Hervé Labarthe (avatar)

Hervé Labarthe

Commandant de Bord Airbus. Ex Commandant de Bord et Instructeur d'Air France

Abonné·e de Mediapart

281 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 mars 2016

Hervé Labarthe (avatar)

Hervé Labarthe

Commandant de Bord Airbus. Ex Commandant de Bord et Instructeur d'Air France

Abonné·e de Mediapart

FlyDubai flight 981 : Une chute de 14 secondes ! Sous une pente de -35° !

Le premier tableau de données diffusé par flightradar24, s'il fournissait des données cohérentes, altitude, vitesses, taux de montée (ou chute), cap suivi, était malheureusement totalement erroné quant aux coordonnées géographiques. Il était donc impossible de calculer une pente quelconque. Le site a corrigé et publié un autre tableau. L'avion a chuté sous une pente de -35° !

Hervé Labarthe (avatar)

Hervé Labarthe

Commandant de Bord Airbus. Ex Commandant de Bord et Instructeur d'Air France

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le vol Air France 447, Rio-Paris de sinistre mémoire, est devenu une référence technique en de nombreux domaines. Il a chuté avec une assiette moyenne de 15° et une incidence de 40°, durant son fameux deep stall mortel. Cette chute infernale a duré de longues minutes sous une pente de -25°. S'agissant du vol FZ981 de FlyDubai on est confondu par l'immédiateté de l'événement. 

Quatorze secondes de chute, quatorze petites secondes et tout était fini ! 

Le vol Air France hélas maintenu en décrochage profond avec une vitesse faible descendait sous une pente de -25°, celui de FlyDubai s'est fracassé sous une pente de -35° avec un taux de chute ahurissant de 20 000'/mn ou plus. 
Rien de comparable dans ces deux pertes de contrôle. Dans le cas d'Air France le pilote a conduit l'avion au décrochage et l'y a maintenu après un cabré incompréhensible et d'ailleurs toujours inexpliqué, alors que dans le cas de FlyDubai, rien ne permet d'évoquer un décrochage durant sa remise de gaz. Approchant  4000' établi en montée, le 737-800 semble loin d'une vitesse de décrochage que l'on pourrait estimer vers 100 kts, puisque sa vitesse sol est de 185 kts et que durant cette phase de montée la vitesse n'a cessé d'augmenter. 

Un autre élément important à noter est la stabilité du cap 

Illustration 1
materialisation-pente-a-rostov

Les deux points notés sur l'image google, sont les deux points extrêmes donnés par flightradar24. Peu ou prou ils matérialisent la chute.

Cette stabilité du cap implique que l'inclinaison est restée nulle, durant la chute ce qui peut aussi indiquer que le pilote automatique était, au moins sur son mode " roll ", en fonction sur " CMD " voire sur " CWS ", ou en tous cas que que s'il y a eu une action du pilote, elle l'a été soit sur la seule profondeur en  mode " CWS " sur le mode pitch, donc, soit une action sur la seule profondeur avec le pilote automatique sur OFF. 

Mais cette action sur la profondeur ne peut pas être logiquement une action à piquer, car on l'a vu, on n'est pas dans le cas d'une récupération du décrochage, que rien n'annonce  et de plus si le piqué avait été commandé par une action pilote la vitesse aurait très vite augmenté.
Si action sur la profondeur il y a eu, elle est seulement concevable à cabrer !

Deux raisons à cela :

  1. Seule une action à cabrer peut expliquer une brutale augmentation de l'incidence, et seule une brutale augmentation de l'incidence peut expliquer ce qu'on appelle un décrochage dynamique ou encore un décrochage sous facteur de charge. Et il s'agit bien ici d'un décrochage dynamique, par nature, brutal et soudain. Seul ce type de décrochage est susceptible d'expliquer une telle trajectoire sous une telle pente
  2. Cette action à cabrer ne serait pas justement une action, mais une réaction

 Seul le constat d'une diminution involontaire de l'assiette et du vario peut expliquer une réaction à cabrer, et cette diminution d'assiette et du vario ( qui était établi en montée ) ne peut provenir que du pilote automatique. Or alors que l'avion est établi en montée, et s'il est sous pilote automatique, on ne voit pas bien comment expliquer cet événement. 

Seule explication possible : l'avion établi en montée était piloté en manuel, et ce n'est qu'à l'engagement volontaire de cet autopilot, que le vario diminue et part soudainement à piqué .... 

Là encore il ne reste plus beaucoup de possibilités techniques pour expliquer la chose. Le pilote automatique était calé sur l'ILS avant la remise de gaz, c'est à dire que l'ensemble AFDS était en mode APP. 

Serait-il possible que le pilote automatique fût resté dans ce mode ( APP ) alors qu'il avait été déconnecté à la remise de gaz ? 

La réponse est oui, sauf erreur de compréhension du FCOM 737-800 de ma part. 

  • La remise de gaz peut avoir été effectuée sous AP, mais il fallait pour cela que les deux APs fussent engagés, de même que le mode FLARE armé, et que les " go-around " P/Bs aient été actionnés au moment de la décision de remise de gaz. Mais dans ce cas l'AFDS passe en mode " go-around " et sort donc du mode APP
  • Si l'action sur les " go-around palm switch " a été initiée alors que l'approche s'effectuait sous un seul AP, alors l'AP est d'office déconnecté, et le Flight Director ( FD ) passe en mode go-around et sort donc du mode APP.
  • En revanche si le pilote automatique a été déconnecté par utilisation du bouton rouge sur le manche dit de déconnexion instinctive, alors le système est resté en mode APP, et pour sortir de ce mode APP, il faut impérativement reseter les FDs c'est à dire les passer sur OFF, puis ON. 
    Si cette action de reset des FDs n'a pas été effectuée avant le réengagement de l'AP, alors il est parti rechercher l'ILS sur lequel il était calé. 

Si le pilote automatique était calé sur APP au moment du réengagement, alors le mode CWS est inhibé, et donc soit le pilote a déconnecté son AP en urgence avec le bouton du manche, soit alors il a surpassé l'AP par un effort important au manche, ce qui explique l'apparition brutale d'un facteur de charge important qui entraîne ce décrochage dynamique sans issue.

Quant à une remise de gaz " non conforme " qui ne déclenche pas le mode go-around, et laisse donc le pilote automatique en mode APP, ça existe et même chez Air France. Un de ses Airbus A319 frôla la catastrophe à 76' près, le 23 Septembre 2009, quatre mois après la catastrophe du Rio-Paris. Le commandant de bord aux commandes, était Instructeur, mais avait sa propre conception de la remise de gaz molle.... Le rapport du BEA, édifiant est

 ICI !
L'Airbus fut sauvé par le GPWS, mais aussi et en plus par ses protection CDVE...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.