéciaux disposerait bien la DGAC, pour enquêter sur une Cie étrangère respectant à la perfection les EU-OPS, en d'autres termes les règlements européens ?
Imaginerait-on une administration française se muant en inspection du travail Irlandaise ? 
Quand aux retours d'expériences que les pilotes de Ryanair seraient dissuadés de faire remonter disons deux choses : 
Les REX ne sont pas des documents officiels ( du point de vue des autorités de l'aviation Civile ) ils ne sont pas obligatoires ils ne sont qu'un canal de remontée des informations à la Cie, ils peuvent être éventuellement anonymes, alors que les ASR ( Air Safety Report ) sont non seulement des documents officiels ( Aviation Civile ) mais encore sont-ils requis par l'Autorité dès lors que des incidents aériens rentrant dans le cadre d'une liste parfaitement définie mais non exhaustive se produisent. Et leur rédaction et leur transmission à l'autorité sont du seul ressort des CdB qui se rendent coupables de délits dès lors qu'ils ne satisferaient pas à leurs obligations en ce domaine.
Le deuxième point est qu'en matière de retour d'expérience sur les incidents aériens il pourrait bien apparaître fort imprudent pour le ministre de tutelle de creuser en ce domaine surtout dans le but navrant de nuire à une Cie étrangère, quand on connait les fortes suspicions qui pèsent en ce domaine sur la DGAC française, l'AESA et le transporteur tricolore.

Alors que Air France est mise en examen pour homicide involontaire dans le drame du Rio-Paris alors que l'on connait que le manque de retour d'expérience et surtout sa non exploitation significative par les responsables concernés chez Air France est une des causes majeures du crash, alors que l'on connait le nombre à peine croyables d'incidents graves survenus chez Air France qui font l'objet d'enquêtes ouvertes par le bureau d'enquêtes et d'analyses français, et qui pour au moins trois d'entre eux ne sont que des accidents évités dans les dernières secondes, le communiqué de presse du ministre apparaît bien en définitive arrogant et outrancier.

S'agissant des événements dits de Valence, survenus l'année dernière alors que les conditions Météo sur Madrid étaient très orageuses et que de nombreux avions se déroutaient, trois avions de Ryanair se déroutaient eux aussi sur Valencia, et se déclarèrent tous les trois durant l'approche à Valencia, " short fuel " ou " low fuel " afin d'indiquer au contrôle aérien que s'ils attendaient  comme il leur était demandé de faire, il se poseraient en conséquence avec un Fuel on board inférieur à 30 mn de vol restant. Il se trouve que les règles imposent alors pour faire cette déclaration au contrôle de commencer son message par le fameux Mayday, afin bien entendu d'attirer l'attention du contrôleur et de lui permettre d'arranger sa séquence d'atterrissage et d'éviter autant que possible que les avions en questions se posent en dessous de ces 30 mn de vol restant. Les règlements européens imposent aussi au commandant de bord de tout faire pour se poser au dessus du minimum du minimum, soit 15 ' de vol restant, ce qui représente environ 300 kg de fuel. Deux avions se posèrent avec un fuel on board supérieur à 30 mn de vol, un avec quelques dizaines de kg en dessous...

À propos de l'annonce Mayday, que la DGAC et le ministre veuillent bien se souvenir qu'en 2009, six mois jours pour jours après le drame du Rio-Paris, le vol AF 445 se retrouvait en situation de décrochage, à un niveau de vol ( 380 ) beaucoup trop élevé, et quasiment sur les mêmes lieux de la catastrophe. L'équipage de ce vol AF 445 qui n'aurait pas dû être surpris par des turbulences à cet endroit n'a eu d'autre choix que de descendre en catastrophe s'étant retrouvé aux abords du décrochage, et comme bien entendu il n'avait pas le temps de prendre contact en HF avec le contrôle,

il avait balancé un Mayday à la hussarde, qui avait choqué les avions dans le secteur,

au point que le contrôle aérien avait aussitôt fait savoir ce qu'il s'était passé cette nuit là. La Cie Air France était au courant de l'affaire avant l'atterrissage du vol et alors que le directeur général Gourgeon, ne trouvait rien d'autre à répondre à la presse qu'un stupide " tout cela était parfaitement normal ",  il ne s'est trouvé personne pour protéger les enregistrements du vol, et aussi bien la Gendarmerie de l'Air que les autorités de l'Aviation Civile sont restés inertes.

Oui monsieur le ministre ce comportement de toute la chaîne opérationnelle d'Air France n'a pas été à la hauteur et les mots sont mesurés, gageons que les avocats de Ryanair sauront s'en souvenir...

La campagne orchestrée à l'encontre de Ryanair est particulièrement odieuse car elle ne se contente pas entre autre de dénigrer son management qui est fondé sur les lois Irlandaises, mais elle s'attaque à un métier et à la manière de l'exercer, c'est à dire au comportement des pilotes de lignes de Ryanair. Ont-ils des comportements rigoureux, responsables, pragmatiques ce ne peut être en aucun cas le fruit de leur compétences et expériences mais le résultat inadmissible de pressions inacceptables de la part d'une direction. Tel est aujourd'hui le raisonnement utilisé par une bande organisée mais anonyme et lâche. D'autant plus lâche qu'elle exploite jusqu'à saturation complète, jusqu'à écœurement complet jusqu'à la nausée le filon de la sécurité. 

Ainsi l'emport de carburant pour une ou plusieurs étapes données est-il régi par une règlementation internationale, simple et précise qui s'appuie aujourd'hui sur des outils d'une grande précision tels que les données Météo, et les plans de vols calculés. Sur la surface entière du globe un quadrillage extrêmement serré donne pour des milliers et des milliers de positions géographiques des renseignements simples et précis comme pour une altitude donnée et une position donnée, la température extérieure, le vent et la pression atmosphériques. Parallèlement les plans de vol calculés intègrent de façon personnalisée, les performances des avions tels que les consommations carburant, consommations spécifiques, consommation-distance, pour chaque triplet MTO à savoir températures, pressions, et altitudes. Ainsi chaque avion au départ dispose d'un plan de vol technique ou opérationnel calculé, dont les calculs intègrent bien évidemment la masse de l'avion au départ. Ainsi tout au long de la route suivie les consommations et les temps de vol sont-ils extraordinairement précis, les estimées en général exactes à une minutes pès, et les consommations exactes à 100 ou 200kg près selon que les conditions atmosphériques ont pu évoluer ou que des déviations ont été nécessaires.

Il est clair donc, que sur une étape donnée la connaissance du délestage sur le parcours de A à B est connue avec une très grande précision. Idem pour le parcours sur les dégagements prévus. Pour tenir compte des aléas il est nécessaire d'emporter aussi une quantité de carburant dite réserve de route et en général égal à 5% du délestage. 

À titre d'exemple sur des vols aux alentours de une heure et demi le délestage serait de 3 600 kg et donc la réserve de route de seulement 180 kg. Des vols de 3 h devront emporter 360 kg.

La plupart des Cies Aériennes imposent des minimas à cette réserve de route ( sur moyen courrier ) qui sont la plupart du temps de 600 kg, et je ne crois pas me tromper en disant que Ryanair prend 700 kg ce qui correspondrait à une RR ( réserve de route ) normale pour un vol de près de 6 heures. 

Or comme je le précisais il est extrêmement rare de voir ces réserves de routes entamées de manière significatives, et donc les équipages disposent ainsi de 15 à vingt minutes d'attente à destination avant d'atteindre le carburant minimum pour dégager ! Et cela en prenant strictement le carburant calculé par le plan de vol et rien de plus. Les équipages qui prennent 300 kg de plus ( parce qu'ils n'auraient pas besoin de justifier ) se retrouvent donc à l'arrivée avec 23 mn d'attente au lieu de 15..... La belle affaire ! 

En revanche si on considère 1000 vols quotidiens, et je crois que Ryanair est à 1500 vols quotidiens, on peut considérer 17 tonnes de carburant économisées chaque jours, générées par le non emport systématique de ces 300 kg. Bien entendu, ramené à l'année on obtient le chiffre hallucinant de 6 000  tonnes, chiffre qu'il faut naturellement minorer en tenant compte du nombre de jours où il apparaîtra nécessaire de prendre ces 300 kg ou plus.

MAIS QUAND MÊME !

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